2015, Une Année de Séries

2015, Une Année de Séries

Aborder un bilan série selon le calendrier grégorien est toujours un exercice un peu bancal ou au moins morcelé, incomplet. C’est oublier qu’une moitié de saison a pu commencer l’année d’avant ou une autre, se terminera l’année prochaine. Entre les deux, bien sûr, certaines séries ont connu un début et une fin, bien à l’abri d’une forme courte ou d’une programmation clémente. C’est pourquoi à l’exercice du classement, nous avons décidé, du côté des séries, d’offrir des rétrospectives, selon la sensibilité de la rédactrice ou du rédacteur.

Déphasé. S’il fallait réduire 2015 en un seul mot, ce serait « déphasé ».

mrrobotheaderL’année a débuté un 7 janvier et s’est conclue un 13 novembre. A ces extrémités, les séries nous sont parues bien futiles. A ces moments, j’ai été incapable de regarder le moindre épisode. Hypnotisé devant des chaînes d’information à observer les mêmes images en boucle, le vide que l’on tente de combler avec la résolution que l’exercice est vain mais sans pouvoir s’arrêter. Ce que Jean-Marie Durand, dans Les Inrocks a résumé de mots très justes : « la pulsion scopique face à la terreur, entremêlée à l’envie légitime d’en comprendre la mécanique, sinon la logique. »

Déphasé par les événements et déphasé des bulles médiatiques. Ces noyaux qui s’enflamment sur des séries jusqu’à créer des épiphénomènes. Involontairement ou non, inconsciemment ou non, je me suis situé sur une marge, ne trouvant pas le moyen d’être au bon endroit au bon moment pour participer à ces messes successives. Que le grand concept de l’année 2015 fut la Peak TV, cela n’a finalement rien eu d’étonnant. La théorie du président de la chaîne FX, John Landgraf, sur l’éclatement, à venir, de la production qui atteint des chiffres ubuesques (409 séries pour l’année 2015 sur le seul territoire américain) m’aura permis de relativiser sur mon décalage naturel.

CSI-Immortality-03Heureusement, les réseaux sociaux m’auront évité un trop lourd handicap. Déjà qu’il est difficile de se prétendre sériephile si on ne regarde pas Game of Thrones ou The Walking Dead (et pour celles et ceux que j’imagine ricaner, j’ajouterai en vrac Better Call Saul, The Leftovers, Unbreakable Kimmy Schmidt, Mad Men, Sense8, Daredevil, Master of None, You’re the Worst, Transparent ou Jessica Jones), sans Twitter ou Facebook j’étais bon pour occuper le bunker laissé par Kimmy. Pour certaines séries, il fut difficile de concilier visionnage + réseaux sociaux sans risquer d’être spoiler quelques heures après la diffusion de l’épisode. La fenêtre s’est réduite et tout a pris une proportion hyperbolique. Enfin, on ne choisit peut-être pas sa famille mais on peut choisir ses abonnements (les miens sont formidables).

J’ai néanmoins pu vivre quelques instants de communion. Sur l’incroyable Mr. Robot, l’une des plus grandes surprises de l’année, sur le retour plein de perplexité de Broadchurch, sur la seconde saison de True Detective même si j’ai pu me sentir un peu seul face à la désaffection quasi générale.

parks-and-recreation-cast-parks-and-recreation-4892763-1599-1199Déphasé par le nombre important d’au revoir, cette saison. J’ai dû dire adieu à Parks & Recreation, à Luther, au Mentalist, à CSI, tout en anticipant les prochains (Hannibal et Mad Men). Certains furent plus douloureux que d’autres même si l’on se résout toujours à se dire qu’elles ont eu une belle existence (et pour quelques unes, un peu trop longue). Mais les adieux sont toujours un moment difficile pour le sériephile et l’on a pu vivre différemment ces abandons.

Au-delà de l’aspect émotionnel, il y a le paysage télévisuel qui change. CSI s’est arrêtée après 15 saisons, The Mentalist 7 saisons, Mad Men 7 saisons, Parks & Recreation 7 saisons. Ces séries devenaient des référents temporels, des œuvres qui nous accompagnaient, qui définissaient, d’une certaine manière, notre calendrier. A présent, ce sont des cases qui se libèrent, du temps supplémentaire que d’autres séries viendront combler (on revient à la Peak TV). Mais pour qui ? Du rattrapage au risque de se désynchroniser davantage de l’actualité ou attraper un wagon en marche ?

Déphasé parce que dans trois cas, mon enthousiasme se perd comme un écho dans le vide. Chaque année, The Middle, Major Crimes ou Longmire exhibent des qualités insolentes trop peu soutenues. Dommage que l’intelligence ne soit pas célébrée dans l’humilité : ces séries ne font pas parler d’elles et c’est leur unique défaut.

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