
20 ans après Babylon 5

Babylon 5
2013 va être une année difficile pour mon déni du temps qui passe. En effet, deux sagas — qui se sont avérées totalement fondatrices pour mon amour des séries et mon admiration de l’ambition dont elles pouvaient faire preuve dans leur manière de raconter des histoires — fêtent leurs 20 ans. Avant The X-Files en septembre, ce 22 février marque le vingtième anniversaire de la diffusion du téléfilm Pilote de Babylon 5, « The Gathering ».
Babylon 5 était la première création originale de J. Michael Straczynski, un scénariste fan de science-fiction qui s’était jusque là fait la main sur des projets de commande : de l’animation (Les Maîtres de l’Univers, Jayce et les Conquérants de la Lumière, Captain Power) et des séries (Arabesque et même un épisode de Walker Texas Ranger). C’était surtout un projet d’une extraordinaire ambition, né en 1988 quand, sous sa douche, Joe Straczynski réalisa que deux projets qu’il avait en tête (une histoire intime de la vie quotidienne sur une station spatiale, et une vaste saga impliquant plusieurs empires galactiques) pouvaient ne faire qu’un. Le cadre défini pour la première histoire rendrait possible de raconter la deuxième de manière abordable.
Car l’inflation des budgets était le principal problème de la science-fiction télévisée, qui avait largement participé à ce qu’aucune autre série n’arrive à s’imposer à coté de Star Trek. La Warner avait vidé ses caisses en produisant la série hebdomadaire V, ce qui rendait le studio très réticent à s’engager sur une nouvelle série de SF. Straczynski et le producteur Doug Netter passèrent donc plusieurs années à vendre Babylon 5. C’est en présentant à Warner des images tests de la station spatiale, réalisées en image de synthèse et non pas avec des maquettes, ce qui était révolutionnaire à l’époque, que le studio fut convaincu. Il était sans doute possible de produire de la science-fiction télévisée abordable. De fait, chaque saison fut produite pour le montant prévu au départ, même la cinquième dont les épisodes durent être tournés en six jours au lieu de sept pour tenir compte de réductions budgets.

La distribution de la quatrième saison.
Dans les années 2240, une guerre a opposé les Humains aux Minbaris. Largement dépassée par la technologie de son adversaire, la Terre est passée à deux doigts de l’extinction. Mais les Minbaris avaient brusquement déclaré l’armistice, sans explications. Le conflit avait été causé par une incompréhension culturelle : les Minbaris avaient ouvert les trappes à canon d’un de leur vaisseau de combat, un geste de respect que les Humains avaient pris pour un signe agressif. Ils avaient tiré les premiers, tuant le chef du Conseil Gris, le gouvernement Minbari. Après sa survie miracle, la Terre a financé le projet Babylon : une station spatiale localisée en territoire neutre, sorte d’ONU spatial dans lequel les différentes races extraterrestres pourraient se côtoyer et apprendre à se connaître. Les trois premières stations ont été détruites pendant leur construction. La quatrième a disparu mystérieusement au lendemain de sa mise en service.
Dix ans après la guerre, en 2257, Babylon 5 est inaugurée et accueille progressivement les ambassadeurs des principaux empires galactiques. En plus des Humains et des Minbaris, on compte les Centauris, incapables de conjurer leur décadence ; les Narns, que les Centauris ont colonisé et asservi pendant une centaine d’années, ce qui a transformé ces anciens agriculteurs paisibles en une Nation guerrière avide de conquête et de vengeance ; et enfin les mystérieux Vorlons, une race ancienne et très puissante dont personne ne sait à quoi ils ressemblent vraiment. Autour, on compte de nombreuses puissances mineures, qui participent au Conseil de la station.
Certains parmi eux cachent un secret. Ils savent qu’une race, disparue depuis 1000 ans, prépare en secret son retour, et s’apprête à nouveau à semer le chaos dans la galaxie…
L’ambition, énorme, de Babylon 5, était double. D’abord, elle voulait faire passer la science-fiction à l’âge adulte, avec une inspiration prioritaire : Hill Street Blues. Celle-ci avait révolutionné la figure du héros de série policière et la manière de raconter les histoires, mélangeant le bouclé et le feuilletonnant. Stranzynski voulait introduire des personnages complexes, et qui allaient connaître des arcs d’évolution spectaculaires. D’abord méchant un peu impotent, l’ambassadeur Narn G’Kar (inoubliable et regretté Andreas Katsulas) devient progressivement un sage à l’esprit de sacrifice. Bouffon inconséquent, le représentant des Centauris Londo Mollari va devenir une figure odieuse et cruelle, puis tragique dans sa quête désespérée de rédemption. Des personnages avec lesquels l’empathie est totale.

Andreas Katsulas dans le rôle de G’Kar, personnage inoubliable et emblématique de la saga.
