
Alix – Le Dieu sans nom de David B et Giorgio Albertini
Dépaysement garanti pour le 39e rendez-vous du héros enfanté par Jacques Martin en 1948. Comme d’habitude, Alix va se couper en quatre pour porter les volontés du divin Cesar. Et comme d’habitude, il devrait y arriver. Entre? Un sacré bout de chemin et une aventure parmi les plus réussies des dernières sorties dans cette série qui a ouvert la voie, il y a plus de 70 ans, à la BD historique.
L’histoire : aux confins du monde connu, Alix est envoyé par Cesar pour convaincre les Sarmates de s’allier aux Romains pour combattre les redoutables Parthes. Dans les steppes de l’Oural, le missi dominici, accompagné par son fidèle Enak, va découvrir des peuples singuliers dont certains sont anthropophages et retrouver de vieilles connaissances. Pour la la gloire de Rome.

Mon avis : Ce 39e opus de la série iconique, lancée par Jacques Martin, est un des plus accomplis des derniers Alix. On en est fan. Déjà, parce qu’il nous emporte dans des territoires et des coutumes qu’on n’a pas l’habitude de côtoyer avec le héros gallo-romain. Un peu plus à l’Est pourrait-on emprunter à rebours au professeur Tournesol et à son pendule. Avec comme point de départ, feue Panticapée, aujourd’hui en Ukraine. Ensuite, de très longues chevauchées dans la steppe qui mène au Caucase et au Nord de la Scythie. Bref, n’hésitez pas à emporter avec vous un bon Guide du routard.
Cela vous aidera également à ne pas vous méprendre quant aux différentes peuplades rencontrées. Avec le clou du spectacle par les Androphages qui écument la région entre le Dniepr et le Don. Sympathique société de nomades qui se tortorent les ennemis vaincus avant d’honorer leur Dieu sans nom avec leur sang. Plus avant-gardistes, les Sarmates qui considèrent les femmes comme les égales des hommes au combat. Ce qui ne manque pas d’étonner ces rétrogrades d’Alix et Enak…

Pas mal de découvertes, donc, mais aussi des retrouvailles avec les deux héroïnes de Veni vidi vici, le 37e rendez-vous des Alix, Personne et Callisto, toujours aussi barrées. Ce qui fait grand plaisir et de grandes sensations à Enak qui ne peut s’empêcher de coller ses lèvres à la deuxième nommée quand il la retrouve sous une tente. C’est une des signatures du duo David B – Giorgio Albertini qui rend ces héros beaucoup plus humains, donc plus enclins à laisser vivre leurs pulsions. Bon, pour la géante, on n’est pas dans le même registre, la gaudriole, très peu pour elle, la conquête de son monde, en revanche, ça la concerne. Elle part en quête d’un improbable cheval gigantesque qu’aurait aperçu la tribu des Melanchènes vers le bord du monde, mais pas Jean-Luc. Ensuite, et seulement ensuite, elle pourra prendre un nom, et comme Alexandre le Grand, conquérir la planète. Vœu pieux partagé par le pater familias d’Alix, le grand Cesar. Le rôle des femmes est particulièrement mis en valeur dans ce numéro.
Il n’est pas simple de tenir le pavé dans des séries qui s’étirent de la sorte depuis plus de 70 ans. Le pari est largement réussi pour Le Dieu sans nom où on a l’impression que le genre est renouvelé et où on ne s’ennuie pas. Même si le fil conducteur demeure : Alix, y kiffe trop Cesar !

En accompagnement : Misère de IAM, le slam puissant des papas Shurik’n et Akhenaton, « Mon nom est personne ».
Si vous aimez : habiter dans une yourte avec plein de bons conseils sur le site yourtes.net.
Autour de la BD : c’est la deuxième incursion Pierre-François Beauchard, aka David B, dans la série après le numéro des 70 ans, 37e du nom. Il alterne avec Mathieu Breda. David B est un auteur protéiforme et surtout un bourreau de travail qui est présent dans nombre d’aventures.
Giorgio Albertini l’accompagne à nouveau au dessin, lui qui travaille au scénario pour Chronosquad. Le trait clair est fidèle à la lignée des Alix.

Extraits : « Bravo Enak? Tu interromps ma conversation avec cette guerrière pour tes histoires de pain. »
« Mais j’ai faim, moi, et je mange toujours du pain lors du repas. Et alors, cette fille te plaît, c’est ça ? »
« Contente-toi de ce qu’il y a. Quant à cette guerrière, il me semblait important de parler avec elle dans l’intérêt de notre mission! »
« Ou de ce qu’elle a sous sa jupe. »
« ENAK ! Elle s’appelle Amagé et elle porte des pantalons ! Je suis en mission! »
« Lorsqu’il était en mission auprès du roi de Bithynie, César savait joindre l’utile à l’agréable! »
« ENAK ! Je t’interdis de colporter ces rumeurs infâmes. »
Écrit par David B
Dessiné par Giorgio Albertini
Édité par Casterman