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100 badass du cinéma, épisode 15 : Toshiro Mifune, Gena Rowlands, Andy Garcia, Clint Eastwood, Daniel Craig

100 badass du cinéma, épisode 15 : Toshiro Mifune, Gena Rowlands, Andy Garcia, Clint Eastwood, Daniel Craig

Et nous continuons sur notre lancée ! Au menu du 15ème volet de notre Badass’ Digest, de quoi satisfaire tous les goûts : Le Garde du corps, Gloria, Les Incorruptibles, Impitoyable et Casino Royale. Vers la brutasse et au-delà !

 

71.  Sanjuro Kuwabatake (Toshiro Mifune)

par Gilles Da Costa

FILM : Le Garde du corps, d’Akira Kurosawa (Yojimbo, 1961)

Si Kyuzo, dont je vous ai parlé hier, représente la figure du noble samouraï respectant à la lettre le Bushidō (code d’honneur du samouraï) alors Sanjuro Kuwabatake le héros du Yojimbo de Kurosawa, incarné par le monumental Toshiro Mifune, se positionne comme son exact opposé. Bourru et taciturne, Sanjuro est bien loin du « ronin » tiré à quatre épingles des Sept Samouraïs. Sous ses airs de solitaire hirsute mal embouché se cache pourtant une véritable sagesse et une grande intelligence. Seulement voilà, il ne combat pour rien d’autre que pour son propre intérêt et n’hésites pas à utiliser roublardise ou manipulation pour arriver à ses fins. Ainsi lorsque Sanjuro arrive dans cette petite ville plongée dans le chaos, déchirée par une guerre entre clans, il se sent parfaitement dans son élément. Une ville sans règle pour un homme qui n’en respecte aucune. Il ne tardera pas d’ailleurs à tirer profit de la situation en opposant une caste contre l’autre pour mieux les détruire. Car ce samouraï là ne fait pas dans le détail, il préfère nettoyer par le vide quitte à prendre des risques en restant coincé entre l’enclume et le marteau.

Son audace et sa confiance en lui sont ses principales qualités. Il sait que personne n’est plus dangereux que lui dans cette ville et exploite pleinement cette aura menaçante afin de paralyser ses adversaires. Comme une déclaration d’intention, il n’hésitera pas dès le début du film à supprimer quelques lames peu aguerries pour faire comprendre à tous qu’il n’est pas seulement venu pour boire un saké (il raconte à qui veut l’entendre que l’alcool l’aide à réfléchir, ceci expliquant peut-être cela). Sanjuro perpétue la tradition romanesque et cinématographique de l’homme sans nom. Il n’est qu’un Katana sans identité choisissant son patronyme, Sanjuro Kuwabatake (Champs de mures trentenaires), en fonction de ce qu’il regarde au moment où on lui demande de décliner son identité. Très inspiré par les cowboys solitaires des films de John Ford et par le roman noir La moisson rouge de Dashiell Hammett, Sanjuro est un mercenaire impitoyable répondant à la violence et la stupidité par la violence et la stratégie. Il reflète l’exaspération de Kurosawa face à un système politique japonais d’après-guerre corrompu et incompétent. Cette jubilation de Sanjuro dans l’extermination, cette volonté de rassembler les dignitaires incapables pour tous les éradiquer sans distinction expriment cette frustration du réalisateur.

Yojimbo et son personnage principal inspirerons, comme de nombreux films du maitre, bien des métrages durant les décennies suivantes. Le remake non officiel le plus connu ce chef-d’œuvre reste assurément Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari) de Leone mais il inspira également Dernier recours (Last Man Standing) de Walter Hill qui se rapprocha de l’univers noir d’Hammett ou plus récemment Lucky Number Slevin avec l’endive braisée Josh Hartnett dans le rôle du héros coincé entre deux gangs. Kurosawa lui-même réemploiera ce personnage extrêmement populaire dans une suite indirecte l’année suivante en 1962 directement titrée Sanjuro (Tsubaki Sanjûrô) qui verra le samouraï cette fois aux prises avec un nouveau seigneur corrompu jusqu’à la moelle.

