
Toulouse Game Show 2014 : 12 Monkeys, l’évolution va-t-elle dans le bon sens ?
Le Toulouse Game Show 2014, toujours en avance sur son temps, nous a emmené dans le futur, par le biais d’une avant première européenne, pour visionner ensemble le pilote de 12 Monkeys, la série qui arrivera sur SyFy début 2015.
12 Monkeys est l’adaptation sérielle du film éponyme de Terry Gilliam sorti en 1995. En 2043, l’espèce humaine a presque entièrement été décimée par un virus. James Cole est envoyé en mission dans le passé et fait la rencontre du Dr Railly. Bien que basés sur ce même pitch, le film et la série, au vu de son pilote, prennent à partir de là des directions extrêmement différentes.
Pour que mon point de vue soit clair, il faut tout d’abord établir un fait : J’ai beaucoup aimé le film. J’attendais donc la série avec l’impatience d’une gamine à la vue des cadeaux sous le sapin de Noël. L’adaptation a ce pouvoir de générer en nous le pire et le meilleur puisqu’elle génère des attentes. Et Syfy le sait bien puisque c’est là dessus qu’ils ont choisi de miser. Dire que ces attentes ont été déçues serait vrai mais bien faible. En sortant de la projection de ce pilote, j’en avais gros sur le cœur.
La série revendique on ne peut plus clairement sa filiation. Garder le même titre que le film en est la marque la plus visible. S’en démarquer par la suite est tout à la fois un droit et un devoir. Un droit d’abord parce que c’est le jeu ma pauvre Lucette. Si on parle d’adaptation c’est pour mieux laisser aux auteurs du petit nouveau la liberté de création. Un devoir ensuite, car le format sériel apporte en lui-même ses propres contraintes, qui sont autant d’opportunités, et que le spectateur mérite d’être surpris.
Partant de ce principe, j’étais enthousiaste à l’idée qu’ils effectuent des changements. Mais hélas, oh hélas, tous les changements effectués ici semblent orchestrés pour ôter systématiquement à l’œuvre toute son originalité, son intérêt et pour n’en garder que la coquille vide.
Le film était la fuite en avant d’un homme perdu dans le temps. Avec Katherine Railly, nous étions emportés avec lui, ne sachant pas si nous le suivions dans sa mission pour protéger le monde ou si nous emboîtions le pas à sa folie. Cette quête était l’occasion de mettre en exergue la notion de normalité et de la gratter pour mieux l’explorer. Le voyage dans le temps était l’opportunité d’observer les conséquences que cette dite normalité peut entrainer dans un monde qui ne se questionne pas sur les liens entre le normal et la morale.
La série de Syfy, par une réalisation plus propre et plus convenue, prend le parti du réalisme. Elle fait des changements scénaristiques audacieux, autant dans la chronologie des évènements que dans la caractérisation même des personnages. Ce chemin faisant, elle en profite pour annihiler l’ambigüité qui en faisait la richesse. Pour ne pas spoiler, je ne mentionnerais ici qu’un détail pourtant signifiant. Le docteur Railly change de prénom. De Katherine elle devient Cassandra. La symbolique de cet acte a son importance et redéfinit le personnage autant que son rôle dans l’histoire, faisant ainsi disparaitre un pan entier du film.
Je ne saurais reprocher à cette version de modifier le point de vue s’il s’agissait de le substituer pour en prendre un nouveau, plus moderne ou juste différent. Malheureusement il semble à la vue du pilote qu’il ne s’agit pas d’un changement mais d’un abandon pur et simple. Rien ne vient le remplacer pour créer le départ d’un propos ou d’un sous-texte à la série, qui reste pendant toute la durée du pilote premier degré au possible. L’intensité intellectuelle est mise au rencard au profit de quelques effets spéciaux illustrant la « magie » des paradoxes temporels.
Il semble donc nécessaire d’arrêter là la comparaison avec le film pour se concentrer sur ce que la série, elle, pourrait nous apporter.
En se resserrant sur la thématique du voyage temporel et l’anticipation de la catastrophe, la série prend son indépendance, assure une possibilité d’étendre son sujet par la suite et d’installer tranquillement sa mythologie dans la durée.

Cassandra Railly (Amanda Schull). Crédit : SyFy.
Pourtant l’utilisation qui est ici faite du voyage dans le temps n’augure rien de bon. Pour simplifier au spectateur la compréhension des évènements, pourtant déjà relativement simples, les personnages prennent gentiment la peine de nous expliquer à chaque étape les tenants et les aboutissants de leurs actions sur le passé, le présent et le futur. Autant vous dire qu’on comprend très bien mais qu’on s’ennuie ferme.
Au niveau des personnages, Amanda Schull nous offre une Cassandra Railly qui équilibre intensité et émotion face à un Aaron Stanford assez nettement en-dessous dans le rôle de James Cole. À sa décharge, le personnage de James est à ce stade beaucoup plus mystérieux que celui de Cassandra et les bottes de Bruce Willis ne sont pas faciles à enfiler (Je sais, j’ai dit que j’arrêtais de comparer… mais c’est plus simple à dire qu’à faire !). On espère que le nouveau James Cole va vite s’épaissir s’il veut nous donner envie de le suivre. Ils vont rencontrer dans leurs tribulations un certain Leland Frost, interprété par Zeljko Ivanek et qui reste la partie la plus savoureuse de l’épisode. J’espère que la suite de la série sera l’occasion d’un mea culpa et nous faire rêver, mais j’ai bien retenu la leçon et je ne place pas ses attentes trop haut.
Finalement, ce pilote est une magnifique métaphore de sa thématique elle-même. Observant le présent, l’envie nous prend de retourner vers le passé pour redécouvrir le 12 Monkeys de Gilliam et pourquoi pas de voyager plus loin encore, vers la toute première version de cette histoire, le court métrage de Chris Marker datant de 1962, La Jetée, dont le film de Gilliam était déjà librement inspiré.