
100 moments de télé, épisode 7 (Twin Peaks, Un flic dans la mafia, Knots Landing, Oz, True Blood)
Septième partie de notre série consacrée aux épisodes et séquences de série marquantes. Aujourd’hui, Twin Peaks (Indice spoiler : 10/10), Un Flic dans la Mafia (4/10), Côte Ouest/Knots Landing (6/10), Oz (5/10) et True Blood (3/10).
31. Qui est Bob ? (SPOILER monumental, attention)
par Dominique Montay
La série : Twin Peaks
L’année : 1990
Les épisodes : 2×07 – Episode 14
David Lynch aurait aimé ne jamais résoudre le crime. Mais la chaîne a obtenu qu’il en soit autrement. La révélation donne lieu à un scène d’une force incroyable. Leland Palmer est seul avec Maddy Ferguson. La personnalité de Bob (l’entité démoniaque qui hante Twin Peaks), qui a élu domicile dans le corps de Palmer fait subir les pires outrages à la pauvre Maddy. La scène est non seulement violente, mais aussi d’une longueur incroyable. C’est une torture pour le téléspectateur. Rarement une série de network est allée aussi loin dans la représentation graphique de la violence, mais aussi dans la thématique.
L’image aussi, choque, éclairée par moment par un simple spot braqué sur le meurtre, comme si Lynch (qui réalise cet épisode) voulait donner une impression de spectacle de music-hall, mais avec une esthétique crue, brutale, dérangeante.
Au-delà de la violence brute de la scène, Twin Peaks repousse les frontières de ce qui peut être dit dans une série. Car si Leland Palmer était contrôlé par Bob, il est surtout un père qui a violé et tué sa propre fille.
L’épisode marque la fin de l’âge d’or de Twin Peaks en terme d’audience. Une fois le nom du meurtrier révélé, la série va perdre plusieurs millions de téléspectateurs, puis être annulée. David Lynch ne sera plus trop présent cette année-là (Mark Frost lui en voudra assez longtemps de l’avoir laissé seul aux commandes d’un navire à la dérive). Il reviendra pour le dernier épisode, incroyable délire visuel et onirique dont la fin hante toujours les mémoires des sériesphiles.
https://www.youtube.com/watch?v=iN02pNRqgM8
32. Le face-à-face Vinnie Terranova / Sonny Stealgrave dans un cinéma fermé
par Nicolas Robert
La série : Un flic dans la mafia
L’année : 1987
L’épisode : 1×10 – No one gets out of here alive
Monumentale série produite par Stephen J. Cannell, préfigurant sous bien des aspects Profit, Un flic dans la mafia est l’histoire d’une lente descente aux enfers. Celle de son héros, Vinnie Terranova, agent infiltré de l’Organized Crime Bureau qui a pour mission d’infiltrer, enquêter et démanteler les réseaux du crime organisé.
Pour mener à bien sa mission, Vinnie doit vivre avec les malfrats. Comprendre qui ils sont, ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Jusqu’à développer une réelle complicité avec eux. Devenir comme eux, ou presque. Structurée en arcs, la série conclut sa première histoire -l’enquête sur Sonny Stealgrave- par un superbe face à face entre l’agent et sa cible. Une scène dans laquelle tous deux jouent cartes sur table.
Ici, pas question de décrire une victoire éblouissante. David J. Burke, le scénariste, raconte une trahison. En d’autres circonstances, Vinnie et Sonny auraient pu être amis, frères. Et tous les deux en ont parfaitement conscience: c’est ce qui rend la situation insupportable pour ces hommes. Alors qu’un jukebox joue les notes de Nights in white Satin des Moody Blues, le réalisateur Robert Iscove filme les deux protagonistes qui s’observent sans dire un mot, en s’arrêtant sur les corps et les regards.
Pour Sonny, c’est le début de la fin. Et pour Vinnie, le cauchemar commence. Il va devoir accepter le fait qu’il sera toujours un traitre. La première fois laissera de profondes traces… c’est ce que montre cette superbe scène.
