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A fond la caisse (en marche arrière) : critique de Fast & Furious 5, de Justin Lin

A fond la caisse (en marche arrière) : critique de Fast & Furious 5, de Justin Lin

Précédé d’un buzz élogieux plus que de raison, ce 5e volet d’une des franchises les plus racoleuses du moment n’a pas volé sa réputation : il tient amplement sa promesse de fracas tous azimut, via trois séquences en effet monstrueuses. Pour le reste…

 

Et pour commencer, en guise de récapitulatif du synopsis de ce produit, voici une petite séquence vidéo dont je ne me lasse pas : une interview exclusive du scénariste de Fast & Furious 5 :

Drôle, non ? Et tellement juste… Ok, je sais : on la connaît déjà par cœur cette vidéo, me hurleront les avocats de la défense. Et en plus, franchement, quelle vaine entreprise que d’attaquer Fast & Furious 5 sur son scénario ! Non, sérieusement quoi, si tu veux une histoire digne de ce nom, coco, va voir un polar coréen, un Animal Kingdom ou un Inception mais Fast & Furious, à quoi bon ?? Tout ce qu’on vient acheter avec le ticket de cinéma, c’est de l’adrénaline pure, de la tôle froissée et une baston en règle entre Vin Diesel et The Rock, épi cé TOUT ! Et c’est pas faux.

 

Reconnaissons-le : difficile de faire la moue devant un spectacle aussi généreux que ce 5eme F&F sans passer pour un peine à jouir. Commençons donc par la seule raison pour laquelle vous vous déplacerez en salles : le kaboom. Et bien du kaboom, dés la séquence pré-générique, Justin Lin (déjà réal’ des 3e et 4e volets et, plus rigolo, de quelques épisodes de Community dont l’énorme Modern Warfare) vous en refourguera tant et plus. L’action reprend exactement là où celle de F&F4 se terminait : Brian (Paul Walker) et Mia (Jordana Brewster), au volant de leurs bolides, s’apprêtent à stopper l’autobus pénitentiaire convoyant leur Dominic adoré (Vin Diesel) vers la prison de Lompoc. L’accident qu’ils provoquent annonce d’entrée la couleur d’un spectacle extrême et con (et extrêmement con). Déséquilibré par les queues de poisson des assaillants, le bus dérape et se quasi désintègre en plusieurs tonneaux sur le bitume. Sa carcasse fumante donne au véhicule l’air d’avoir été mâché, recraché puis piétiné par quelque gigantesque colosse de métal. Pas grave, Dom’ s’en sort frais comme une rose, sans un micron d’égratignure. Ca se passe comme ça chez le producteur Neal H. Moritz ! Bref, évasion réussie, direction Rio pour de nouveaux coups.

 

Plus tard tout au long des 132 minutes (132 !!!), trois autres électro-chocs viendront stimuler le nerf bourrinal du spectateur-cobaye et accessoirement le tirer d’une relative léthargie pour cause de sous-intrigues rose bonbon, visiblement signées par un transfuge d’AB prod’. Ces trois décharges vous ont déjà été relatées par d’autres avant moi dans la blogosphère, donc mini-spoilons : le braquage par nos amis d’un train convoyant des voitures volées ; une haletante poursuite « Bourne style » sur les toits d’une favela entre la bande à Dom’ et les superflics cornaqués par l’agent fédéral Hobbs (Dwayne « The Rock » Johnson) ; la chasse en voiture du climax, gymkhana dégénéré où le trio Dom’/Brian/Mia et leurs complices, toujours au volant de rutilantes caisses supersoniques, traîne derrière lui un énorme coffre fort. L’objet a été confisqué par nos héros au politicien véreux et narco-trafiquant Reyes (Joaquim de Almeida, dans son 3612e rôle de pourri). Remplis jusqu’à la gueule de biftons, le gros cube d’acier tracté par les voitures des gentils braqueurs dévaste la moitié de Rio et, certes, tout cela dépote dans un montage des plus lisibles, ne nous laissant rien perdre du spectacle. J’allais oublier aussi une scène d’embuscade tétanisante ne manquant pas d’évoquer celle, mémorable, de Danger Immédiat dans les rues de Bogota. Mentionnons enfin au rayon compliments une belle exploitation de la cinégénie de Rio via de somptueux panoramiques et autre plans séquences au dessus de la ville. Pour toute cette générosité et la maîtrise de Justin Lin, donc, on ne peut décemment pas crier au navet, c’est entendu.

