
Une année sous le signe de la Licorne (bilan série 2015)
… ce qui ne veut pas dire que les années précédentes n’ont pas eu leurs séries gays et personnages LGBT-friendly (oh, my, In the Flesh). Mais cette année, à l’heure du bilan, on peut se rendre compte que cette thématique a été présente dans nombres de séries.
Elle est d’ailleurs au centre de Banana Cucumber Tofu de Russell T. Davies, qui revient près de 15 ans après Queer as folk à la vie gay mancunienne. Déborah n’a malheureusement pas réussi à aller au-delà du troisième épisode de cette excellente série (au contraire de Yann), dû à un excès de mélancolie qui la rendait malheureuse. Le triptyque de Davies est toutefois un ensemble très complémentaire constitué d’une série évoquant Henry – un gay passablement égoïste en pleine midlife crisis –, d’une anthologie s’intéressant à la jeunesse gay, lesbienne et trans gravitant autour du même Henry ainsi que d’une série documentaire reprenant les thèmes développés dans les deux premières. Cette approche offre un point de vue très complet sur les communautés LGBT. Banana fût notamment le premier programme anglais à donner un rôle à un acteur transgenre (en l’occurrence l’actrice Bethany Black) dans un rôle de trans.
Elle est en périphérie de l’homo-érotisme et atmosphère queer sous-tendue dans Hannibal de Bryan Fuller (avec un très bon « Going my way? » lancé par Hannibal Lecter à un Will Graham un brin perplexe). Et elle a été au cœur de la très bonne mini-série London Spy, où Dany (Ben Whishaw) cherche la vérité sur la mort de son amant, où l’on parle d’ailleurs historiquement de ce qui s’est passé dans l’histoire récente anglaise. Paradoxalement, 2015 est aussi l’année du début de la fin pour Looking. La deuxième saison d’un groupe d’amis (presque exclusivement homos) installés à San Francisco n’a pas rencontré l’amour escompté au-delà d’un public de niche. Si HBO lui accordera le privilège de proposer une vraie fin (sous la forme d’un téléfilm), on regrettera sûrement que les aventures de Patrick, Dom, Augustin et Doris n’aient pas su toucher plus de monde.
Et c’est d’ailleurs une année où l’homosexualité est plutôt vu avec bienveillance pourrait-on dire. Depuis Faking it, où il est tendance d’être lesbienne, à Sense8 où l’amour sauvera le monde, où les scènes d’orgies concernent tous les sexes, et si la difficulté de s’assumer est présente, la récompense est au bout du chemin. Si Laverne Cox a permis de mettre en avant le T de LGBT dans Orange Is the New Black, Sense8 a son actrice elle aussi transsexuelle (Jamie Clayton) interprétant la belle Nomi. Transparent continue sur sa lancée et montre qu’on peut parler de la transition avec pudeur sur le petit écran. Au-delà de la performance de Jeffrey Tambor, la nouvelle recrue de Transparent est sûrement l’une des révélations de l’année : l’actrice et mannequin trans Hari Nef illumine la série dans le rôle de Gittel.
Et puisqu’on parle de révélation, à l’autre bout du spectre sériel, dans la comédie déjantée Unbreakable Kimmy Schmidt, Tituss Burgess explose littéralement de mille feux. Après une modeste apparition dans 30 Rock, cet habitué de la scène de Broadway (qui se trouve être également chanteur de R&B dans la vraie vie), est l’une des sensations de l’année pour son rôle de Titus, ce gay ultra-flamboyant, notamment interprète du très viral Peeno Noir !
En périphérie, nous avons désormais aussi le droit à des personnages amoureux, et pas caractéristiquement gentil, comme dans Jessica Jones, où l’avocate Jeri Hogarth (Carrie-Anne Moss) est en plein divorce avec son ex pour l’avoir trompée avec sa secrétaire. Et elle n’est pas une gentille toute mignonne. C’est aussi l’élément déclencheur de Grace and Frankie. Leurs maris respectifs font leur coming out et décident de s’installer ensemble. Malgré leurs statuts de seconds rôles, Robert et Sol sont dépeints avec une vraie tendresse et la série esquive ainsi le cliché du couple homo hautain. Dans Brooklyn Nine-Nine, Kevin, le compagnon du capitaine Raymond Holt, est toujours bien présent, sans que jamais ne soit remis en cause la légitimité de cette relation dans cette série comique (ce qui prouve, comme nous l’avions vu, que la diversité n’a pas à être un ressort comique). Côté bisexualité, cette dernière existe toujours sans forcément être nommée, toujours à la marge. Si Joe MacMillan (Halt and Catch Fire) avait le droit l’an dernier à son ex, cette fois-ci, partons côté Hannibal (et n’en dirons pas plus pour cause de SPOILER) pour un nouveau duo surprenant.
Pourquoi c’est bien ? Bon, déjà parce que ça donne des histoires intéressantes, certes. Mais aussi parce que, comme nous en avions parlé dans notre dossier Séries et Minorités, il est important de voir de la diversité sur nos écrans. Avec l’arrivée de séries centrées aussi sur des super-héroïnes, de Peggy Carter à Jessica Jones, nous pouvons nous dire que oui, le monde de la télévision se met enfin à faire des bonds en avant. Et avec des personnages qui peuvent être gentils ou méchants, tordus ou complètement intègres, en périphérie ou au centre, souvent construits avec intensité et intérêt. Dans des séries humoristiques, super-héroïques, des drames intimistes… La définition même de diversité, non ?
Déborah Gay et Yann Kerjan
Titus Burgess est aussi chanteur de gospel dans une église de Manhattan, et la messe vaut clairement le détour !! Il est déjanté !