
100 badass du cinéma, épisode 12 : Humphrey Bogart, Brad Pitt, Robert Vaughn, Gregory Peck, Dustin Hoffman
Au programme du jour : du gros dur dans Le Faucon Maltais, Fight Club, Les Sept Mercenaires, Les Canons de Navarone et Les Chiens de paille. Ca défouraille !
56. Sam Spade (Humphrey Bogart)
par Gilles Da Costa
FILM : Le Faucon maltais, de John Huston (1941)
Sam Spade, le privé interprété par Humphrey Bogart dans ce premier film de John Huston, Le faucon maltais (The Maltese Falcon), n’a pas toujours été le dur à cuire que l’on connaît. Lorsque la Warner achète les droits du roman de Dashiell Hammett à la fin des années 20 et produit en 1931 une version du film réalisée par Roy Del Ruth, Spade (incarné alors par l’acteur d’origine autrichienne Ricardo Cortez, comme son nom ne l’indique pas) y est dépeint comme un playboy cérébral proche d’un croisement entre Sherlock Holmes et Fred Astaire. Après l’échec relatif de l’entreprise, le studio tente alors d’en recycler le scénario six ans plus tard dans une comédie avec Bette Davis, Satan Met a Lady, cachant ses inspirations afin de ne pas reverser de royalties à Hammett. Encore un four. Ce n’est qu’en 1941 que Huston et Bogart, alors abonné aux seconds rôles de bad guys, s’associent pour réaliser leur version de l’histoire avec un budget restreint et un planning très serré.
Avant le Sam Spade de Boggart, le détective privé au cinéma était un agent indépendant qui coopérait néanmoins avec la police. Une figure relativement lisse qui évitait généralement de se salir les mains, comme Nick Charles, le héros de La franchise du genre la plus populaire à la fin des années 30, également adaptée d’un roman de Hammett : L’introuvable (The Thin man). Sam Spade au contraire est un véritable anti-héros avec un penchant pour les femmes, la distribution de gnons et la bouteille. Il ferait n’importe quoi pour gratter un dollar et gagne la sympathie du public exclusivement grâce à sa franchise ainsi qu’à sa langue bien pendue. Il ne porte pas d’arme mais ne manque pas une occasion d’en utiliser une si l’opportunité se présente. Impétueux, roublard, il détonne avec l’image du détective généralement présentée avant les années 40 au cinéma. Il y aura donc un avant et un après Sam Spade. Après la sortie du Faucon Maltais, la plupart des privés Hollywoodiens se calqueront sur ce modèle, beaucoup essayant en vain d’égaler le charisme de Boggart.
Il existe bien un fond d’humanité chez Spade mais il est difficile à déceler. Lorsqu’il apprend au saut du lit que son partenaire vient de se faire liquider, c’est à peine s’il cligne de l’œil en signe de deuil. Aucune inflexion dans la voix, pas la moindre émotion. Spade est un animal à sang froid. Son premier réflexe après avoir eu vent de la nouvelle est de demander à son assistante d’effacer le nom du défunt de la porte de leur agence. Le business continue après tout. Spade est revenu de tout, rien de semble vraiment le soucier. Qu’on le menace d’une arme, l’empoisonne ou qu’il encaisse un gros coup de savate dans le front, il affiche toujours un rictus déconcertant, comme si tout cela n’était qu’un jeu. Beaucoup plus manipulateur et vicelard que tous ceux qui l’entoure, il semble toujours avoir un coup d’avance et mène la dance alors même qu’on le pense piégé. Détaché, le regard perçant et le verbe acéré, Boggart s’amuse avec l’argot délectable des années 40 qui semble avoir été inventé pour le personnage.
C’est certainement cette légèreté alliée à une menace physique omniprésente qui font de Spade le badass par excellence. On ne sait jamais s’il compte se rouler une cigarette, se servir un whisky ou vous décoller une droite un grand sourire aux lèvres. Il est totalement imprévisible, franchement instable et même ses ennemis comme Kasper Gutman (extraordinairement interprété par le gargantuesque Sydney Greenstreet) ou ce pauvre Joel Cairo (Peter Lorre, comme toujours sensationnel) semblent séduits par cet homme aussi improbable que fascinant. La grande force de Spade découle certainement de son individualisme. Il ne respecte rien ni personne, se moque ouvertement de l’autorité, ne s’attache réellement jamais à qui que ce soit et ne cherche à satisfaire que son propre intérêt. C’est un électron libre, un stratège jouant un jeu dont lui seul connait vraiment les règles. Sans scrupule ni moralité, il est très loin d’incarner l’image du chevalier blanc en imperméable et borsalino. Un premier grand rôle pour Boggart qui connaîtra la gloire l’année suivante en 1942 dans Casablanca de Michael Curtiz avant de retrouver John Huston en 1948 pour un autre chef-d’œuvre de l’âge d’or Hollywoodien : Le trésor de la Sierra Madre.