Mais lorsque je lis des critiques aussi enflammées et sans recul sur le site Ecran large ou dans mon mag’ chouchou Impact, je m’interroge : a-t-on à ce point abandonné le rêve, porté un temps par John McTiernan, James Cameron et Paul Verhoeven, d’un cinéma qui défouraille ET ne nous prend pas QUE pour des bouffeurs de Big Mac ? Vu ce qu’on en attendait, F&F 5 est une heureuse surprise, on est tous d’accord. Surtout dans ses vingt premières minutes sans temps mort, pas loin d’être épatantes avec cette course poursuite ferroviaire conclue par une chute libre hilarante, clin d’œil visuel signifiant la conscience du réalisateur que, franchement, tout cela n’est quand même qu’une vaste blague.

C’est après que ça se gâte et qu’un ventre mou d’une bonne demi heure parasite cet « action porn » avec de pauvres tentatives pour humaniser ses héros, via un sentimentalisme plus cucul tu chies. Cela se termine la plupart du temps par des gros plans gênants (et involontairement drôles, ceux là) sur les visages toujours aussi peu expressifs de Brian Walker, Vin Diesel et Jordana Brewster, débitant un chapelet de niaiseries démago sur la famille, l’amitié, toussa… La palme revient à la suprêmement inepte Elsa Pataki, comédienne aussi douée qu’une clé de 12, ici fliquette de choc aux yeux de chimène pour Diesel et dont la plus inoubliable réplique restera, en pleine enquête, « There’s something big going down… », cadrée serré sur son minois et le reste. Mouarf. La suite de F&F 5 respecte scrupuleusement le cahier des charges bien racoleur et hypocrite de la franchise : de la violence mais pas trop, des bimbos « biatch » juste ce qu’il faut mais no tits, une glorification du bonheur par le pognon et les bagnoles mais attention la famille et les sentiments ça compte aussi…

Un parcours bien balisé par Neal H Moritz, producteur cordialement méprisable pour détruire méticuleusement depuis plus de dix ans le rêve, évoqué plus haut, d’un cinéma d’action pensant, à coups de XXX, I am legend, Green Hornet et autres Battle L.A sans tripes sous un chrome aguicheur. Alors oui, répétons le, à côté de ses quatre prédécesseurs et des bousasses sus nommées, Fast & Furious 5 tient largement mieux la route et c’est en soi un mérite. Mais avons-nous à ce point élimé nos standards pour crier sans réserve « alléluia » en avalant ce concentré de connerie carburant au super sans plomb ? Le cinéma d’action se réduit-il désormais à cette alternative : d’un côté les films de super héros plus ou moins aboutis, de l’autre des beauferies régressives et rétrogrades sacrifiant au spectacle (certes ici opulent) tout effort minimum d’écriture ? Juste deux exemples sidérants de la paresse éhontée des scénaristes de Fast &Furious 5 : alors que Dom et Brian sont capturés par des poursuivants, enchaînés et enfermés dans un entrepôt théoriquement bien surveillé, ils se libèrent en un clic et quittent leur geole les mains dans les poches ! Plus tard, avec la bande qu’ils ont monté pour réaliser leur casse du siècle, ils parviennent à chiper dans l’enceinte d’un commissariat des véhicules de fonction et ressortir avec, sans être ennuyés le moins du monde (on est donc à Rio hein, bastion de la police surarmée jusqu’aux dents…). I mean, WTF ? A ce compte là, ma boulangère peut écrire Fast & Furious 6 la semaine prochaine entre deux miches (et je m’occuperai du 7 tiens…). Mais je m’égare.

Vous irez sans doute voir Fast & Furous 5 , vous en prendrez plein les prunelles et moi même je n’ai pas boudé mon plaisir à chaque fois que le film passait enfin la 5e entre deux interminables intermèdes de garage. De même, vous ne serez pas floués sur la confrontation entre « The Rock » et Vin Diesel : elle a bien lieu et les coups pleuvent. Mais au générique de fin (que vous regarderez jusqu’au bout pour son petit twist final…), attendez vous à vous sentir comme à la sortie d’un McDo. C’était bon mais on se sent un peu gras, sale et légèrement honteux. Après tout, pourquoi pas, certains ont l’air d’en redemander. C’est bizarre mais présentement, je pense à ce sketch télé pathétique dans Robocop où un gars à lunette passait son temps à se faire entarter par des bimbos. Et où tout le monde riait.

 

Fast & Furious 5, de Justin Lin. Sortie nationale le 4 mai.

 

End of transmission…

 

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