 BADASS LINE : « On me paye pour tuer, et cette ville est pleine de gens qui méritent de mourir. »

 

 

72. Gloria Swenson (Gena Rowlands)

par Sheppard

FILM : Gloria, de John Cassavetes (1980)

Sur ce coup-là, ce n’est pas John Cassavetes qui offrit un rôle immense à sa femme, la magnifique Gena Rowlands, mais bel et bien elle-même qui poussa son mari à écrire un film plus « mainstream ». Le script est acheté par la Columbia qui, à la surprise générale, insiste pour que ce soit Cassavetes lui-même qui réalise le film. Non seulement Gloria va marquer la réconciliation entre Cassavetes, l’éternel rebelle, et les grands studios, mais il va aussi faire l’un des polars les plus viscéraux du début des années 80.

Gloria, le personnage, ne partage pas grand-chose, voire rien du tout, avec les autres femmes de Cassavetes. Gloria n’a pas de vocation, pas de désir maternel et n’est absolument pas concerné par les affres de l’âge. Gloria s’en cogne de tout ça. Avant même que l’histoire ne commence, Gloria est déjà une Badass qui a roulé sa bosse dans plus d’un bouge. Tout cela transparaît dès sa première scène, où, la clope au bec, elle regarde ses voisins de paliers s’agiter pour une raison qu’on ignore encore. Puis la voisine lui colle son môme de 6 ans dans les pattes avant d’être abattue comme le reste de la famille par des mafieux. Phil, le môme, porte avec lui un livre de compte. Il ne faut pas 2 secondes à l’ex call-girl pour faire le lien, faire sa valoche et disparaître avec le gamin dans les rues de New York. De là, va commencer une improbable et sublime histoire d’amour entre Phil et sa protectrice.

Gloria est aussi l’histoire d’une femme qui, après avoir passé sa vie à servir un monde d’homme, va lui faire la guerre. C’est sans doute à ce titre qu’elle s’inscrit totalement dans la cinématographie de Cassavetes. Mais là où Mabel (Une femme sous influence) ou Myrtle (Opening Night) peuvent apparaître comme des victimes, Gloria, elle, prendre les choses en main et rend les coups, sans que, à aucun moment, elle n’en devienne masculine. Elle mène sa guerre en robe, armé d’un Smith & Wesson et de fait, devient le symbole d’une sorte de féminisme « virile » qui sera souvent repris par la suite. Enfin de compte, il se pourrait bien que Cassavetes ait créé la première réelle Badass de l’histoire du cinéma.

BADASS LINE : « You let a WOMAN beat ya, huh? « 

 

 

73. Agent George Stone/Giuseppe Petri (Andy Garcia)

par Sheppard

FILM :  Les Incorruptibles, de Brian De Palma (The Untouchables, 1987)

Les exploits Badass de l’agent George Stone tiennent en quelques secondes. Mis bout à bout, ça doit faire à peine quelques minutes, et pourtant l’on se souvient de chacun d’eux. Sa première apparition à l’écran est une confrontation, un concours de testostérones avec le vieux flic irlandais Jim Malone (Sean Connery). En quelques secondes les deux mâles alpha en viennent aux mains et il suffit d’un éclair pour que Malone se retrouve avec un flingue planter sous le menton. « Oh, I like him. », dit Malone.

L’agent George Stone, ou de son vrai son Giuseppe Petri, est un tireur d’élite. On le sait, et même si on a le droit à une petite démonstration lors de la fameuse scène de la charge à cheval, on ignore encore l’étendu de son talent. Il faudra attendre le dernier tiers du film pour que toute la « badasserie » de l’agent Stone éclate au grand jour.

