A prendre ou à laisser (critique de Dix Pour Cent, épisodes 1 et 2)

A prendre ou à laisser (critique de Dix Pour Cent, épisodes 1 et 2)

Note de l'auteur

Les coulisses du showbiz vues par des agents de stars – du grand écran – ambitieux et aux tractations quotidiennes compliquées, c’est en quelques mots le pitch de Dix pour cent, série en très longue gestation. Alors, trip nombriliste ou dramédie au cordeau avec une identité vraie et divertissante ? On penche pour la deuxième solution, sans (double) appel.

Il arrive enfin demain soir, le poids lourd de la rentrée de France 2, fruit du trio Cédric Klapisch (réalisation des deux premiers épisodes et direction artistique), Dominique Besnehard (agent des stars, maintenant producteur) et Fanny Herrero (scénariste ayant œuvré, entre autres, sur Un village français).

Sur le papier, Dix pour cent a tout pour ressembler à un Entourage à la française. C’est même son plus gros risque, non pas dans la vacuité des personnages, mais dans la représentation glamour et volontiers aseptisée par certains aspects de l’industrie du cinéma. Une série chic légère comme une bulle d’air qui se regarde le nombril : courage, fuyons. Rien de tout cela, en réalité : ce n’est pas une série sur « les coulisses » mais bien sur les agents, entraperçus en toute fin du générique. Elle n’a pas de sales habitudes : des guests de luxe qui font « juste un petit coucou » ou l’équivalent franchouillard d’un Ari Gold qui vociférerait contre un stagiaire payé au lance-pierres. On en retrouve, certes, quelques traces dans le comportement impulsif d’Andréa Martel, alias Camille Cottin, sniper de l’impro vue dans Connasse et sa déclinaison grand écran. Ou encore chez Mathias Barneville (Thibault de Montalembert), son pendant froid et très axé business et revenus, ce qui l’amène à se lamenter de la perte d’une proposition hollywoodienne pour Cécile de France, une habituée de la filmo de Cédric Klapisch et guest du premier épisode.

Pour les deux épisodes visionnés, Dix pour cent fuit les mondanités, les festivals de Cannes recréés à Palavas-les-Flots, les avant-premières VIP et le style mockumentaire, autant de choix artistiques qui auraient été des écueils certains. Mais c’est bien à cela que l’on mesure sa réussite : tous ces agents ont des caractères bien trempés et une langue bien pendue, et c’est là la force de la série. Peu importe que le grand public ne connaisse que peu le travail des agents artistiques fuyant les médias comme la peste dans la réalité, à l’exception justement du « guignolisé » Dominique Besnehard : Dix pour cent, c’est d’abord une petite entreprise qui se bat pour ses clients. Les rencontres se font dans des salons, les stars passent incognito… et le résultat fleure bon le vaudeville. Dix pour cent fait fonctionner une séquence de walk and talk avec la nouvelle de l’agence, Camille Valentini (Fanny Sidney), sans s’excuser auprès du cousin américain ni sur le caractère d’exposition qu’elle peut avoir. Et le tour du propriétaire est savoureux, de la pièce à cadeaux jamais récupérés aux « gens de la compta que j’adore » : Dix pour cent ne faiblit jamais en élégance.

Le pari de présenter l’agence ASK comme une famille professionnelle – pour le moment – non dysfonctionnelle est le grand pari de la série. Ici, pas de grandes déchirures à venir malgré les désaccords, ou d’emplois seniors poussés vers la sortie : à ce titre, la « mémoire » de l’agence, symbole de l’imprésario à l’ancienne, Arlette (Liliane Rovère), fait le mieux de ses quelques scènes, mais elle n’est certainement pas là pour jouer les utilités. Elle est même essentielle au deuxième épisode, qui voit une rivalité entre Line Renaud et Françoise Fabian mettre l’agence bien dans l’embarras, avec en jeu un rôle dans un film d’un metteur en scène arty légendaire… et fictif. Si on est circonspect au départ, le thème de la rivalité donne un écrin assez drôle aux deux comédiennes et finit par emporter l’adhésion.

Si on est léger dans les références d’initiés qui feront sourire ceux qui s’intéressent de plus près à l’industrie du divertissement, Dix pour cent ne loupe pas sa cible pour autant, en abordant les thèmes du jeunisme aux relents sexistes pour les actrices dès son premier épisode, en ne restant jamais dans la petite anecdote qui est étendue sur 52 minutes. Sa richesse est simple : dans ses dialogues. Du travail d’orfèvre, tendre où il faut, corrosif en partie, plein d’un pep’s essentiel. Les grands arrangements et les petits mensonges : c’est la matière première des séquences de Dix pour cent, et c’est largement assez pour pouvoir se retrouver au-dessus de la mêlée. Côté récréation pour les stars, on n’est pas encore au niveau d’autodérision d’un Saturday Night Live… et finalement, ce n’est pas plus mal tant le courroux de Cécile de France s’intègre bien à l’épisode sans en faire trop. En tout cas, c’est un marché conclu, qui bénéficie d’une synthèse dans son propos au vu du format (3 petites semaines de diffusion et puis s’en va)… Bref, une franche réussite.

Dix pour cent, saison 1, épisodes 1 et 2. Réalisés par Cédric Klapisch. Créée par Fanny Herrero. Avec Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Grégory Montel, Liliane Rovère, Fanny Sidney.

Le premier épisode est visible en streaming ici.

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