
A deux vitesses (critique de Drive, de Nicolas Winding Refn)
Synopsis
Cascadeur le jour, chauffeur pour braqueurs la nuit, un as du volant basé à Los Angeles est mis en relation par son manager avec Bernie Rose, mafieux local désireux d’investir dans les courses de stock-car. Parallèlement, le « driver » s’éprend de sa voisine Irene, qui élève seule son petit garçon en attendant la sortie de prison de son mari. Une fois libéré, ce dernier doit commettre un dernier coup pour s’acquitter d’une dette contractée en taule. Par amour pour Irene, le « solitaire » va l’aider… sans savoir qu’il met le doigt dans un engrenage fatal.
J’ai bien failli ne rien écrire sur Drive (« Non ! Pas ça ! » crièrent les Philistins). Ouaip, cela fait plusieurs jours que je tente, mais rien. Page blanche. D’abord parce que, infâme vermisseau ignare que je suis, je n’ai pas vu un seul film de Nicolas Winding Refn. Les trois Pusher, Valhalla Rising, Bronson… nada ! D’où une sorte de malaise à l’idée de conjecturer sur Drive sans rien savoir de sa cohérence dans l’œuvre de son auteur. Coup de bol : non seulement NWR est jusqu’ici réputé pour aligner des films extrêmement hétéroclites, mais surtout il n’a pas écrit le scénario de Drive. Il s’agit d’une commande de deux producteurs américains, qui ont fait appel au danois pour mettre en images un script de Hossein Amini, d’après un roman de James Sallis. Ouf ! Je peux donc juger le film en tant que tel, sans trop craindre de passer à côté d’une thématique particulière développée au fil des œuvres Winding Refniennes. La seconde raison de ma grande peine à écrire sur Drive est plus sérieuse : entre la première et la seconde vision, mon avis a légèrement bifurqué sur le film. D’où léger embarras. Les circonstances de visionnage d’un long métrage ont-elles donc autant d’influence sur mon frêle jugement ?
Première projection : Cannes. Joli petit choc. Rythmée par l’électro-rock-new waveux-eighties-à-donf’ Nightcall de Kavinsky, l’ouverture de Drive vous conduit tout droit dans une onctueuse hypnose. La caméra survole langoureusement les gratte-ciels de Los Angeles by night, comme dans le Collateral de Michael Mann, réalisateur auquel le cinéphile songera régulièrement au cours du film. Typo « To live and die in L.A » style, ambiance clippeuse référentielle… envoûtement garanti pour quiconque a biberonné aux années Starfix dans sa prime adolescence. Puis la première scène : un casse. De nuit, donc. Le héros sans nom du film (Ryan Gosling) attend au volant des complices en train de dévaliser un entrepôt. En voix off, il nous informe sur sa façon d’opérer, ses conditions pour accepter un job… Il cause peu mais bien, le bonhomme. Genre comme ses grands frères de cinéma, depuis le Delon du Samouraï au James Caan du Solitaire (hé oui, Mann encore), en passant par le Ryan O’Neal de Driver. L’alarme se déclenche, les braqueurs peinent à revenir, les sirènes du LAPD se rapprochent. Tension maximum. Le butin embarqué, une course-poursuite s’engage pour fausser compagnie aux poulets. Là encore, un pur moment de cinéma. Motus dans la voiture des truands, les seules paroles entendues proviennent des appels radio de la police captés par le scanner.
Drive démarre ainsi comme un pur film de genre racé, sophistiqué, promettant une excitation primale, une efficacité assumée si rare dans la sélection officielle cannoise. NWR emprunte cependant une autre voie, plus précieuse, moins « in your face », mixant constamment un usage des codes du genre aux frontières du pastiche et des parenthèses plus minérales. Qu’importe finalement : en sortant de cette projection cannoise, on jubile devant la puissance et la poésie de la mise en scène, les explosions de violence à la Peckinpah et l’ambiance eighties version Tangerine Dream parfaitement dosée. Sans oublier l’interprétation fascinante de Ryan Gosling en cascadeur au béguin mutique et trois seconds rôles en or : James Brooks en salopard de mafieux (contre emploi génial pour l’ex-gentil Saint Bernard du ciné US), Ron Perlman en autre salopard de mafieux (plus classique) et, of course, l’attachant Bryan Cranston en petite frappe mécano arrangeur de coups foireux. Drive est le Ghost Dog de 2011, un brillant repatouillage intello, formaté Croisette, des codes de mille polars qui jamais n’ont eu accès aux honneurs de la sélection officielle.