Il est idiot de vouloir résumer la scène de la gare avec des mots, tant elle s’inscrit dans la continuité du récit et surtout parce que c’est une scène en tout point cinématographique. Probablement l’une des meilleurs scènes tournés par De Palma (voire la meilleure). La maîtrise du ralenti y est tout simplement époustouflante, elle colle littéralement le spectateur à son siège. Allant crescendo dans le suspense, cette scène connaît une conclusion qui va changer à tout jamais notre vision de l’agent Stone.

En deux temps, trois mouvements, il va résoudre à lui tout seul une situation inextricable dans laquelle Eliot Ness (Kevin Cosnter) fait face au gangsters de Capone tout en essayant de rattraper un landau. L’agent Stone déboule, lance un flingue à Ness et bloque le landau. Le public exulte. On sort de 5 bonnes minutes de suspense insoutenable et le retour à la normalité, même précaire, lui permet de reprendre son souffle. Car De Palme a gardé le meilleur pour la fin. Malgré une position très inconfortable, Ness demande une dernière faveur à son tireur d’élite. « You got him? », « Yeah, I got him », « Take him! », bang !

Le baromètre Badass explose et la carrière d’Andy Garcia est lancée. Ces quelques secondes transforment un personnage de second plan en véritable héros, effaçant presque Kevin Costner sur son passage. Rarement a-t-on vu au cinéma pareille heure de gloire et rien que pour cela, Andy Garcia s’est assuré une place définitive au panthéon des Badass du 7ème Art.


74. William Munny (Clint Eastwood)

par David Bianic

FILM : Impitoyable, de Clint Eastwood (Unforgiven, 1992)

Après L’Homme des hautes plaines en 1973, Josey Wales hors-la-loi en 1976 et Pale Rider en 1985, Impitoyable est le quatrième western réalisé par Eastwood. Avec Pale Rider, il endossait une dernière fois un personnage proche de L’Homme sans nom qui lui avait valu sa légende dans les westerns de Sergio Leone. Impitoyable sera sa façon d’enterrer le genre, n’hésitant pas à égratigner le mythe du “dernier des géants”. Les badass se cachent pour mourir.

À quelques encablures du XXe siècle, la conquête de l’Ouest, et du reste d’ailleurs,  n’existe plus : il n’y a plus rien à conquérir. Alors qu’un monde moderne se profile, les cowboys solitaires et chasseurs de prime sont des reliques du passé. C’est la crise aussi pour eux, il n’y a plus rien à chasser, plus personne ou presque à ramener au Sheriff, car désormais la loi est là pour ça.

Veuf, père de deux enfants, Will Munny n’est plus qu’un papy fermier dont le passé de tueur à la main froide est caché sous le tapis. Mais il accepte un dernier job, pour la prospérité de sa progéniture, et venger l’honneur d’une putain tailladée par des sales gueules. Remis tant bien que mal en selle par un Kid dont on mesure toute la faiblesse dès les premiers instants, et accompagné de son poor lonesome poto Ned Logan (Morgan Freeman), les deux grincheux du Muppet Show se racontent leurs vieilles histoires de dur à cuire devant ce bleu-bite.

Mais la ballade des badass n’a rien d’enchantée et, très vite, Munny est ramené à sa condition de vieil homme, malade comme un clébard alors qu’il atteint enfin Big Whiskey, le lieu du crime. Le film aurait pu s’arrêter là, c’en est le plus beau et plus dur moment. Assister à la déchéance de Munny/Eastwood, pété de fièvre et claudiquant quand il pénètre dans ce saloon, est une vraie épreuve pour le spectateur qui voit son role-model sali et brisé par un Gene Hackman plus salaud que jamais en Little Bill, visage d’une justice encore balbutiante et en prise à ses démons.


La nausée n’a pas le temps de retomber
, quand quelques jours plus tard, Munny et ses acolytes parviennent à descendre un des deux salopards qui a défiguré la prostituée. Le goût du sang, l’odeur de la mort, n’ont plus aucune saveur pour les vieux héros, dégoutés par leur mission funeste. Logan fait demi-tour et quitte ses compagnons d’arme pendant que ces deux derniers vont finir le job et mettent un peu de plomb dans le crâne du second mis à prix.