33. Val, you babies are alive
par Sullivan le Postec
La série : Knots Landing
L’année : 1985
L’épisode : 6×30 – Journey’ End
Sur une plage de Californie, Valene obtient la confirmation de ce qu’elle a toujours su. Ses bébés, prétendument mort-nés 22 épisodes plus tôt, sont en vie. Le lieu est symbolique : Valene est liée à la mer, qu’on l’avait vu découvrir pour la première fois de sa vie dans le pilote de Knots Landing. L’identité de la personne qui lui fait cette révélation est cruciale. C’est Abby, celle qui lui a « volé » son mari Gary, et surtout – mais cela Val l’ignore – celle qui est indirectement responsable de l’enlèvement à la naissance de ses jumeaux, et qui ne sait plus comment se sortir de cette situation. Abby avait en effet souhaité à voix haute que ces enfants, dont le père est Gary, n’existent pas. Or elle avait des fréquentations capables de prendre un tel souhait au pied de la lettre.
J’aurais pu choisir les minutes finales de l’épisode, celles mélodramatiques des brèves retrouvailles avant que le père adoptif ne s’enfuie avec un des enfants – le cliffhanger qui terminait la sixième saison.
Mais, en revoyant le moment que j’ai finalement choisi, celui de la révélation, j’ai été frappé par la qualité de l’écriture et de l’interprétation. Il met parfaitement en valeur le portrait de ces deux femmes et montre comment l’étude de caractère était, au fond, le centre de Knots, et ce qui en a fait une grande série. Val et Abby s’opposent principalement parce qu’elles sont tellement différentes, tant en terme de milieu d’origine que de caractère, qu’elles sont absolument incapables de se comprendre. Les adultères, les conflits de pouvoir et d’argent, et même les enlèvements de bébé, ne sont que l’expression de cette irréconciliable et fondamentale différence. (Et j’imagine bien Dominique faire la même tête qu’Abby si quelqu’un décidait de passer de la Country à la rédac du Daily Mars.)
34. « Sometimes its good to be Human »
par John Plissken
La série : Oz
L’année : 1998
L’épisode : Animal Farm (2.7)
Ce n’est certainement pas le moment plus foudroyant dans Oz, qui en comporte un paquet, mais certainement l’un de ceux qui démontre le mieux toute la subtilité du chef-d’oeuvre de Tom Fontana. Bob Rebadow, doyen des détenus du pénitentier d’Oswald, apprend que son petit-fils est atteint d’une leucémie incurable et qu’il désire visiter Disney World avant de mourir. La famille de Rebadow n’a pas les moyens de lui payer le voyage. Au courant de la nouvelle, le biker Jaz Hoyt (une belle crevure psychopathe la plupart du temps) décide alors d’organiser une quête auprès des autres taulards pour permettre au gamin de découvrir le parc d’attractions. Une séquence montre alors, en un cut de divers plans, les détenus mettre la main à la poche, tous sans exception, en guise de solidarité avec Rebadow.
Malgré la sobriété qui caractérise généralement Oz en matière lacrymale, la scène est particulièrement émouvante dans sa pudeur et son côté inattendu, véritable moment de temps suspendu. Elle nous démontre qu’aussi monstrueux qu’ils soient, même les pires assassins enfermés à Emerald City sont capables d’humanité le temps d’une quête. Pas d’inquiétude : la routine terrifiante des meurtres et divers complots crapoteux reprend juste après cette brève parenthèse où les armes de la haine se taisent.
35. Jason Stackehouse se demande si Merlotte peut pondre un œuf s’il se transforme en poule
par Dominique Montay
La série : True Blood
L’année : 2009
L’épisode : 2×11 -Frenzy
Paradoxal qu’un des meilleurs moment d’un succès comme True Blood soit une ligne de dialogue issu d’un esprit aussi crétin que celui de Jason. Ou révélateur. La saison 2, ou celle ou l’on avait cru qu’Alan Ball avait enfin percuté sur la nature de sa série : une comédie non-sensique portée par des personnages débiles. Dans cette scène, deux crétins parmi les crétins, Jason Stackehouse et Andy Bellefleur mangent tranquillement dans la voiture, en attendant de reprendre leur combat contre les forces du mal.
Et Jason de poser une question vitale :
(DL + Ray Wise + Frank Silva) * Violence² = l’une des scenes les plus traumatisantes de l’histoire de la television (rappelez vous qu’on est alors en 1990, et que la serie va defricher et dynamiter un genre alors plutot pepere). TP aura au final le defaut de sa qualite : elle a ouvert une breche pour les suivantes mais en tant que pionniere elle s’est du meme coup tire une balle dans le pied (bien aidee en cela par les reprogrammations successives de ABC)