Et puis, il y avait cette vaste histoire, cette saga. Dès son commencement, alors que le réseau de chaînes locales PTEN, qui diffusait la série en Syndication, n’avait encore commandé qu’un téléfilm Pilote, Joe Straczynski expliquait que Babylon 5 était un roman pour la télévision, avec un début, un milieu et une fin, qu’il avait définie dès le départ. Une approche inspirée de certaines productions britanniques, comme Le Prisonnier, mais qu’il fallait appliquer aux volumes américains : cinq saisons de 22 épisodes. Sans doute parce qu’il ne savait pas que c’était impossible, Straczynski l’a fait.
La série se confond totalement avec sa personne. D’ailleurs, très vite, l’auteur s’est mis à écrire l’ensemble des épisodes (plus d’une cinquantaine à la suite, de la mi-saison 2 à la mi-saison 5).
Mais sans doute ne faut-il pas confondre l’exploit et sa légende. On ne peut pas nier l’importance de ce travail préparatoire. Avant de commencer l’écriture effective de la saison 5, Straczynski a perdu toutes ses notes, stockées depuis des années, ‘‘nettoyées’’ par un service d’hôtel zélé. La saison a souffert de devoir se passer de cette base de données et de ne se baser que sur la mémoire de Straczynski. A l’inverse, on écrit parfois que Straczynski avait écrit l’ensemble des épisodes avant le début du tournage. Ce qui est évidemment est absurde.
Car contrairement à un roman, qui tient tout entier dans l’imagination de son auteur, la série télévisée est une matière vivante et collective. Pour commencer, les acteurs sont susceptibles d’aller et venir, à fortiori sur une production à tout petit budget comme Babylon 5. De fait, Joe Straczynski a du gérer pas mal de ces contingences, qu’il avait anticipées en créant une porte de sortie à chaque personnage. La série même dû subir le départ de son acteur principal, Michael O’Hare, après la première saison.
Il y a d’ailleurs deux façons de voir Babylon 5. La première, c’est celle qui consiste à suivre son histoire en jouissant à fond de ce que tel ou tel élément introduit au détour de la saison 1, d’une façon qui semblait anecdotique, se révèle soudain crucial deux saisons plus tard. La deuxième, c’est d’analyser la manière dont Straczynski jongle avec son histoire et les changements survenus en coulisse pour retomber, toujours, sur ses pattes — c’est notamment le cas dans un triple épisode et tour de force scénaristique, réparti entre la première saison (épisode « Babylon Squarred ») et la troisième (« War Without End », parties 1 & 2)…

La station Babylon 5, en orbite autour de la planète Epsilon 3.
20 ans après sa création, Babylon 5 reste, sur le plan de l’écriture, la meilleure mythologie de série mise à l’écran. La plus cohérente, bien sûr ; la plus satisfaisante, aussi, parce que Stranzynski ne délayait jamais éternellement ses mystères. Il les résolvait (bien), et passait au développement suivant de l’intrigue.
Au croisement de La Guerre des Etoiles et du Seigneur des Anneaux, crédible scientifiquement, mais empreinte d’une très grande part de magie et de merveilleux, émouvante et politique, Babylon 5 témoigne de son époque. Elle a été créée au début de l’âge d’or de la série de Network des années 90, à laquelle elle a pleinement participé, au milieu des NYPD Blue, Urgences, Homicide et autres X-Files. Le temps n’a pas été tendre avec elle, ses images de synthèse primitives, ses décors modulables et son style inspiré du théâtre. Mais son héritage reste intact. Elle a démontré qu’un travail sérieux et une planification précise pouvait être bénéfique à une série, à rebours des théories récentes sur la supposée puissance de l’improvisation totale, portées par les Ron Moore et les Damon Lindelof.
Il est vrai, sans doute, que ce qu’a accompli Straczynski était un exploit. La preuve : le téléfilm pilote « The Gathering » était diffusé le 22 février 1993, et exactement vingt ans après, Babylon 5 reste totalement unique.
Babylon 5
Créé et showrunné par J. Michael Straczynski.
1993 – 1998. Syndication puis TNT Network.
110 épisodes, 6 téléfilms, une série dérivée et un direct en vidéo.Avec Bruce Boxleitner (Sheridan), Jerry Doyle (Garibaldi), Mira Furlan (Delenn), Andreas Katsulas (G’Kar), Peter Jurasik (Londo), Claudia Christian (Ivanova), Michael O’Hare (Sinclair).
Cher Sullivan,
Merci, merci, merci, merci et encore merci d’avoir remis cette série à l’honneur dans ce papier qui rends parfaitement compte de son ambition, de ses limites et de son (relatif) vieillissement.
