
Adapter un manga en jeu vidéo : Arslan
En début d’année sortait dans les bacs le beat’em all d’action Arslan: The Warriors of Legend. Adapté du manga à succès Les Chroniques d’Arslân (dessiné par Hiromu Arakawa, de Full Metal Alchemist), le titre n’est que l’une des nombreuses adaptations des multiples histoires que nous offrent les studios japonais et qui rencontrent un certain succès chez nous. Mais comment sont fabriqués ces jeux ? Comment ça se passe pour retranscrire ce type d’univers en termes de gameplay ? Nous avons posé la question à Shigeto Nakadai, le producteur du jeu Arslan: The Warriors of Legend, édité chez Koei Tecmo Games.
DAILY MARS : Le public français vous connaît peu. D’où venez-vous ?
Shigeto Nakadai : Bonjour à tous ! Je m’appelle Nakadai Shigeto de Koei Tecmo Games. J’ai travaillé sur un certain nombre de titres d’Omega Force de la série Dynasty Warriors. J’étais par exemple directeur sur le jeu Warriors Orochi 2 ainsi que sur l’appli pour smartphone Dynasty Warriors Blast (disponible uniquement au Japon). Je suis aussi le producteur d’Arslan: The Warriors of Legend.
Pourquoi avoir choisi d’adapter ce manga-ci plus particulièrement ?
S.N. : Arslan est comme vous le savez, une saga littéraire de Yoshiki Tanaka* qui se déroule dans un monde évoquant la Perse du Moyen Âge, ce qui lui donne un cachet et une personnalité particulière. J’en suis personnellement fan depuis mes années de collège, et notamment de son casting de personnages très originaux.
Ces romans ont ensuite été adaptés en manga par la célèbre Hiromu Arakawa, et ce manga fut lui-même adapté en série animée en avril 2015. L’éditeur du manga, Kōdansha, nous a alors approchés pour voir s’il n’était pas possible de prolonger encore l’expérience en réalisant une adaptation en jeu vidéo, ce que nous avons accepté.
Comment ça se passe en général pour adapter un manga en jeu vidéo ?
S.N. : Je pense que cela dépend des développeurs et de chaque maison d’édition. J’aurais en outre du mal à vous faire une réponse générale car tout dépend du genre du jeu que l’on souhaite réaliser. Pour Arslan: The Warriors of Legend, nous avons pris une base de Dynasty Warriors avec son style d’action si particulier, et avons pris en compte les spécificités du manga, à savoir de grandes batailles épiques de cavalerie, pour les y intégrer. Il s’agissait de donner au joueur l’impression qu’il ressentirait l’ambiance de la guerre à grande échelle comme dans l’œuvre originale ; c’est pourquoi nous avons choisi d’insister sur ces combats grandiloquents. Nous avions aussi une autre contrainte, celle d’être raccords avec l’univers du dessin animé ; nous avons donc choisi de prendre une direction artistique la plus fidèle possible, ce qui nous a amenés logiquement vers le choix graphique du toon shading. Je dirais donc que le principal challenge lorsque l’on adapte un manga en jeu vidéo, c’est bien de rester le plus fidèle possible au matériau d’origine afin de satisfaire les fans.
C’est lorsque nous sommes parvenus à finaliser le “Mardan Rush”, qui permet au joueur de sentir toute la puissance d’une armée entière se jeter contre l’ennemi, que je sentais que nous approchions du but. Mais il ne s’agit là que de la partie gameplay du jeu. Nous avons eu énormément de choses à refaire du côté du déroulement de l’histoire et des différents éléments du scénario. Je pense que nous avons refait des prises jusqu’au jour où on est passés gold. (Rires)
Quels genres d’échanges avez-vous eu avec les propriétaires de la licence ? Juste « Cette partie est ok/pas ok » ou vous ont-ils fait des suggestions ?
