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The Taking of Pelham 1 2 3 (Les Pirates du Métro), de Joseph Sargent : le blu-ray !!!

The Taking of Pelham 1 2 3 (Les Pirates du Métro), de Joseph Sargent : le blu-ray !!!

Oubliez le nanar Travoltaïque de Tony Scott. Le seul, l’unique The Taking of Pelham 1 2 3, alias Les Pirates du métro en VF, c’est celui-là : un bijou de série B suintant le Manhattan des seventies par tous les pores de ses bobines, un thriller malin, humble et qui jamais ne déraille, roulant plein pot sur une voie pavée de gueules en or massif. Disponible en import all zone chez MGM, un blu-ray flambant neuf propose le film dans un format enfin respecté, avec en prime une copie plus qu’honorable. Redécouvrons ensemble cette pépite, accessoirement l’un des films préférés de Tarantino.

Quatre hommes lourdement armés s’emparent d’une rame du métro new yorkais et l’immobilisent dans un tunnel au sud de Manhattan. Ils exigent une rançon d’un million de dollars dans un délai d’une heure sous peine d’exécuter un otage par minute de retard. Le lieutenant Zachary Garber, de la police des Transports, mène les négociations avec le leader du groupe, le très déterminé « Mr Blue ».

On ne peut pas vraiment dire du réalisateur Joseph Sargent qu’il aura marqué l’histoire du 7e art. Vétéran du petit écran, il a officié dans une quantité impressionnante de séries télé cultes des sixties (Les Envahisseurs, Star Trek, Des agents très spéciaux…), mis en boîte du téléfilm par paquets de douze et, au cinéma, quelques panouilles oubliables. A moins, certes, de considérer Les Dents de la mer 4 comme un nanar de sinistre mémoire. Je me souviens aussi de son très inégal film à sketches, En plein cauchemar, sorti chez nous en juin 1984 dans la foulée de La Quatrième Dimension. Mais en 1974, miracle. Touché par la grâce d’un sujet sans fioriture, Sargent signe avec Les Pirates du métro (The Taking of Pelham 123 en V.O) un petit chef-d’œuvre du bois dont on fait les plus nobles séries B. Trente-huit ans après sa sortie, le film n’a rien perdu de son efficacité ni de son charme seventies.

Basé sur un roman signé John Godey (pseudonyme de Morton Freedgood, l’auteur de Johnny Belle Gueule), le scénario de Peter Stone combine les rouages d’un thriller classique mâtiné d’un zeste de film catastrophe (très en vogue à l’époque) et d’une pincée de satire politique. Il faut dire qu’au moment du tournage, fin 1973, le scandale du Watergate a éclaté un an plus tôt, tandis que la ville de New York s’enfonce dans le surendettement et les affaires de corruption. La crise de confiance de l’Amérique envers la gestion par ses édiles de ses grandes villes bat son plein, en particulier à Big Apple, plombée par une dette qui atteindra les 14 milliards de dollars en 1975 ! Via le personnage du maire de New York (dont le film ne cite jamais le nom et que l’acteur Lee Wallace incarne à l’écran), geignard électoraliste ridiculisé par un gros rhume, Les Pirates du métro reflète généreusement cette image désabusée de la politique typique de cette décennie. Ce n’est pas là le moindre de ses charmes. Lesquels vous sautent à la gueule dés les premières mesures du thème jubilatoire de David Shire, trépidant combiné de cuivres méchants et de percussions syncopées, assurément l’un des génériques les plus magnifiques du cinéma des années 70. La suite prend immédiatement le relais dans les rues crasseuses de Manhattan et, sans le moindre temps mort, l’action suit la prise d’assaut ultra-méthodique de la rame Pelham 123 par le gang.

