
#Analyse : Liam Gallagher VS Foo Fighters – À la poursuite du Sergent Poivre
Nous vous en parlions il y a peu, Sgt.Pepper’s Lonely Heart Club Band a récemment fêté ses 50 printemps, l’occasion pour de nombreux artistes de se souvenir à quel point les Beatles ont influencé leur propre musique. Deux albums parus coup sur coup ces dernières semaines ont cependant poussé le bouchon un peu plus loin en assumant complètement leur héritage liverpuldien, l’un de manière prévisible, l’autre d’une façon un peu plus surprenante ! Étude comparative.
À ma droite dans le coin Union Jack, le régional de l’étape, Liam Gallagher, 45 ans, ancien chanteur d’Oasis et de Beady Eye, avec son premier album solo As You Were. À ma gauche dans le coin bannière étoilée, les Foo Fighters emmenés par l’incontournable et omniprésent Dave Grohl (ex Nirvana), avec leur nouvel opus Concrete and Gold. Let’s get ready to rumble !
Afin de clarifier d’entrée de jeu la situation, votre serviteur a énormément apprécié les deux albums, il ne s’agit pas ici d’en démolir un au profit de l’autre. Il n’en reste pas moins que l’un d’entre eux tire son épingle du jeu d’une manière bien plus éclatante et, osons le dire, plus authentique que l’autre…
Commençons par le Concrete and Gold des Foo Fighters. Avec son ouverture en mode épique (T-Shirt), alternant passages acoustiques, chœurs stratosphériques et riff saignant à souhait, le groupe annonce la couleur, on va s’en prendre plein les étagères à mégots ! La production est à l’avenant, c’est du léché comme il faut, pas un décibel qui dépasse.
Run confirme la tendance avec une certaine classe, même les saturations se voulant un poil crades rentrent dans le rang, donnant à l’ensemble une impression de perfection soulignée par la qualité de la composition parce que, soit dit en passant, cette chanson est probablement l’une des meilleures jamais écrite par le groupe.
Des moments de grâce comme cela, Concrete and Gold en regorge, de The Sky Is a Neighborhood à Arrows en passant par The Line, on retrouve les Foo Fighters à leur meilleur niveau… Sauf que.
Sauf que dès l’écoute de Happy Ever After (Zero Hour), on a du mal à retenir un petit sourire. Hello ? Paul McCartney au téléphone, il voudrait savoir s’il peut récupérer les droits de Blackbird et de She Came In Through the Bathroom Window ? Dis donc ça tombe bien, il est dans la pièce à côté en train d’enregistrer les parties batterie de Sunday Rain (qui, paradoxalement, sonne Lennon en diable !) Il y a hommage et il y a plagiat, et là on est clairement dans la zone grise, même avec la bénédiction de l’ex-Beatle en chef.
De la part de Liam Gallagher, la référence aux Fab Four est moins surprenante, près de dix huit ans de carrière avec Oasis nous ayant déjà mis au parfum des goûts musicaux du petit gars de Manchester. Mais désormais privé de l’ombre à la fois oppressante et sécurisante de son grand frère Noel, songwriter de génie s’il en est, Liam Gallagher se doit de prouver qu’il n’est pas seulement l’ancienne voix de l’ex plus grand groupe du monde pendant une bonne décennie.
Pari gagné dès les premières mesures de Wall of Glass, premier extrait de l’album et single imparable qui se permet le luxe d’enterrer sans cérémonie la plupart des récents succès du frangin cité plus haut, atteignant sans le moindre doute la qualité qui fit d’Oasis le groupe phare de toute une génération. Et ce n’est que le titre d’ouverture…
En quinze titres, le taciturne mancunien réalise presque un sans faute, alternant rock sans concession (Greedy Soul, I Get By, Doesn’t Have to Be This Way), ballades aux mélodies somptueuses (When I’m In Need, Chinatown, l’incroyable Paper Crown) et brit pop millésimée (You Better Run, For What It’s Worth, Bold) sans jamais donner l’impression de suer une goutte.
Certes, l’ombre des quatre de Liverpool plane toujours avec insistance sur ce As You Were, dans les mélodies comme dans certaines des paroles, mais jamais Liam Gallagher ne tombe dans l’autoparodie ou le vulgaire copié-collé. Si ça sent les Beatles et que ça a le goût des Beatles, c’est probablement parce que l’esprit qui anime le chanteur britannique vient du même endroit, du même monde. Pas besoin de se forcer à imaginer l’odeur de la Mersey River quand on a grandi à Manchester !
Et c’est bien là la grande différence entre le nouvel album des Foo Fighters et celui de Liam Gallagher. S’ils sont chacun très réussi, celui du Britannique se déguste comme une bonne cask ale au cœur d’un pub bondé alors que celui des Américains se rapproche plus d’une bière sans alcool avalée sans passion à la terrasse d’un resort confortable avec vue sur l’océan pacifique.
En voulant enregistrer « leur » Sgt.Pepper, les Foo Fighters signent un album techniquement parfait mais trop lisse, sans aspérité, aux ambitions dénuées de la moindre prise de risque, un peu comme ces albums des Red Hot Chili Peppers que l’on écoute par hasard en soirée en se demandant « tiens, c’est lequel déjà ? » tant ils se ressemblent tous. À l’opposé, As You Were nous délivre un tout autre message… Brut, sans fioriture, l’album de Liam Gallagher transpire la sincérité et porte comme un étendard l’esprit d’un rock anglais populaire au sens premier du terme.
Au final, ces deux albums il te faudra écouter jeune padawan, mais si tu es un tant soit peu comme l’auteur de ces lignes, c’est celui de Liam Gallagher qui tournera le plus souvent sur ta platine au bout d’un certain temps ! God Save The Queen !