S.N. : Je dirais que notre collaboration a surtout porté sur la fourniture de documents nécessaires à notre travail, ainsi que de conseils en général sur la direction à prendre sur le contenu du jeu. Nous avons eu de très sérieuses discussions concernant les thèmes abordés par l’œuvre ainsi que la manière dont cela devait se retranscrire dans le jeu, que ce soit au niveau des combats, mais aussi du déroulement de l’histoire bien entendu. Nous avons eu aussi la chance de pouvoir utiliser des illustrations et du matériel graphique original de la série tv pour réaliser nos graphismes, car le développement du jeu avait lieu en même temps que la production de la série animée.
Si vous me demandez à quel point l’éditeur s’investit dans une adaptation de ce genre, je vais vous donner un exemple concret pour vous aider à mieux cerner la répartition des rôles. Par exemple, nous avons eu des remarques sur la façon dont nous devions inclure ou non des aspects surnaturels dans le jeu ; sur les poses des personnages, comme la manière dont Farangis devait porter son arc ; ou encore comment nous devions adapter les noms des modes de jeu tels que le mode histoire ou le mode combats, en utilisant les termes particuliers au monde d’Arslan. Par contre, pour tout ce qui concernait le côté ludique et gameplay général du jeu, nous avions la totale confiance de l’éditeur.
Pour vous personnellement, quand vous travaillez sur un jeu, quel est votre process, quelles sont vos petites habitudes ?
S.N. : Il n’y pas jamais de « quand ». Dès que je repère quelque chose qui me semble amusant, je m’y intéresse et fait des recherches en ce sens, puis j’essaie de m’amuser avec.
Lorsque je joue à un jeu vidéo, ma préoccupation première est de ressentir de l’amusement. Quelle que soit la réputation d’un jeu, il pourra selon les personnes être distrayant ou ennuyeux. On ne dirait pas comme ça, mais il est extrêmement difficile de comprendre parfaitement le potentiel ludique d’un jeu quel qu’il soit à 100% du premier coup. Si je sens qu’un jeu n’est pas pour moi, je vais rapidement lâcher la manette, vous voyez. Mais si je sens quelque chose, et que j’ai ressenti un peu de plaisir, je vais creuser, et chercher à savoir ce qui m’a plu dans ce titre, en chercher les points forts, tout en recommençant une partie. J’ai toujours aimé les jeux vidéo, et y travailler aujourd’hui est une extension de cette passion, il n’y a aucun doute là-dessus.
Pour ce qui est de mes inspirations, ce n’est pas quelque chose qui me vient lorsque j’en ai conscience… Je pense que le plus important, c’est d’être curieux et de s’intéresser à de nombreuses choses. Si l’on prend Arslan: The Warriors of Legend en exemple, le fait que j’ai été fan du roman et que je l’ai lu il y a un certain temps m’a permis d’y investir un certain ressenti. Je suis toujours à garder mes « antennes » à l’affût de tout, et je veille à rester curieux, car n’importe quelle expérience sera forcément utile un jour ou l’autre dans mon travail.
Vous avez fait le choix d’adapter le jeu pour l’Europe, ça doit être compliqué et revenir cher, non ?
S.N. : Étant donné que le dessin animé était déjà diffusé à l’étranger, il me semblait logique que des fans occidentaux d’Arslan existent, et soient donc intéressés par le fait de retrouver leur série sous forme de jeu vidéo. Bien entendu, localiser un jeu présente toujours quelques difficultés, mais nous pensons que les fans de Dynasty Warriors ainsi que les fans d’Arslan méritent ces efforts afin de jouer à ce titre qui, j’en suis certain, leur donnera satisfaction.
Pour ceux dont la curiosité a été piquée, vous pouvez retrouver Arslan: The Warriors of Legend chez votre revendeur jeux vidéo (disponible sur Playstation 4 et Xbox One). L’anime Les Chroniques d’Arslân est, quant à lui, disponible en simulcast sur Wakanim TV : Arslan et le manga distribué par Kurokawa (le tome 4 est disponible depuis le 10 mars 2016, Critique Arslan tome 4).
* Le roman de Yoshiki Tanaka est édité en France par Calmann-Levy.
Copyright ©2015 Hiromu Arakawa, Yoshiki Tanaka・KODANSHA/ “LEGEND OF ARSLAN”
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Traduction : Grégoire Hellot