
#Analyse Le Système Judiciaire dans Bull et Conviction
Ces deux nouveautés ne brillent pas par leur originalité et pourtant, elles dessinent un portrait intéressant du système judiciaire américain. Bull et Conviction entraînent le spectateur dans un monde où l’idée d’un tribunal comme lieu de justice est remplacée par un point de vue plus cynique ou bien moins romantique. Malgré une posture trop exclusivement positive pour être tout à fait honnête, observons les convergences des deux séries sur le terrain procédurier.
Bull et Conviction partagent une même idée de « refaire » mais sur deux lignes temporelles distinctes. Dans la première, diffusée sur CBS, nous pouvons observer une reconstitution en parallèle avec l’emploi d’un jury miroir, censé anticiper les décisions de l’original. Dans la seconde, diffusée sur ABC, l’équipe de Hayes Morrison (Hayley Atwell) tente de réparer d’éventuelles injustices en effectuant une nouvelle enquête après la condamnation de l’accusé.
Dans les deux séries, refaire, c’est réparer. Rétablir un équilibre juste, remettre de l’ordre dans le monde, sur le moment ou a posteriori. Un programme noble et plein de bonne volonté mais qui montre les limites de ces deux séries. Au moment d’écrire ces lignes, nous avons pu voir cinq épisodes de Bull et six de Conviction et jusqu’à présent, elles n’ont cessé de prendre le parti du juste. Elles ne se mettent que trop rarement en danger, posent des cas de conscience finalement trop sages pour être convaincants (mention à Conviction qui tentera de bousculer un peu ses lignes 1×03 : Dropping Bombs, 1×06 : #staywoke). Bull se place systématiquement du côté de l’accusé (et innocent, bien sûr), Hayes Morrison n’a révisé que des erreurs judiciaires.
Excès de timidité, de stabilité, de prudence, les deux séries se prennent au piège de leur propre formule mais parviennent, à force de répétition positive, à poser un regard guère enjolivé sur la justice américaine. Au-delà de la frustration de regarder une fiction trop sage et manquant d’audace, il y a la vision acide du milieu judiciaire, entre désacralisation et imperfection :
- Bull démontre que la psychologie est une arme presque plus redoutable qu’une enquête ou des preuves. De la sélection du jury à l’exploitation de son côté girouette, il est moins question de justice que de spectacle. Tout, dans le tribunal, devient mise en scène, storytelling, chose que l’on avait déjà pu observer dans la série anthologique produite par Ryan Murphy, American Crime Story : The People Vs. O.J. Simpson.
- Pour Conviction, le tribunal est un enjeu politique et la justice, un organe perfectible soumis à une expertise. On y débusque l’erreur humaine, la corruption, les trajectoires bancales. Le système judiciaire n’est plus juste mais il se réordonne sous l’impulsion d’un examen extérieur, un œil neuf et impartial. Il y a l’idée d’une restauration, comme on rénove un monument pour lui redonner son éclat. Il règne également le constat amer d’une mécanique grippée, soumise à des pressions contraires à ses principes.
Avec leurs armes respectives, Bull et Conviction condamnent les visions romantiques des fictions judiciaires. La série de CBS va jusqu’à offrir une approche cynique où les notions de coupables et d’innocents importent moins que la capacité à sélectionner/manipuler un jury. Dommage que toutes les deux se présentent sous leur meilleur profil, sans essayer de gratter le vernis, quitte à se rendre désagréable auprès du spectateur. Malgré elles, perdure la fausse vérité qu’une série de network est sage et inoffensive car soumis aux diktats publicitaires. Il y avait pourtant matière à déraciner ces mauvaises convictions, à les dissoudre pour mieux révéler une force sous-jacente, laissée à l’état embryonnaire. Bull et sa justice spéculative, Conviction et son exploration de la société américaine par le prisme d’un système défaillant demanderont peut-être plus d’épisodes pour affirmer une position (la force des formula show s’exprime mieux sur la longueur), même si ABC a condamné Conviction.