
100 badass du cinéma, épisode 13 : Charles Bronson, Roy Scheider, Lance Henriksen, Spencer Tracy, Nick Nolte
En garde, faquin ! Prépare toi à affronter cinq nouveaux braves du jour (les n° 61 à 65 précisément) avec, au programme de ce 13e épisode, du badass dans Mr Majestyk, Tonnerre de feu, Aux frontières de l’aube, Un homme est passé et 48 heures. ACTION !
61. Vince Majestyk (Charles Bronson)
par David Mikanowski
FILM : Monsieur Majestyk, de Richard Fleischer (Mr. Majestyk, 1974)
Vous êtes vous déjà demandé pourquoi Budd, le vilain joué par Michael Madsen dans les Kill Bill, avait décoré l’intérieur de son mobile home crasseux avec une affiche vintage de Mr. Majestik ? Sans doute parce que Tarantino est un big fan du film, d’accord. Mais aussi parce que ce dernier vénère le romancier Elmore Leonard (Jackie Brown est une adaptation de son ouvrage Rum Punch). En effet, le scénario original de Mr Majestik a été écrit par le grand Elmore Leonard, qui a souvent nourri le cinéma (3h10 pour Yuma, Hombre, Paiement Cash, Get Shorty, Hors d’atteinte) mais aussi la télévision (la série Justified).
Œil plissé et visage buriné, l’impassible Charles Bronson incarne donc, à 53 ans, Vincent Majestik. Ce vétéran du Vietnam (tiens, encore un !) a fait neuf mois de prison en Californie, à Folsom. Il mène désormais une vie paisible dans le Colorado où il ne demande qu’à s’occuper de sa ferme et de son business. En l’occurrence une exploitation de pastèques de 65 hectares. Las, un jeune bouseux particulièrement abruti de La Junta et ses sbires viennent lui chercher des noises. Ils menacent d’abord les immigrés mexicains qui travaillent pour l’agriculteur et tentent de le racketter, en le forçant à engager des hommes pour ramasser ses cucurbitacées. Coiffé d’un béret, l’ex-U.S. Army Ranger ne cède pas aux tentatives d’intimidations. Les bad guys détruisent ses récoltes à la mitrailleuse ! La tête comme une pastèque, Bronson s’empare d’un shotgun et n’attend pas la fête de la citrouille pour faire des cartons sur les melons de l’Organisation.
Sorti aux States une semaine avant Un justicier dans la ville, ce polar qui cogne dur doit beaucoup à la mise en scène de Richard Fleischer, au score surexcitant de Charles Bernstein et surtout au vilain du film : le dangereux hit man Frank Renda, un géant incarné par Al Lettieri. L’œil cruel, les cheveux très noirs et le teint très brun, ce rital bestial avait déjà donné du fil à retordre à Steve McQueen dans Guet-apens de Sam Peckinpah, deux ans auparavant. On l’avait découvert, la même année, dans la fameuse scène du Parrain où il se faisait flinguer par Al Pacino à la table d’un petit restaurant italien (oui, c’est Lettieri qui incarnait le gangster Virgil Sollozzo dit “le Turc” dans le masterpiece de Coppola !). Cet autre Al mourra hélas prématurément d’une crise cardiaque à l’âge de 47 ans.
En tueur fou et sadique dans Majestik, il est génial et particulièrement retors face à un Bronson monolithique, qui trouve enfin un adversaire à sa taille. Poursuites en Ford Trucks, fusillades, castagnes… cette histoire de Watermelon Man reste décidément l’un des meilleurs films 70’s de la star moustachue avec The Mechanic (Le flingueur, 1972) de Michael Winner. Respect, donc pour ce badass à la cool attitude.
Badass Line : “You make sounds like you’re a mean little ass-kicker. Only I ain’t convinced. You keep talkin’, I’m gonna take your head off.” (“Tu te donnes des airs de petite frappe. Mais je ne suis pas convaincu. Si tu continues, je t’arrache la tête.”)
