
2014 au ciné avec Le Chat Venimeux
Comme toujours, le changement d’année est l’occasion de zieuter dans le rétroviseur afin de dresser le bilan des douze mois qui viennent de s’écouler. Et question cinéma, le moins que l’on puisse dire, c’est que 2014 est un bon millésime. Foi de matou !
Top 5
1. Whiplash
Littéralement sorti de nulle part, le même pas trentenaire Damien Chazelle nous a donné une belle leçon de cinéma avec son Whiplash. Estomaquant, ce film coup-de-poing raconte la spirale destructrice d’un jeune batteur ambitieux (Miles Teller) maltraité par son professeur tyrannique (J.K. Simmons). Pas besoin d’être fan de jazz pour apprécier cette oeuvre virtuose qui apparait avant tout comme un récit sur l’ambition et sur les sacrifices qui l’accompagnent.
2. Her
Réalisateur du sublime Max et les Maximonstres, Spike Jonze livre avec Her une fable SF douce-amère racontant l’histoire d’amour entre un homme solitaire (Joaquin Phoenix) et une intelligence artificielle (la voix de Scarlett Johansson). Le cinéaste évite soigneusement d’assener une critique unilatérale de la technologie comme ennemi de lien social et préfère la décrire comme un outil ambivalent tout en interrogeant la dualité réel/virtuel.
3. Mommy
Quand il ne fait pas scandale en affirmant son « dégoût » pour les prix récompensant les films gays, le Québécois Xavier Dolan bluffe son monde avec des longs métrages de plus en plus maîtrisés. Mommy décrit avec une force et une sensibilité rares la relation conflictuelle entre une mère-ado (Anne Dorval) et son fils souffrant de troubles du comportement (Antoine-Olivier Pilon). Magnifique.
4. Interstellar
Sans cesse comparé au cultissime 2001 de Stanley Kubrick, Interstellar n’est finalement « qu’un » blockbuster. Ceci étant dit, l’aventure spatiale que nous proposent les frères Nolan est peut-être la plus fascinante jamais vue au cinéma. Un peu pachydermique dans sa façon de traiter les émotions de ses personnages et toujours très (trop ?) didactique, Christopher Nolan signe néanmoins un excellent film de hard SF et son oeuvre la plus aboutie à ce jour.
5. Le Conte de la Princesse Kaguya
Cofondateur du studio Ghibli avec Hayao Miyazaki, Isao Takahata n’est pas aussi connu en France que son vieux compère, sans doute parce qu’il n’avait réalisé aucun long métrage depuis Mes Voisins les Yamada en 1999. L’auteur du chef-d’oeuvre lacrymal Le Tombeau des Lucioles a pourtant encore la niaque et il le prouve avec Le Conte de la Princesse Kaguya, adaptation d’un célèbre conte japonais. Le style de dessin épuré n’empêche pas de développer des personnages d’une grande finesse auxquels on s’attache immédiatement. Un futur classique de l’animation.
La déception de l’année : Godzilla
Après avoir réalisé le très bon Monsters (qui n’en montre quasiment aucun, le petit roublard…), Gareth Edwards a reçu le privilège de relancer la licence Godzilla, quelque peu dépréciée depuis le triste remake de Roland Emmerich. Si la patte visuelle du Britannique fait encore mouche, force est de constater que les personnages humains sont bâclés et caricaturaux. Pire, ils n’ont aucune espèce d’influence sur le déroulement du film qui ne dépend que des agissements des monstres, présentés comme des forces de la nature contre lesquelles l’humanité ne peut rien. Un choix audacieux mais finalement regrettable, puisqu’aucune émotion ou presque ne se dégage de ce Godzilla 2014. Vraiment dommage.
Le coup de coeur de l’année : My Sweet Pepper Land
Sorti discrètement dans une poignée salles, My Sweet Pepper Land a soufflé un petit vent frais sur l’année cinématographique passée. En transposant astucieusement les codes du western dans un « far middle-east », Hiner Saleem permet aux Occidentaux de s’immerger dans une région méconnue, à la frontière de la Turquie, de l’Irak et de l’Iran. Simple mais touchante, l’histoire est portée par deux acteurs aussi talentueux qui séduisants : Korkmaz Arslan et Golshifteh Farahani.
L’acteur de l’année : Matthew McConaughey
Alright, alright, alright ! Après avoir enchaîné les comédies romantiques de bas étage, Matthew se frotte enfin à des rôles plus intéressants dans les années 2010 (Mud et Killer Joe, notamment). En 2014, non content de cartonner à la télé avec True Detective, le Texan décroche un Oscar pour son rôle de maigrichon dans le très chouette Dallas Buyers Club et emmène le monde entier à la conquête des étoiles dans le grandiose Interstellar. Bien joué Matt, tu la tiens ta revanche.
L’actrice de l’année : Scarlett Johansson
Particulièrement prolifique en 2014, l’inoubliable interprète de Lost in Translation a marqué de son empreinte vocale le superbe Her où elle interprète une intelligence artificielle « sensible ». Totalement casse-gueule et à contre-emploi, son rôle de prédateur alien dans le très barré Under the Skin révèle une facette inattendue de la jeune Américaine. Anecdotique, son apparition dans le feel good movie #Chef s’avère tout de même rafraîchissante. Côté blockbusters, son personnage de Black Widow est largement mis en valeur dans Captain America : Le Soldat de l’Hiver, un des meilleurs Marvel, aux côtés d’Avengers et des Gardiens de la Galaxie. Reste le nanar Lucy, la seule véritable faute de goût de Scarlett, mais un immense carton au box-office. Il s’agit même du plus grand succès à l’étranger d’un long métrage français. Ever.
Oh ! Je suis complètement à l’opposée de votre avis, M. Venimeux, concernant Godzilla, car c’est justement ce que vous reprochez au film qui me l’a fait admirer. Les Hommes n’ont aucune influence sur le cours des actions qui les dépassent complètement, et leurs pathétiques tentatives de s’en sortir sont toutes vouées à l’échec. Si on accepte ce postulat, le fait qu’ils soient caricatural n’a aucune importance, car seuls comptent les monstres. C’est juste mon ressenti 🙂
Choisir de s’intéresser aux monstres plutôt qu’aux humains est une idée intéressante ! Mais dès lors, comment susciter de l’émotion chez le spectateur ? Comment peut-il s’identifier ? Peut-on avoir de l’empathie pour des monstres surpuissants et quasi-invincibles ? Reste le côté « grand spectacle ». Sauf que sans ancrage émotionnel, je trouve qu’il manque quelque chose au film… (un peu comme dans Exodus, dans une moindre mesure)