Seconde projection : Paris, à la rentrée. Est-ce l’influence de quelques confrères chafouins, bien plus nombreux qu’au sortir de la projection cannoise ? Toujours est-il qu’une nouvelle vision de Drive, à froid, tempère un peu la ferveur initiale. La puissance des morceaux de bravoure n’est pas retombée : l’ouverture, les (rares) éclats de violence brute (la bande-annonce n’en oublie aucun d’ailleurs…), l’impressionnant charisme de Gosling, l’intensité discrète des sentiments du « driver » pour le personnage d’Irene… tout est toujours en place. Mais la frustration n’en est que plus grande. Avec la première scène, Winding Refn donne tellement l’impression qu’il a toutes les cartes en main pour nous balancer une putain de bombe à l’hyper efficacité sans complexe, que son virage poseur gêne d’autant plus. Le rythme traîne, certains plans fixes semblent durer vingt secondes de trop, d’autres relever de la pose auteurisante et la confrontation finale (mais faut-il ici plutôt blâmer le scénariste ?) laisse un arrière-goût de « hein, quoi, c’est tout ? ». NWR a le pouvoir de déchaîner l’enfer sur pellicule sans faire de quartier, mais préfère conduire sa série B jouissive et noble comme un… repatouillage intello formaté Croisette. Une troisième vision sera peut-être nécessaire pour me permettre de trancher. Nom d’une clé de douze, cette impression de girouette, je n’aime pas ça du tout ! Faites vous votre avis les aminches et venez donc aider ici-même, par votre prose éclairée, votre Plissken en pleine détresse existentielle !
Drive, de Nicolas Winding Refn (1h40). Sortie nationale le 5 octobre.
Je l’ai pas revu sur Paris mais les deux fois à Cannes j’ai eu la même réaction. Un profond plaisir ni comme devant un film très intelligent ni comme devant une série B décomplexée, mais comme devant un type qui développe une grammaire cinématographique incroyablement riche pour aboutir sur un film carrément sensuel. Je crois que si Drive fonctionne aussi bien c’est que c’est un film essentiellement sensoriel, la présence de ces morceaux immédiatement reconnaissables et de cette façon de s’attarder longuement sur le corps de ce personnage presque irréel en sont la preuve.
Bon après je me trompe peut-être mais niveau plaisir pur de cinéma, c’est du très rare ce que j’ai ressentui devant celui-là.
Visuellement, ça a l’air splendide, artistiquement ça a l’air puissant, les échos que j’en ai depuis Cannes sont pour la plupart dythirambiques, donc j’avoue que ma curiosité est plus que piquée!!! A voir donc
Et content de te retrouver John, c’est pas trop tôt, non de zeus!!!!
Malheureusement, je ne vais pas vraiment aider sur ce coup-là, parce que j’ai eu le même sentiment de mon côté.
Nous avons été le voir à deux, et à la sortie, c’était différent : nous savions tous les deux qu’on venait de voir quelque chose dont on va se rappeler, mais en même temps on se disait que ça aurait pu être mieux, que le mélange des styles était bien fait, mais qu’il empêchait de se faire une opinion marquée parce qu’aucun style n’en sortait vainqueur au final.
Mais pour finir, j’en suis resté sur une conclusion comme Nico le dit plus haut : un film sensoriel. Allez, tranchons : j’ai kiffé ce film. La photo, les lenteurs, la BO…
Et puis bon, Carey Mulligan est superbe. Elle me donne l’impression de ne savoir jouer que des rôles de ce type (triste/in love/heureuse/en pleurs dans le même regard), mais qu’est ce qu’elle est cute quand même ! 🙂
@Nico, figure toi que j’ai beaucoup lu ta chronique du film avant d’écrire la mienne, non pas pour la recopier hein, mais plus pour mieux me déterminer dans ce que j’avais « moins » ressenti à la deuxième vision. Tu ne te trompes pas sur le coté sensuel/sensoriel du film en tout cas ! Et pour le reste, well, c’est ton opinion et visiblement beaucoup la partagent ! J’ai plus l’impression d’etre le cul entre deux chaises
@Fred : curieux de ton connaitre ton avis à ta sortie de salle en tout cas et merci pour ton welcome !
@Jeremy ouaip suis a peu près d’accord avec toi, et sur Carrey Mulligan en effet elle a qq chose de touchant et en meme temps…. mouais…. pfff c’est vrai que ca commence à sentir le type casting tout ça ! Et parfois pendant le film, j’avais envie de la secouer en lui disant « mais réagis au lieu de faire l’endive en permanence, Bon Dieu ! ». Je suis un grand poète de notre temps, c’est incontestable.