Badass Line : « People lose teeth talking like that. If you want to hang around, you’ll be polite. »
57. Tyler Durden (Brad Pitt)
par Kasilla
FILM : Fight Club, de David Fincher (1999)
Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous êtes sorti d’une projection en vous disant que le film que vous veniez de voir allait vous marquer à vie ? Le genre de spectacle qui vous laisse à la fois sans voix et débordant d’une énergie nouvelle, avec une envie féroce de refaire le monde, une véritable claque… Pour moi cette claque, ce fut Fight Club. David Fincher était l’un de mes réalisateurs préférés depuis Seven et The Game, un maître de la mise en scène, un artiste du visuel, le roi du twist. Peu de web à l’époque : les bandes-annonces étaient surtout diffusées à la télévision et on tombait en général dessus par hasard… La découverte de celle de Fight Club au JT de France 2 fut le choc qui m’a précipité dans mon petit cinéma de quartier le soir même.
Adapté du roman de l’américain Chuck Palaniuk, le film suit le parcours d’un jeune expert en accidentologie, campé par le famélique Edward Norton, cherchant désespéremment de quoi mettre du piment dans sa morne existence. Un jour il croise un certain Tyler Durden dans un avion et tout va radicalement changer. Fight Club, ou comment une vie uniquement faite de consommation, de frustrations et de routine peut mener le plus banal des hommes à péter une durite et vouloir complètement changer le monde.
Jusqu’ici abonné à des rôles relativement clean, Brad Pitt apparait litteralement transformé : le cheveux cartonné par du gel fixation extra-forte, la barbe de 3 jours, la dent cassée et le look improbable de son personnage vont rapidement en faire une icône. Mais en marge de cette allure sexy-crado, c’est avant tout son Tyler Durden qui repousse les limites du terme borderline jusque dans son essence même. Un ultra badass en forme de projection mentale, quelle idée de génie ! Suite à cette expérience révélatrice (non, je n’ai pas non plus monté un commando pour faire sauter la BNP), je me suis procuré tous les romans de Palaniuk et les ai dévoré… Ce mec est un génie qui mériterait d’être plus souvent adapté au cinéma. Quant à Brad Pitt, il démontrait avec Tyler Durden à quel point on n’était pas au bout de nos surprises avec sa capacité à se remettre en question dans des rôles politiquement incorrects.
BADASS LINE : La première règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club. La seconde règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club.
58. Lee (Robert Vaughn)
par Sheppard
FILM : Les Sept mercenaires, de John Sturges (The Magnificent seven, 1960)
On aurait pu carrément consacré une journée entière aux 7 mercenaires tant tous les personnages répondent, chacun à leur manière, à la définition du genre. Mais Lee (Robert Vaughn) a quelque chose en plus. Lee représente à lui tout seul la part d’ombre que porte chacun de ses camarades. Si son personnage est essentiel à l’équilibre de la bande, c’est qu’il est là pour nous rappeler que tous ces hommes ont du sang sur les mains et qu’ils n’ont pas toujours été du côté du péon, de la veuve ou de l’orphelin. Lee est ici pour nous dire que sous leur attitude à la cool se cache des assassins, des psychopathes de la gâchette.
Lee est une sorte de Jemini Cricket du mal, un gars qui rappelle constamment aux autres comment et pourquoi ils en sont arrivés là et surtout, ce qui les attends au bout. A force du tuer, il se feront tuer à leur tour et ça ne sera pas beau à voir. Ils mourront probablement seul, la face dans la poussière et ils l’auront mérité. Cela Lee en est parfaitement conscient et sent même le moment approcher. Ses réflexes diminuent, il fut un temps où il pouvait attraper trois mouches sur une table, maintenant, il n’en prend plus qu’une. Cette remarque peut paraître dérisoire, mais pour lui, c’est un arrêt de mort. Contrairement à l’ensemble des mercenaires, Lee sait pertinemment qu’il n’en réchappera pas. Il sent la mort qui rôde et la peur, qu’il ignorait avant, l’empêche maintenant de dormir, sans doute hanté par le visage de ses victimes. Loin d’avoir une aura aussi iconique que Adams ou Tanner (quoique), Lee est le personnage le plus ambigu, le plus torturé et finalement le plus humain de tous. Sa mort, tué par une balle perdue, fauché en pleine rédemption, au moment où il se dit qu’enfin de compte, il s’en sortira peut-être, apparaît comme le jugement implacable du destin. Les hommes comme lui ne s’en sortent pas.
Pour la petite histoire, Robert Vaughn jouera un personnage similaire dans l’improbable 7 mercenaires de l’espace (Battle Beyond the Stars) de Jimmy Murakami, que votre serviteur vit en salle un jour de 1980. J’en garde un souvenir ému, même si ça doit être complètement minable.
Badass line : « No enemies – Alive «
59. Capitaine Keith Mallory (Gregory Peck)
par Gilles Da Costa
FILM : Les Canons de Navarone, de Jack Lee Thompson (The Guns of Navarone, 1961)
La stature et le charisme de Mallory forcent à eux seuls le respect. Leader d’un commando d’élite composé de la crème de la crème du corps militaire britannique, il décroche la timbale par ses aptitudes physiques inégalées et ses capacités d’infiltration derrières les lignes ennemis. Réputé meilleur alpiniste au monde, ayant mené une guérilla aux cotés la résistance crétoise afin de bloquer une division allemande entière, parlant allemand et grecque aussi bien que les natifs de ces pays, il était tout destiné à diriger la mission suicide des Canons de Navarone.