C’étais sans compter sur Little Bill, qui a capturé et torturé Logan. Le mal répond par le mal et Munny réveille la bête en lui pour un dernier baroud d’honneur où la mort sera au rendez-vous, peu importe qui restera debout en dernier : impitoyable. Ce crépuscule du badass interprété par Eastwood est formidable, car il fait preuve d’une mise en abyme tout sauf superficielle. Le personnage de Munny vieux rejoue le Munny jeune, méchant à souhait et sans cœur aucun, avec suffisamment de conviction pour que lui-même y croit et puisse aller jusqu’au bout de la mort. Dans sa victoire, Logan livre une dernière tirade mythique où il se transforme en croque-mitaine, figure vengeresse qui viendra punir quiconque touchera à nouveau à une femme.
Le film noir avait enfin son western.

Badass-line :  “Tout homme que je vois dehors, je le tue ! Le salaud qui me tire dessus, je le tue, je tue sa femme, tous ses amis, et je brûle sa maison !”

 

 

75. James Bond (Daniel Craig)

par Sheppard

FILM :  Casino Royale, de Martin Campbell (2006)

« Mesdames »

Je sais que certains vont hurler de voir Daniel Craig représenter le Badass Bond au lieu de Sean Connery. Pourtant, malgré tout le respect et l’admiration que j’ai pour le James Bond des années 60, il faut bien reconnaître que le reboot, orchestré d’une main de maître par Martin Campbell, nous présente un agent 007 nettement plus Badass que ses ancêtres. Le ton est donné dès les premières images. James Bond, pas encore 007, se bastonne velu dans des chiottes publiques pas super reluisantes. Terminé l’agent classieux au flegme légendaire, le nouveau Bond est un cogneur, un pitbull enragé, plus têtu qu’une mule irlandaise et plus tenace qu’une tique boulimique. Terminé aussi l’agent au visage toujours impeccable, le nouveau Bond reçoit autant de gnons qu’il en donne. La seule différence entre lui et les autres, c’est qu’il se relève toujours. La gueule ravagée et les côtes en charpie peut-être, mais debout, toujours debout.

C’est probablement grâce à ce « trait de caractère » que Bond se voit donner le statut d’agent double zéro. Mais lorsque M, campée par la magnifique Judi Dench, lui offre son célèbre matricule, elle sait bien que pour le moment, elle a à faire à un jeune chiot qu’il va falloir apprivoisé. Ce dressage est d’ailleurs la colonne vertébrale du récit. Plus que sa première aventure, Casino Royale nous raconte comment James Bond devient l’agent 007.

L’éducation de Mr. Bond commence par un petit tour chez le tailleur. Plus de chemises légères, un agent double zéro porte du sur mesure en toute circonstance. Le smoking serait évidemment mieux, mais il faut savoir s’adapter à son époque. Une rapide psychanalyse avec la ravissante Vesper Lynd (Eva Green), histoire de nous faire entrevoir le petit James, orphelin des rues à la volonté de fer mais au regarde perdu, et nous voici arrivé aux travaux pratiques sous la houlette de l’agent Felix Leiter (le toujours classieux Jeffrey Wright). Félix apprendra à Bond à ne pas tout le temps foncer tête baissée. Parfois, le plus fort n’est pas celui qui cogne mais celui qui temporise.

La dernière leçon, celle de la trahison, achève de transformer James Bond en agent double zéro, tout cela sous le regard parfois atterré mais toujours plein de tendresse de M, M pour Mother. A bien des niveaux, Casino Royale peut apparaître comme une transposition moderne des Grandes Espérances de Charles Dickens. Tout comme Pip, Bond apprend à devenir un véritable gentleman tout en sachant cependant « qu’aucun vernis ne peut cacher le grain du bois ». En ce qui me concerne, le remodelage symbolisé par Daniel Craig fut l’une des excellentes nouvelles de l’année 2006, et apparemment, je n’ai pas été le seul à penser ça.

BADASS LINE : « The job’s done and the bitch is dead. »


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