Ainsi soient-ils, Une Fin en Etat de Grâce

Ainsi soient-ils, Une Fin en Etat de Grâce

Ainsi furent-ils ! Après une ultime saison – diffusée au pas de chargeAinsi soient-ils s’en est allée pour rejoindre directement le paradis des grandes séries dramatiques françaises. Voici pourquoi la série prêchait la bonne parole.

Prise de risque. Lorsqu’elle débute en 2012, le contexte est sensiblement le même qu’aujourd’hui : proposer sur le PAF une série, qui n’est ni une comédie ni un polar, s’apparente à un sacré pari. Et justement, Nicolas Robert n’écrivait-il pas ici-même : « proposer une plongée dans l’univers du Séminaire, développer une fiction sur un groupe de prêtres en devenir, c’était un peu vouloir changer l’eau en vin. »

C’est pourtant le défi que relèvent Bruno Nahon (producteur), Vincent Poymiro et David Elkaïm (scénaristes) ainsi que Rodolphe Tissot (réalisateur). Plutôt que de remettre en question des croyances, le quatuor préfère éclairer celles et ceux qui ont fait le choix de croire. Ce choix d’enjeu constitue la clé de voûte d’Ainsi soient-ils. Elle va conditionner une série qui saura merveilleusement élever la sincérité de ses personnages.

©Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

©Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

Du reste, les critiques qui accompagnaient le lancement de la série se sont nettement apaisées. Le temps pour chacun de comprendre que le regard objectif et sans concessions des auteurs sur l’Eglise et la religion savait s’effacer derrière leurs protagonistes. En trois chapitres, les séminaristes ont d’abord envisagé leur engagement, puis l’ont mis à l’épreuve avant, pour terminer de le mettre en pratique sur le terrain. Plus que leurs certitudes, c’est paradoxalement leurs doutes qui ont emporté notre affection tout au long d’un chemin parsemé d’embûches.

Incarnation. Les débuts de la série nous auront permis de mesurer l’ampleur de ses ambitions. A l’image de leurs personnages, les jeunes acteurs de la distribution sont apparus hésitants. Alors qu’ils étaient pourtant entourés par les performances solides des expérimentés Thierry Gimenez (Père Bosco) et Jean-Luc Bideau (Père Fromenger), les séminaristes formés par Julien Bouanich (Yann), David Baiot (Emmanuel), Clément Manuel (Guillaume) et Clément Roussier (Raphaël) rencontrèrent des difficultés pour convaincre, tiraillés entre deux vies, au fond presque entre deux personnalités.

Mais tous ne tâtonnaient pas. Samuel Jouy, dans le rôle de José, aura été irrésistible dès ses débuts, bien aidé il est vrai, par un rôle sensiblement plus entier et dramatique que ses camarades.
De manière générale, le travail de Rodolphe Tissot à la mise en scène aura su privilégier les acteurs. Avec une belle photographie et sans maniérisme, Ainsi soient-ils peut s’enorgueillir d’avoir su dresser un tableau spontané, authentique et complètement dédié à ses personnages.

A ce titre, cette saison 3 aura éclairé d’un halo de lumière un personnage inattendu. Introduit comme celui qui rétablira les comptes de la conférence des évêques de France, sa naïveté couplée à une simplicité communicative auront d’abord amusé puis conquis le téléspectateur. Monseigneur Poileaux – interprété par Jacques Bonnaffé – fut un personnage archétype de la série. A la fois sûr de ses convictions et indécis quant à la marche à suivre, il aura grandi au fil des épreuves pour finalement se poser les bonnes questions.

© Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

© Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

Emprise. Car c’est la grande force d’Ainsi soient-ils. Sa capacité à s’approprier des enjeux de société quelle que soit leur gravité, bien au-delà du seul contexte religieux et ce avec une facilité déconcertante. De Plus belle la vie à Fais pas ci, fais pas ça, la production française s’est souvent offert divers clins d’œil d’actualité. Avec Ainsi soient-ils, les auteurs sont allés plus loin en plaçant leurs personnages au cœur des situations. La série s’engageait notamment sans retenue sur la question de la manif pour tous ou livrait une immersion pertinente au côté des sans logement. On imagine même qu’une saison supplémentaire aurait permit d’évoquer la question des migrants et l’accueil des réfugiés.

En se gardant bien d’adopter des postures trop partisanes, la série n’aura pas toujours su s’emparer des débats qui lui tendaient les bras. Lorsque les séminaristes suivent un cours de philosophie – en saison 1 –, ils déclenchent l’opposition d’un groupe d’étudiants laïques et libertaires. Le débat qui s’engage, aussi animé soit-il, est alors potentiellement exaltant. Pourtant, il tournera court avec une prise de parole – éloquente, il est vrai – de José.

©Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

©Mathieu LACOTE / Nathalie MAZEAS / ARTE

Par contre, Ainsi soient-ils excelle lorsqu’elle évoque les grandes préoccupations actuelles. Il est notamment fascinant de constater comment elle aborde ces sujets avec simplicité, en multipliant les points de vue. Lorsque Guillaume est confronté à l’avortement de sa sœur (saison 1), il finit par l’accompagner à son IVG. Inversement, le père Bosco envisage la médecine non conventionnelle avec bienveillance (saison 2) avant de se braquer lorsqu’il constate ses bienfaits.
Durant trois saisons, la série s’empare d’enjeux aussi variés que l’exclusion, les sexualités, l’intégration, les préjugés de toute sorte, la réinsertion. Complètement décomplexée, elle aborde même, cette saison, le périlleux sujet d’un prêtre pédophile et désamorce tous les écueils pour approcher ce drame avec justesse et toute l’objectivité nécessaire.

Avec un ensemble de personnages inspirés et attachants évoluant dans un univers social réel et cohérent, la série est un formidable exemple à suivre, à même d’invoquer de nombreuses adeptes.
Nous disons donc adieu à Ainsi soient-ils, mais ce n’est pas une fin sans issue. C’est une fin qui montre la voie à suivre. Futures séries françaises, ainsi seront-elles !

(ARTE) 3 saisons de 8 épisodes chacune
Scénario : Vincent Poymiro et David Elkaïm sur une idée de Bruno Nahon
Réalisation : Rodolphe Tissot
Production : Bruno Nahon, Philippe Delest pour Arte France et Zadig Productions en collaboration avec AVRO et TV5 Monde et BackUp Films
Intégrale disponible en DVD chez Arte éditions

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