J’ai vu le film dans un cadre bien particulier; lors de sa diffusion à l’étrange festival. La salle était pleine, le public de qualité, et j’ai passé un très bon moment de cinéma.
MAIS je ne trouve pas que Drive soit un chef d’oeuvre, loin de là; c’est un film de mec, bien couillu, avec des explosions soudaines de violence assez trash qui font penser à du Tarantino ou même à du cinéma coréen (la scène dans le bordel notamment a plongé la salle dans une athmosphère électrique, c’était assez incroyable).
Dans une petite vidéo adressée aux spectateurs NWR précise que le film n’a d’autre but que de divertir, ce qu’il fait je trouve parfaitement bien.
Mention spéciale pour la BO qui est vraiment formidable.
J’ai egalement vu le film à l’étrange festival et j’ai vraiment pris une claque dans les gencives. Bon je suis à la base un gros fan du travail de Winding Refn donc jétais en terrain connu mais j’ai tout de même été scotché par la cohérence de l’univers du film.
Cette adéquation parfaite entre musique et mouvements de caméra léchés. Cette direction artistique sans faute de gout et la justesse du jeu des acteurs (mention spéciale à Albert Brooks effectivement), Drive m’a… transporté. Je pense que ce film est fait pour les passionnés de grammaire cinematographique.
Winding Refn prend un plaisir manifeste à faire en sorte que chaque scène soit une démonstration de son savoir-faire en matière de composition et de découpage. C’est un film d’amoureux de cinéma pour les amoureux de cinéma et c’est aussi le meilleur metrage que j’ai vu au festival (suivi de pret par Kill List quand-même…). Enfin bon, tout ça pour dire que quoiqu’on en dise le cinéma de genre est en pleine forme avec des films comme celui-là.
Après la lecture du roman original je n’en attendais pas moins de la part de Winding refn qu’un traitement épuré pour aller droit au but. Le film n’a pas d’ambition autre que d’être un roman noir mis en image. Roman noir original, soit dit en passant, écrit lui aussi en hommage à d’autre auteur du genre. On est donc dans la révérence du début à la fin mais avec une touche bien personnelle que celle du romancier original de Drive. Gosling et Winding Refn font un magnifique duo digne du tout excellent duo que formait Mads Mikkelsen avec le même scénariste. Pour la peine je dirais même que le personnage du conducteur rappelle un peu celui de Valhalla Rising par son silence et son interprétation mesuré et précise mais c’est bien le seul rappel que je ferais par rapport aux films précédent du réalisateur. Petite pensée aussi au cinéma coréen, et plus particulièrement pour Old Boy, dans la scène du night club où Gosling débarque aussi seul avec comme seule arme un marteau. Drive n’est pas le chef d’oeuvre de Winding Refn et c’est peut-être pour cela que certain ont été laissé sur leur faim avec ce film. Certes excellent, Drive est un bon divertissement qui se suffit à lui-même sans atteindre, mais là n’est pas le but, la maitrise de Valhalla Rising.
Bah voilà, je l’ai vu, la bête dont tout le monde parle et que toute la presse porte aux nues, et je dois dire que perso, j’ai pris une claque! A mes yeux, c’est un grand film noir, avec des interprètes fascinants, une mise en scène électrisante et une musique envoûtante. Bon peut-être que certaines scènes donnent l’impression d’un faux rythme, mais ces moments lancinants donnent au film tout son caractère! Pour moi, John ton premier jugement était le bon… Drive, sans être un chef d’oeuvre est un putain de film qui dépote et c’est suffisamment rare pour le signaler!!!
Ben moi je voulais juste voir un bon film d’action bien viril et j’ai seulement vu un truc hybride qui n’assume aucun genre (action, romance, psy : faut choisir, merde, ça aide pour creuser les personnages…), certes bien réalisé mais très chiant, en fait.
Je n’irais pas jusqu’au très chiant, mais certes l’ouverture est tellement prenante que la suite a du mal à prendre relais. Merci pour cette intervention Sue Ellen !
Drive en première vision m’a fait le même effet que Drive lors de ta seconde vision. C’est rose-bonbon. La caméra fait l’amour à son acteur. La musique raconte l’histoire. Le scénario est maigre. Je pourrais obtenir le même plaisir hypnotisant du film en roulant la nuit sur une autoroute avec l’autoradio à fond. Tout est prévisible car le récit est réduit au minimum. Je préfère To Live and Die in L.A. auquel Drive renvoie (in)directement (pour moi).