62. Frank Murphy (Roy Scheider)
par John Plissken
FILM : Tonnerre de feu, de John Badham (Blue Thunder, 1983)

Frank Murphy (Roy Scheider) juste avant le point de non-retour
Je l’ai déjà écrit dans un vieil article publié sur l’ancêtre du Daily Mars, mais Roy Scheider était mon héros. Il l’est devenu instantanément dans ce premier film que j’aie vu de lui (et l’un des tous premiers vu en salle sans les parents, avec mon poto Didier) : Tonnerre de feu, donc. Roy Scheider avait déjà à son actif une solide collection de rôles incroyables dans les années 70 : French Connection, Les Dents de la mer, Marathon Man, Le convoi de la peur, Que le spectacle commence…
Tonnerre de feu allait être son dernier vrai rôle marquant au cinéma en tête d’affiche avant une lente déliquescence de sa carrière au fil des eighties. Dans ce techno-thriller qui préfigurait toute la vague des blockbusters estivaux (hors space opera) des années 80 et 90, Scheider incarne Frank Murphy, cool et suave (et donc badass, vous suivez ?) officier pilote d’hélicoptère au sein de l’ “astro-division” du LAPD. Frank a fait le Vietnam, il en garde forcément un petit pet’ au casque et donne régulièrement des sueurs froides à sa hiérarchie mais globalement, c’est un as du manche et un excellent flic.
A l’approche des J.O de 1984, la ville et des huiles du gouvernement (FBI, Pentagone, toussa…) veulent tester un prototype d’hélicoptère militaire ultra puissant pour des missions de surveillance des foules et prévention d’attentats. Désigné pour conduire les tests, Murphy découvre que les initiateurs du projet fomentent en réalité le déclenchement d’émeutes dans le barrio dans le seul but de prouver la puissance de feu du joujou. Après l’assassinat de son coéquipier Lymangood par les comploteurs, Murphy s’empare du Tonnerre de feu pour livrer lui-même à une équipe de télé les preuves de sa découverte.

« And this, gentlemen, is what you can call a hell of a shitstorm ! »
Dans le génial making of de l’édition DVD/bluray du film, John Badham reconnait lui-même la capillo-tractation du scénario et des invraissemblances qui ne pourraient plus passer dans un blockbuster actuel digne de ce nom (hors Die Hard 5, donc). De fait, Dan O’Bannon, auteur du script initial, n’eut de cesse de fustiger la réécriture quasi intégrale par le studio Columbia de son scénario, où Frank Murphy était à l’origine un flic psychopathe en liberté dans le ciel de la Cité des anges avec un engin de mort dans les pattes.
On comprend que Columbia ait prudemment choisi une option plus héroïque pour Murphy, transformé au contraire en chevalier blanc luttant contre des élites corrompues pour faire éclater la vérité. Un script beaucoup plus dans l’air du temps d’une Amérique post-Watergate et plutôt tournée vers des héros positifs en phase avec l’ère Reagan qui débutait. Vous savez quoi ? Peu me chaut ! Même recadré en sauveur du jour, Frank Murphy fut mon deuxième grand movie badass conscient après Snake Plissken. De longues années après cette projection de Tonnerre de feu à l‘UGC Ermitage des Champs Elysées (un samedi de fin août 1983, ouaip), la classe et l’insoumission de Murphy stimulèrent ma testostérone et furent pour beaucoup dans mes visions multiples et répétées du film.
Tonnerre de feu connut un beau succès en salles, devint culte en vidéo, suscita une éphémère série télé officielle (et une officieuse, Supercopter…) mais curieusement, Scheider allait de moins en moins compter à Hollywood les années qui suivirent. Malgré un parcours en pointillé depuis, il resta mon acteur préféré jusqu’à ce qu’un cancer de la peau l’emporte, le 10 février 2008, dans la relative indifférence du grand public mais pas de ses fans fidèles. Roy Scheider était mon héros : je sais, je l’ai déjà écrit au début de ce texte mais, en fait, je ne me lasserai jamais de l’écrire. Il est mon héros et, cinq ans après sa mort, il me manque toujours beaucoup.
BADASS LINE : « Catch you, later ! » (adressé à cette saloperie de Conald « Malcom McDowell » Cochran)
63. Jesse Hooker (Lance Henriksen)
par John Plissken
FILM : Aux frontières de l’aube, de Kathryn Bigelow (Near Dark, 1987)
Western déguisé en film de vampires, Aux frontières de l’aube domine de plusieurs coudées la vague du genre qui a sévi au milieu des années 80. Plus cru, novateur, audacieux et poétique que les sympas Génération Perdue, Fright Night ou Vamp, le désormais classique de Kathryn Bigelow fut en son temps un choc visuel étourdissant, ainsi que le portrait jamais vu d’une famille de vampires outlaws écumant les rades de l’Ouest. Reprenant trois acteurs qui avaient déjà fait la preuve de leur alchimie dans Aliens (Bill Paxton, Jenette Goldstein et notre Lance Henriksen d’amour), Near Dark marque indubitablement le début d’une love story à long terme entre Lance et les fans de cinéma de genre. Jusqu’ici, sa tronche improbable s’était principalement illustrée en second couteau plutôt gentil au ciné dans Un après midi de chien, Rencontres du 3e type, Damien La Malédiction 2, Le Prince de New York ou encore L’Etoffe des héros.