Au fil du trajet du métro, les quatres baddies montent chacun leur tour dans un wagon différent, jusqu’à ce que le chef de gang, Mr Blue (génial Robert Shaw, froid et méticuleux), présenté via un superbe plan séquence en légère contre plongée, s’invite dans la cabine du conducteur. Pour le cinéphile amoureux de ciné velu, c’est la fête. La distribution regorge de gueules au top de leur jeu, à commencer par Walter Matthau dans le rôle du lieutenant Garber, rôle repris par Denzel Washington dans le triste remake signé Tony Scott en 2009. Futé, bourru et sec comme un coup de trique mais non dénué d’humour (comme le film, quoi), Garber n’a rien du héros parfait. En témoigne sa condescendance raciste envers la délégation japonaise venue visiter les locaux de la MTA (Metropolitan Transit Authority), comportement détestable bien vite recadré d’ailleurs lors d’un petit gag linguistique désopilant. Autour de Garber, tous les employés de la MTA respirent New York à plein pif. De l’irascible et grossier mais courageux Dolowicz (Tom Pedi) au décontracté lieutenant Rico Patrone (Jerry Stiller) en passant par le collègue rival Frank Correll (Dick O’Neill), tous vocifèrent, jurent et maugréent pour le plus grand bonheur de nos oreilles bercées par leurs tirades fleuries. Pas étonnant que Les Pirates du métro ait autant tapé dans l’œil de Tarantino : outre son feeling seventies pur jus, son casting charnu, sa réal’ qui claque et ses idées cool (des couleurs pour les noms de code des vilains, gimmick repris dans Reservoir Dogs), le film enquille les répliques gouleyantes à souhait. Témoin, lorsque Robert Shaw dévisage un Noir sur le quai de la 28e rue au début du film, l’intéressé lui dégaine un « C’est quoi ton problème ? T’as jamais vu un coucher de soleil ? » aux frontières de la poésie. Ou encore le « Comment voulez-vous diriger un réseau ferroviaire sans jurer ?? » de Donowicz à une collaboratrice choquée.

Du côté des salopards entourant Mr Blue, le casting réserve aussi trois beaux chéris de ces geeks : Hector Elizondo (Les Indésirables et future star de la série Chicago Hope) dans le rôle du pervers et chaud de la gâchette Mr Grey ; Martin Balsam dans celui de Mr Green ; Earl Hindman, alias Mr Brown. Très subtilement, au détour de quelques dialogues, le film lève un petit coin de voile sur le passé des truands, dont celui de colonel mercenaire pour Blue (IMDB, tu t’es trompé sur son patronyme au fait…c’est Ryder pas Gryer !) ou de mafieux psychopathe pour Grey. Un autre chéri de ces geeks, typiquement new yorkais lui aussi, a été recruté pour incarner Warren LaSalle, l’aide de camp pragmatique du maire : Tony Roberts, vieux complice des meilleures années de Woody Allen (et notamment inoubliable Rob dans Annie Hall). A travers son personnage, le film développe une sous-intrigue sur l’incurie des autorités publiques new yorkaises, incapables de coordonner correctement leurs différents services pendant la prise d’otages. Enfin, dans la peau du chef Daniel, les fans de blaxploitation auront reconnu Julius Harris, qui a trimballé sa carcasse dans plusieurs titres clé du genre (Les Nouveaux exploits de Shaft, Super Fly, Black Caesar…). Tout au long de ses 105 minutes sans tunnel de blabla, The Taking of Pelham 123 ne se départ jamais d’une certaine décontraction, tout en évitant soigneusement la station « bouffonnerie ». Les preneurs d’otage sont déterminés, la poudre parle et la mort, quant elle frappe, le fait sans clin d’œil. Grandiose dosage !

Electrisé à mi parcours par une course folle en voiture dans le lower Manhattan, Les Pirates de métro offre aussi de magnifiques plans sur les artères de la ville, éclairés par Owen Roizman, l’un des chef opérateurs urbains les plus emblématiques des années 70 (French Connection, L’Exorciste, Les Trois jours du Condor, Network…). Enfin, le récit se clôt sur un final anti-spectaculaire au possible mais d’une délicieuse habileté dans sa façon de soudainement exploiter l’ironie d’un running gag a priori innocent tout au long du film. Arrivé à son terminus sans jamais s’être perdu, The Taking of Pelham 123 mérite à tout prix de ne jamais s’effacer de vos mémoires pour toutes ces qualités aujourd’hui trop rares dans le cinéma d’entertainment : carré, humble et, sous sa facture de série B teigneuse, profondément attachant. Joseph Sargent, que votre serviteur a eu le plaisir d’interviewer en 2006 lors du festival de Monte Carlo, se souvenait d’un tournage tendu, en raison surtout des craintes de la MTA que le sujet ne donne des idées à de vrais terroristes. Il avouait aussi sa fierté du film, de très loin le meilleur boulot qu’il ait jamais accompli derrière une caméra. Le vieil artisan a aujourd’hui 87 ans. Lorsqu’il rejoindra le paradis des réalisateurs, le grand public ne lui fera sans doute pas des adieux de première classe. Il n’en saura même probablement rien, tout comme la plupart des cinéphiles. Mais ne serait-ce que pour cet épatant thriller vintage si loin de la frime et de la médiocrité de tant d’autres produits actuels, rappelez vous bien du nom de son responsable. Il s’appelle Joseph Sargent. Et son coup de génie fut Les Pirates du métro.

 

The Taking of Pelham 123, de Joseph Sargent. Disponible en blu-ray import all-zone chez MGM. Copie correcte. Supplément : bande-annonce.

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