
Absolution ou Damnation (The Exorcist / FOX)
L’horreur a souvent posé problème à la télévision. La forme sérielle, entre variations, répétition et sa longueur, rend difficile la reproduction des schémas de tension et de les maintenir sur la distance. Depuis American Horror Story, la série de Ryan Murphy qui use de l’anthologie pour (re)visiter l’histoire du genre, les exemples se multiplient dans des styles différents. Harper’s Island, Scream Queens, Slasher ou Scream pour les slashers ; The Walking Dead, Z Nation pour les zombies ; Outcast et aujourd’hui The Exorcist pour les séries de possession.
Est-il encore nécessaire de présenter L’Exorciste, le film de William Friedkin, adapté d’un roman de William Peter Blatty et qui a terrorisé toute une génération ? Des images ancrées dans toutes les têtes (celles qui tournent à 180° et vomissent de la purée de petits pois) et qui ont hanté quelques sommeils, des phrases cultes, des scènes hallucinantes, matricielles de tout un genre auquel il est difficile de se mesurer.
Il y a deux vents contraires qui soufflent sur ce premier épisode. L’un venant de l’original, l’autre d’Outcast, diffusée cet été sur AMC. Adaptée du comic book de Robert Kirkman (The Walking Dead), la série est parvenue à tirer son épingle d’un jeu faussé par avance en plongeant dans une Amérique redneck et un glauque expressif. Armée de bonnes intentions, l’adaptation télévisée cherche à recréer le film de Friedkin, tout en essayant l’expansion vers des arcs narratifs supplémentaires ou complémentaires. L’idée est bonne, l’exécution pèche par excès. Plombé par la révérence comme par l’idée de se démarquer, l’épisode se perd entre recréation et proposition originale sans parvenir à se saisir des enjeux et en alignant séquences-chocs maniérées et introspection artificielle.
Si l’on peut reconnaître à ce premier épisode l’envie de ne pas jouer tout à fait la sécurité, il s’écrase sur des tentatives vaines et une architecture bancale où il semble question d’une mutualisation de la possession. L’ensemble déjà pas particulièrement relevé s’affadit, se perd entre une violence calculée, des tics de réalisation grossiers (dans le grenier) et une emphase pompière sursignifiante. Sans l’aridité clinique du film de Friedkin, la version TV n’est qu’un vulgaire morceau d’horreur.
Guillaume

© Chuck Hodes/FOX
Qu’attendre de la « sérialisation » de The Exorcist ? Quand on aime les récits d’épouvante, écrits ou filmés, on enchaîne les déceptions sur petit écran, avec des productions soit complètement fumeuses, à la Hannibal, soit grand-guignolesques du genre American Horror Story. On peut concevoir que chacun ait sa fanbase, mais où est l’horreur, la bonne vieille pétoche collée par les romans de King ou Masterton, quand on est assez idiot pour lire ça avant de dormir ? Celle qui provoque encore un frisson des années plus tard à l’évocation de Ça, de L’Exorciste (le premier film) ou du Silence des agneaux ?
Dans des scènes où la grandiloquence le dispute à l’incohérence ? Dans des jump scares oubliés trente secondes plus tard ? Dans des monstres gentillets ou des ellipses pour garder les choses dans le registre tout public ? Évidemment, non.
Les attentes étant au plus bas sur ce genre de séries, la voie est ouverte aux bonnes surprises. Et de fait, The Exorcist en est une, si on aime les expositions qui prennent le temps de construire les personnages et les situations. Si on préfère une mise en scène sobre avec quelques fulgurances plutôt que des caméras secouées en tous sens et des contre-plongées abusives. Si beaucoup vénèrent le label qualité « années 80 » (mais LOL !), ils oublient souvent que l’efficacité des productions de l’époque tenait en de longues expositions qui forçaient l’attachement aux protagonistes, suivies d’une montée en puissance graduée, avant un dernier tiers de déchaînement et de résolution. Aujourd’hui, il faut généralement coller le spectateur au plafond vite et bien, l’embrouiller dans des intrigues nébuleuses ou lui proposer une sorte de zapping (American Horror Story, dernière saison, The Walking Dead) avec une succession de mini cliffhangers, influencés par les besoins publicitaires.
Dans ce contexte, The Exorcist fait figure de curiosité. Le rythme est lent, avec quelques flash-back pour instiller le suspens, mêlés à des séquences oniriques. Si la narration est près de l’esprit du livre ou du film de Friedkin, presque trop pour le moment, et si l’angoisse se construit doucement hors champ, ce qui est donné à voir s’inscrit dans une sobriété qui se veut réaliste afin que l’histoire ne tombe pas dans le conte d’horreur, mais bien dans le récit d’épouvante. Ce faisant, il intègre notre époque désenchantée et semble se détacher de son modèle en s’opposant parfois à ce qui en a fait la renommée ? Entendez : les têtes ne tournent plus comme hier, tout se perd !
Une question demeure : comment tenir sur la longueur avec un matériau aussi mince ? Une piste : le nombre ! L’enthousiasme n’excluant pas la clairvoyance, on reste quand même dubitatif sur la qualité finale de la série et sa pérennité, et aux détracteurs de la première heure, on n’aura pas l’impudence de demander, dans un clin d’œil : « Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ?»
Ozephe
The Exorcist – Saison 1 – Épisode 1/13
Série créée par : Jeremy Slater
Avec : Geena Davis, Alfonso Herrera, Ben Daniels…
Visuel : © Chuck Hodes/FOX
Ce que je trouve intéressant, c’est cette structure « roman > film > série », qui n’est finalement pas si courante. On pense bien sûr à « Hannibal », et récemment à « The Omen » (je n’ai pas pu finir le premier épisode, pourtant je reste assez fan du film). Mais aussi, plus lointain, « Starman » (mais pas adapté d’un roman, sauf erreur). La série télé n’a pas vraiment marqué les esprits, dans ce dernier cas… Je remarque qu’on reste souvent (toujours ?) dans le domaine du fantastique.