Henriksen faillit bien écoper du rôle titre de Terminator mais loupa finalement le coche au profit de Schwarzie et dû se contenter de jouer les cibles du cyborgs tueur dans la peau du détective Vukovitch. Acteur fétiche de James Cameron depuis Piranhas 2, Lance apparu encore un peu plus sur les radars des cinéphiles détraqués en robot badass (mais toujours très cordial) dans Aliens. Co-écrit par Eric Red, scénariste à l’époque prodige de Hitcher, Near Dark offre à l’acteur son premier vrai rôle de bad guy : Jesse Hooker, le patriarche de la famille recomposée de mordeux vagabonds avec lesquels va traîner un temps le jeune péquenaud Caleb Colton (Adrian Pasdar), amoureux de l’une d’entre eux, la belle Mae.
Le pouvoir d’attraction de Hooker doit beaucoup à l’investissement personnel d’Henriksen : amené sur le projet via son pote Bill Paxton, qui lui transmit le script de Near Dark, Henriksen voulait à l’origine le rôle de ce dernier (le vampire psychopathe Severen). Raté : Bigelow lui attribua finalement celui de Hooker. Pas grave : Henriksen se l’appropria au point de créer lui même une mythologie pour son alter ego, dont il fit un ancien soldat de la Guerre de Sécession. Son récit des raisons de la transformation de Jesse en vampire fascina tellement Bigelow qu’elle caressa un temps l’idée d’un film prequel sur le personnage. Quel beau projet, il n’est jamais trop tard Kathryn !
BADASS LINE : « You’re not gonna look so good with your face ripped off »
64. John J. Macreedy (Spencer Tracy)
par Gilles Da Costa
FILM : Un homme est passé, de John Sturges (Bad Day at Black Rock, 1955)
Premier film de la MGM tourné en cinémascope sorti dans les salles américaines en 1955, Un homme est passé (Bad Day at Black Rock) de John Sturges est un habile mélange entre western et film noir. Le badass qui nous intéresse ici est le protagoniste principal du métrage, John J. Macreedy, interprété avec retenu et maîtrise par le mythique Spencer Tracy ( il obtiendra d’ailleurs pour ce rôle le Grand Prix d’interprétation à Cannes en 1955 ). Grain de sable grippant un rouage bien huilé, homme de la ville débonnaire en costume noir, il détonne naturellement dans l’immensité délavée du grand ouest américain. Macreedy s’impose ainsi dès le début du film comme un intrus en décalage avec son environnement, un oiseau de mauvaise augure venant remuer la vase de haine et d’apathie dans laquelle ce sont empêtrés les habitants de Black Rock. Avant d’avoir ouvert la bouche il représente déjà un problème. Mais il personnifie aussi une énigme. D’où vient-t-il ? Pour quelle raison est-il descendu du premier train s’étant arrêté dans cette bourgade perdue depuis des années ? Comment a-t-il perdu ce bras amputé ?
Macreedy suscite la crainte car même menacé par les chiens de garde de l’abjecte Reno Smith (Robert Ryan, aussi détestable que délectable) campés par Lee Marvin et Ernest Borgnine, il ne semble pas particulièrement inquiet. Pas besoin d’élever la voix ou de faire de grands gestes, même handicapé et bientôt sexagénaire, Macreedy est le volcan qui sommeille sous une chape de plomb. Il mène méthodiquement sa curieuse enquête, plus disposé à utiliser son cerveau que son poing. Tant et si bien que lorsqu’on essaye ouvertement d’attenter à ses jours en précipitant sa jeep dans un ravin, il revient calmement en ville comme si de rien n’était, pas particulièrement furieux ou effrayé. C’est que Macreedy cache un lourd passé militaire, il en a vu d’autres. C’est seulement lorsque Coley Trimble (Borgnine) menace de lui infliger une correction qu’il se décide à passer à l’action.
