
1994, une année de séries cultes : Friends
« C’est toujours compliqué de parler de Friends, parce que l’on a une appropriation totale de Friends. » (Renan Cros, le 27 /04/14 à Séries Mania S05).
Il y a ceux qui sont passés à côté de la série, peu intéressés. Et il y a ceux qui ont grandi avec Friends. La série qui a débuté sur les écrans américains le 22 septembre 1994 (en avril 1996 sur Canal Jimmy en France) a créé un rapport passionnel avec ses téléspectateurs pour finalement devenir un phénomène générationnel. Pas dans le sens où la série fut une voix mais dans celui où elle a vieilli en même temps que son public. Semaine après semaine, on ne regardait pas Friends, on retrouvait Friends.
Dans la conférence qu’il a tenu lors de la cinquième saison de Séries Mania, Renan Cros expliquait que “la série ne nous a pas donné envie d’être ces personnages mais de vivre avec eux”. Friends fut une invitation à vivre une vie par procuration dans un monde qui n’existait pas vraiment mais dont la perspective rendait le notre un peu moins terne. La série a failli s’appeler Friends Like Us, un choix séduisant a posteriori, parce qu’il montre à quel point David Crane et Martha Kauffman, à travers leur expérience, ont tenu et réussi à concevoir une série immédiatement accessible au point de devenir proche du spectateur. On a autant envie de se projeter dans Friends que de recevoir cette existence faite de romance, de chamailleries, de folie, de blagues, d’êtres exceptionnels. Parce que Friends n’a rien de réaliste, la vie de ces New-Yorkais est au-delà du réalisme. Et pourtant, ils dégagent une vraie authenticité. Celle-là même qui nous permet de grandir avec eux.
Friends, c’est donc six amis aux personnalités bien définis qui n’évolueront pas. Joey sera toujours séducteur et idiot ; Chandler le clown de service ; Ross le looser sentimental magnifique ; Phoebe la bizarre ; Monica la control freak obsessionnelle ; et Rachel… Finalement, c’est celle dont on décèlera un vrai changement. C’est aussi par elle que tout commencera, quand elle débarque en robe de mariée au Central Perk. Rachel, l’héroïne de Friends ? Et pourquoi pas. Elle rythme la série : Rachel et Ross, Rachel et Joey ; Rachel chez Monica, Rachel chez Phoebe, Rachel chez Joey. De déménagement, il sera souvent question avec Rachel, qu’ils soient d’appartements ou de partenaires. Rachel, c’est celle qui tape dans la fourmilière quand la série ronronne. Et nous, nous savourons le résultat. Versatile, c’est peut-être ce qui caractérise le mieux Rachel.
Et ces autres qui ne changent pas ? La force de Friends tient autant dans la précision des différents types de comique (situation, mots, satire, geste) que la rigueur quasi-mathématique de l’utilisation des six personnages. Une véritable alchimie qui transforme des caractères banals en usine à rire. Regarder un épisode de Friends, c’est s’assurer d’un rythme constant, de blagues qui fusent, de situations drôles parce que tous les personnages sont utilisés équitablement. Cette égalité nous permettra d’avoir notre personnage favori. Le plus souvent pour des raisons qui nous sont personnelles, voire intimes.
Si Crane/Kauffman usent d’archétypes, c’est pour mieux exploiter leurs trajectoires. Dans leur grand commandement qui est de nous faire rire, les auteurs comprennent qu’avec le temps dans les sitcoms, viennent aussi les larmes ou l’émotion. Comme l’attachement aux personnages est puissant, les petits drames sont vécus violemment, les bonheurs avec intensité. Naissances, demandes en mariage, tout n’est plus prétexte à la comédie (même si le rire n’est jamais très loin dans le monde de Friends). Et que dire du symbolisme lacrymal de clés laissées sur un meuble avant de claquer une dernière fois la porte ?
Le pilote fut regardé par 22 millions de téléspectateurs. Le serie finale par 51.1 millions de téléspectateurs. Les chiffres ne mentent pas sur l’importance que représente Friends dans l’inconscient collectif. Spectateurs assidûs ou non, passionnés ou modérés, assister au final de Friends relevait d’un acte de communion. C’était dire au revoir à ces personnages que l’on aime, qui, pour une génération, ont accompagné le douloureux passage de l’adolescence vers le monde adulte. 2014 marque les vingt ans du lancement de Friends à la télévision. Deux décennies pour dire : on a grandi avec Friends.