Quand Mallory entre dans une pièce, on se lève. Lorsqu’il lève la voix, on l’écoute. Lorsqu’il fronce les sourcils, on tremble. il incarne cette figure héroïque séduisante quasi invincible préfigurant les James Bond et autre Indiana Jones qui tiendront le haut du pavé dans les blockbusters américain pendant les décennies à venir. C’est un précurseur de ces personnages alliant charme et puissance. La combinaison parfaite de la force brute et du charisme ravageur. Intelligent et peu enclin au sentimentalisme, il fait le boulot même lorsque son équipe remet en cause son autorité. Mallory est implacable car guidé par un idéal, un objectif presque inatteignable effrayant le commun des mortels. C’est sa grande force, son moteur. Son regard porte plus loin que celui de ses subordonnés et les obstacles qu’il trouve sur son chemin ne sont que des fétus de paille qu’il balaye d’un revers de la main.
Son seul but est la destruction de cette batterie de canons gigantesques qui menacent indirectement le monde entier. Voilà pourquoi Mallory est au-dessus de la mêlée. Il semble être le seul à comprendre le poids de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Avançant telle une flèche décochée vers un objectif, fer de lance de la force armée britannique, il ne stoppera sa course qu’une fois son but atteint. Un personnage immense, remarquablement incarné par Gregory Peck dans le film réalisé par J. Lee Thompson en 1961 et qui réapparaîtra au cinéma dans une suite décente en 1978, L’ouragan vient de Navarone, sous les traits d’un autre acteur abonné aux personnages de badass : Robert Shaw.
Badass Line : « The only way to win a war is to be as nasty as the enemy. »
60. David Summer (Dustin Hoffman)
par John Plissken
FILM : Les Chiens de paille, de Sam Peckinpah (Straw Dogs, 1971)
Un grand penseur de ce siècle signant au Daily Mars (il me semble qu’il s’agit de David Brami) a écrit un jour : « nait-on badass ou le devient-on ? » Je n’ai point de réponse à cette abyssale question mais une chose est sûre, dans le foudroyant chef-d’oeuvre de Peckinpah, le personnage de petit prof de math poltron et timoré joué par Dustin Hoffman deviens assurément un gros badass à sa mémère à l’issue du film. Adapté du roman The Siege of Trencher’s farm, de Gordon Williams, Les Chiens de Paille est encore à ce jour l’un des films les plus perturbants, glauques… et en même temps jouissifs de son réalisateur.
L’intrigue suit l’installation en Grande Bretagne, dans un village reculé de Cornouailles, du jeune prof pacifiste David Summer avec sa très jeune et jolie épouse Amy. Leur terre d’élection est en fait le village natal d’Amy, dont la faune mâle n’a pas oublié les frasques pré-vie conjugale et garde toujours des vues sur la blonde gironde. Alors que David a engagé un petit groupe d’ouvriers du coin pour retaper leur nid d’amour, les tensions vont aller crescendo entre le couple et les autochtones, jusqu’à ce que deux drames consécutifs catapultent le paisible David dans une escalade de la violence…
Taxé pêle-mêle à l’époque de fascisme, machisme, sadisme et de quasi apologie du viol, Les Chiens de paille a déchaîné les passions à sa sortie, accusé de maux qu’il entendait au contraire dénoncer mais à la façon toute personnelle de Peckinpah. Evidemment, rien n’est simple avec le grand Sam, bel et bien fasciné par la violence et davantage intéressé par le soufre et l’inconfort du public plutôt que le pathos et l’explication de texte. Mais à ses yeux, la révolte de David Summer à l’issue du film et son éradication méthodique des assaillants de sa maison n’ont rien d’héroïque. Non seulement le final en demi-teinte ne glorifie en rien les événements mais en plus, le réalisateur a surtout voulu montrer comment l’incapacité à communiquer de David, son absence de courage pour désamorcer en amont les conflits latents, ont pu aboutir au déluge de violence finale.
Quant à nous, oui, on sait, acclamer des personnages de « vigilante » au cinéma, c’est mal mais tout de même : lorsqu’après trois quarts de film passés à se faire plus ou moins traiter de lopette par des villageois cons, dangereux et arrogants (ok, validons l’accusation de caricature…), David cesse enfin de tendre l’autre joue et fait péter le tromblon pour sauver sa peau et celle du demeuré Henry (David Warner), on exulte. Dustin Hoffman, qui était loin d’être le premier choix pour le rôle, s’affirme pourtant sans peine en badass à lunettes, métamorphosé par la nécessité de survivre. Raaah, quel putain de chef-d’oeuvre, je me le remate ce soir, tiens !
Argh, j’aurais pas donné cette badass line a durden ! Ya tellement d’autres truc stylé qu’il dit !
c est Palahniuk et non Palaniuk …(et oui,tellement de ses bouquins méritent un film,voir tous !)