A mon sens la meilleure série de SF ever (j’ai du voir l’intégrale bien 5 ou 6 fois). Tout fan de SF doit la voir au moins une fois, c’est incotournable, c’est un magnifique récit, épique, politique, mythologique même…
Merci et encore merci
Merci pour cet article, effectivement. J’ai souvenir d’avoir vu plusieurs saisons, hélas toujours de manière incomplète, quand elle passait sur Canal +, et d’avoir vraiment adoré. Puis plus tard, j’ai voulu me faire l’intégrale, mais j’ai été rebuté par les effets spéciaux qui ont trop mal vieilli. Ton article me donne quand même envie de m’y remettre.
Ah Babylon V ou comment allier récit épique et maîtrise de ses personnages. La relation Lando / G’Kar est une de mes préférées à la télévision.
Merci beaucoup pour ton article Sullivan, tu m’as donné envie de ressortir mes DVD (bien au chaud à côté de ceux de Farscape et de Deep Space 9) et de me refaire une intégrale. Peut-être aussi pour me consoler de la disparition du space-opera des écrans…
Sullivan,
Ton article me donne envie de redonner une chance à la série 😉
Merci à toi !
Un très grand merci pour cet article qui remet Babylon 5 la ou il devrait être, c’est à dire tout en haut du panthéon des Séries SF, bien au dessus des autres séries SF même récentes et même des certaines saga cinema (oui j’ose :-p : StarWars ou StarTrek dont je suis pourtant fan) avec cependant pour moi une reserve pour une autre série qui sans égaler totalement le génie de Babylon 5 s’approche de cette même perfection : Star Trek Deep Space Nine 9.
Donc Merci Merci Merci.
Cher Picaboubx,
Pour avoir vue intégralement DS9 (1 fois) et B5 (au moins 5 ou 6 fois), permets mois de le dire tout net : Y a pas photo !!!!
DS9 est loin d’être au niveau.
En revanche je conseillerai plutot Star Trek : Voyager qui est la meilleure série Star Trek à mes yeux (un petit coté Battlestar Galactica avant l’heure)
B5, série de mon enfance, que j’ai re-regardé entièrement tout récemment, en pensant adopter un regard décalé pour ne pas être déçu. Cela n’a pas été nécessaire: à part les cabotinages et longueurs de deux/trois acteurs, le reste est juste absolument jouissif (sauf la saison 5 pour moi qui traîne beaucoup, et est plutôt ultra manichéen)!
À voir absolument!
Au passage: excellent article. Je m’attendais à lire un peu plus sur les relations apparemment houleuses entre Jerry Doyle et Michael O’Hare (RIP). Mais bon, ce n’est pas le plus important!
Un grand merci pour cet article qui fait honneur et donne la place méritée à cette série mythique.
Dommage qu’elle n’ai pu avoir une diffusion l’échelle qu’elle méritait en France.
Je suis tombé par hasard sur un épisode de la 1ère saison sur Canal +, la seule chaine qui diffusait BV, d’où cette méconnaissance en France, et je suis resté accro.
Depuis, j’ai toujours revu avec un vrai plaisir les DVDs de l’intégrale de cette série, et ai même acheté le dernier téléfilm décrivant les aventures des rangers en VOSTEN (n’existe pas en Fr !)
Même mon fils, né en 94, est devenu un fan absolu de cette série, aux personnages et à l’histoire bien plus dense et mature que d’autres série pourtant plus connues comme StarTrek
Merci pour cet article très intéressant sur une série qui ne l’est pas moins.
Pour rebondir sur la partie Fan, il existe un jeu en ligne de stratégie dans l’univers de Babylon 5 depuis 10 ans maintenant.
Il est totalement gratuit et permet de découvrir l’univers de la série d’une autre façons. https://www.skyvador.com/pbem/b5menu01.php
Merci de nous remettre en mémoire cette série magnifique dont je vais me refaire l’intégrale dans pas longtemps. C’est ma préférée avec Farscape et en 3è position B.Galactica 2è version. Au début, les costumes m’ont un peu rebuté,(notamment la coiffure de Londo, qui m’a fait croire que c’était une comédie, mais en fait pas du tout), mais heureusement j’ai tenu bon, ce qui m’a permis de découvrir une saga et un univers incroyables. Je n’ose à peine imaginer ce qu’on ferait de cette série avec les moyens d’aujourd’hui. J’en profite pour exprimer mon incompréhension sur la disparition de ce genre, le « Space-Opéra », dont je suis un fan absolu, et sûrement pas le seul. Comment celà se fait-il, quel est le problème ? Ce genre génère du rêve avec un grand « R », autre chose que les téléfilms catastrophes sans moyens et autres « Sharknado » diffusés par SyFy qui font office de science-fiction aujourd’hui. Comme quoi avec peu de moyens et de l’imagination on peut faire quelque-chose de grandiose. De plus, avec la conquête de Mars (entre autres) qui se profile, le « Space-Opéra » me semble plus que jamais d’actualité, autant que les catastrophes en tout cas, alors pourquoi ce désintérêt de la part des producteurs ?