On comprend alors que cette puissance sous-jacente perceptible depuis le début du film n’était pas une simple impression. Manifestement rompu aux techniques militaires de combat au corps, Macreedy enchaîne d’une seule main manchettes assassines à la gorge, prises d’Aïkido et esquives bien senties pour infliger une belle correction à son adversaire. Hagard, gisant au sol le nez en sang et le regard vide, Trimble est le premier à comprendre ce qui se cache derrière l’assurance et le calme olympien de cet homme qui ne fait que passer. Pas besoin d’une force herculéenne, il se servira des faiblesses de ses opposants pour les terrasser. Pas besoin d’un arsenal non plus, si quelqu’un le menace d’une arme il lui suffit d’une bouteille vide et d’un peu d’essence pour confectionner un cocktail Molotov d’une efficacité redoutable.
Macreedy est le soldat qui sommeille sous l’apparence d’un retraité obstiné mais toujours respectueux. Un personnage d’autant plus badass qu’il cache son jeu pour mieux surprendre ceux qui auraient la mauvaise idée de vouloir le supprimer. Un vrai dur à cuire à l’ancienne pour un film incroyable, formellement sublime et dont le discours implicite sur la tolérance et le courage reste aujourd’hui d’actualité.
BADASS LINE : « It’s gonna take an awful lot of whiskey to wash out your guts. Go on, go on! Swill it! What is there left for you to do? You’re as dead as Komoko and you don’t know it. »
65. Jack Cates (Nick Nolte)
par John Plissken
FILM : 48 heures, de Walter Hill (48 hours, 1982)
Fournisseur de badass depuis 1975 (rappelez vous déjà Bronson dans Le Bagarreur, aisément casable dans notre digest, celui-là aussi), Walter Hill a ouvert la boîte de Pandore du buddy movie avec ce prototype moult fois photocopié depuis sa sortie. Derrière 48 heures : le studio Paramount, celui par qui l’ère du blockbuster “high concept” allait s’abattre sur Hollywood sous l’impulsion du redoutable tandem Don Simpson/Jerry Bruckheimer et, au-dessus d’eux, le big boss Michael Eisner avant sa migration vers Disney en 1984.
Premier film produit par Joel Silver, 48 heures avait vu son script trainer quelques années après un premier projet avorté misant sur Clint Eastwood dans le rôle de Cates. L’affaire rebondit lorsque Lawrence Gordon, associé de Silver, en confia les rênes à Walter Hill en proposant Nick Nolte en Cates et la star montante Eddie Murphy pour remplacer au pied levé Richard Pryor pour incarner le taulard hâbleur Reggie Hammond. Nick Nolte, célèbre depuis la série télé Le Riche et de pauvre et le thriller mélo marin jawsesque Les Grands Fonds, gagna sur 48 heures ses galons de balèze ronchon carburant à la bibine dés potron minet.
Dés les premières minutes suivant le prologue explosif du film, le gros plan sur sa gueule enfarinée au réveil et son engueulade avec la sublissime Annette O’Toole (non je n’exagère pas) plantent le caractère du bonhomme : acariatre ! Brutal, raciste (mais surtout pour intimider, qu’il dit), soupe au lait, bagarreur et foutrement opiniâtre, Cates suinte le badass old school, déclinaison côte Ouest du James “Popeye” Doyle de French connection. Encore aujourd’hui, 48 heures fonctionne à merveille pour ce succulent tandem qu’il forme avec Reggie Hammond et qu’on ne se lasse pas de savourer malgré une formule narrative depuis longtemps galvaudée.
A sa façon, souvent involontairement, Cates est aussi presque aussi hilarant que Hammond et leurs joutes verbales ont largement contribué au grassouillet jackpot remporté par le film à sa sortie. L’humour de 48 heures fut d’ailleurs une source de conflit permanent entre Walter Hill et Paramount, qui souhaitait un polar toujours plus comique pour ne pas effrayer les foules. A la grande colère du studio (qui dût manger son chapeau devant le succès du film), Hill livra tout de même un thriller sensiblement plus hard boiled qu’hilare, nous gratifiant d’un petit joli petit climax bien hargneux : l’exécution sans sommation du bad guy Albert Ganz (James Remar, encore un badass, bordel !) par un Jack Cates à l’oeil sombre dans une ruelle humide du Chinatown de Frisco. Badaaaaass !
BADASS LINE : « We ain’t partners. We ain’t brothers. And we ain’t friends. I’m puttin’ you down and keepin’ you down until Ganz is locked up or dead. And if Ganz gets away, you’re gonna be sorry you ever met me !«
La voix-off de la BA de Tonnerre de feu est priceless : “A flying awesome ! »