Neo Super-héros dans l’amérique post 9/11

Neo Super-héros dans l’amérique post 9/11

11 Septembre 2001. Dans ce contexte dramatique, difficile de trouver une place pour les super-héros. Où étaient-ils quand les avions ont percuté le World Trade Center ? Incapables d’empêcher le drame de se produire, les super-héros devenaient faillibles et n’entretenaient plus ce rêve américain d’invulnérabilité. Si la télévision a trop rarement été l’écrin des super-héros, y est né un nouveau type, comme une variation de l’idée que l’on a du super-héros, libéré de facultés fantastiques évidentes. Il fallait un retour les deux pieds sur terre pour montrer combien les américains avaient besoins d’un héros proche d’eux, humain, certes,  mais meilleur que le commun des mortels.

Deux créatures télévisuelles répondent à ce nouveau portrait. Deux êtres dans des séries différentes, dans des genres différents mais qui cultivent une même idée : créer un mythe, répondre à l’appel d’une population en manque d’idoles.

24JBJack Bauer.

La trajectoire de Jack Bauer est intéressante, symptomatique de cette volonté d’accorder le super-héroïsme et l’humain. Son évolution peut être vu comme un modèle du genre. De simple agent du gouvernement, il va progressivement se déposséder de tout ce qui le rattache à notre existence pour devenir mythe moderne. Mais mythe prométhéen, propre au sacrifice pour soulager notre monde. Jack Bauer entretient ce culte de l’identité masquée au fur et à mesure des saisons comme il devient paria aux yeux de la nation malgré ses tentatives désespérées de la sauver. A tel point que son nom entrera dans la légende au point de provoquer une réaction (admiration, rejet, peur) à l’écoute de ce simple patronyme.

Jack Bauer est increvable. Nombreux sont ceux qui ont essayé de l’abattre, personne n’y est parvenu. On lui a tiré dessus, torturé, on a essayé l’exil, la mort administrative, rien n’y fait. Son corps porte les marques de ses nombreuses missions, chaque cicatrice semble raconter une histoire. Jack plie mais ne rompt pas. Il porte en lui un élan patriotique qui va au-delà de la raison. Comme s’il avait dépassé le stade du bien personnel pour oeuvrer pour le collectif. Il n’y a qu’à la fin de la huitième saison qu’il sera animé par une vengeance personnelle.

Ce portrait se rapprocherait de l’idée que l’on peut se faire du Punisher. Même philosophie : la fin justifie les moyens. Même radicalité dans l’exécution. Seulement Jack Bauer, au-delà de ses excès, ses gestes moralement discutables, intervient dans une logique de sacrifice. Il atteint peut-être une densité inquiétante similaire à Frank Castle mais celle-ci finit toujours par figurer un sentiment d’oblativité.

96237_D1387b4.jpgHoratio Caine.

L’incarnation télévisuelle de l’Übermensch de Nietschz. En personnifiant le principe de volonté de puissance cher au philosophe, Horatio Caine devient la négation du principe de super-héros. Il est question de dépassement de soi mais de façon immanente. Pas de pouvoir particulier parce que les qualités sont contenues dans l’homme. Horatio devient le prototype d’une évolution à venir qui verrait l’homme comme l’instrument principal de son futur s’il en avait conscience. Le policier scientifique a atteint cet état de conscience qui s’exprime principalement par un savoir quasi absolu.

Horatio Caine possède la caractère solennel d’un Superman. Son apparition, sa présence modifie le comportement de l’entourage comme celui du spectateur. Notre perception est différente, grâce à un jeu de scénographie et d’angle de caméra. Un jeu formel très scolaire parce que l’évidence doit s’imposer : cet homme est grand. Tout comme Superman, Horatio est un personnage solaire. Et tout comme Superman, des lunettes sont l’instrument gimmick. Seulement si Superman s’en sert pour se transformer en Clark Kent, Horatio les revêt comme un costume. Comme l’homme n’a pas d’identité à préserver, ce geste atteint un degré de symbolisme : les verres reflètent le monde ; son regard nous renvoie à notre propre mortalité. Quand il les enlève, c’est pour mieux percer notre âme : que ce soit pour recueillir une confession et produire du réconfort, ses yeux sont les révélateurs de notre condition. Superman possède une vision à rayon x pour voir à travers les objets ou les corps. Horatio possède le vision d’un juge capable de voir à travers notre culpabilité.

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