
Re-Anime: La Déchéance d’un Homme (de Morio Asaka)
Par les temps qui courent, avec la crise, le terrorisme, la misère, on est tenté de vouloir s’évader, de s’oxygéner l’esprit, de regarder des choses légères. Pour le Re-Anime du jour, j’ai fait tout le contraire et me suis lancé dans le visionnage de La Déchéance d’un Homme, une plongée dans la psyché dérangée d’un jeune homme suicidaire… Et grand bien m’en a pris!!! Vous allez voir, ça va être l’éclate!
Sorti en 2009, La Déchéance d’un Homme est l’adaptation du livre éponyme de Osamu Dazai. Véritable figure de la littérature japonaise du XXème siècle, la majorité de ses écrits s’appuie sur un style plein d’ironie, de pessimisme et d’idées morbides, le suicide étant pour lui une véritable obsession. Voilà, donc un personnage plein de joie de vivre… Le studio Madhouse avec la série des Aoi Bungaku Series, se lance donc dans l’adaptation de bouquins, six histoires tirées d’ouvrages, réparties sur douze épisodes. Premier constat, Madhouse fait encore du très beau travail, avec une production léchée pour un résultat osé. Les gars du studio se sont quand même dit, on va faire un film sur l’aliénation, la dépression et les pulsions de mort! Et ils l’ont fait!
Le Japon au début des années 30… Yôzô s’est toujours senti rejeté et complètement aliéné. Du coup, pour trouver sa place au milieu des autres et pour exister, il s’est inventé un personnage, celui du bouffon de service. A la maison, point de réconfort, puisque projetant de devenir dessinateur, il est complètement désavoué par son père. Bref, Yôzô il est pas super en confiance et en lui se développe une part d’ombre. Un jour, il rencontre une femme dont le mari est en prison, et ses deux âmes complètement paumées et esquintées par la vie, vont prendre des cachetons et aller se jeter du haut d’une falaise. Seul survivant, Yôzô est alors accusé d’avoir déguisé un crime passionnel. Alors déjà qu’il était pas très stable, le voilà rongé par le doute et la culpabilité. Malgré ses tentatives pour reprendre le contrôle et avancer dans la vie, il est constamment rattrapé par ses démons.
Alors oui, OK, je vous l’accorde, dit comme ça, c’est pas franchement vendeur. Mais Morio Asaka parvient cependant à nous accrocher avec une réalisation inspirée. On est d’ailleurs pas si surpris de le retrouver sur un tel projet puisque il s’était déjà frotté à des thématiques similaires dans la série Gunslinger Girl. En restant au plus près de son personnage, il s’immisce dans son esprit et nous invite à contempler la perdition plus que la déchéance d’un homme. Un homme en proie à des visions parfois glaçantes, dévoré par le spleen et l’alcool. Asaka aborde son sujet avec beaucoup de maturité dans le traitement et nous balance un film profondément déstabilisant. Dans ce Japon en pleine crise socio-économique, chacun tente de trouver sa place et Yôzô cherche toujours la sienne. Les femmes qui croisent son chemin sont autant d’anges rédempteurs, autant de bouées de sauvetages pour lui. De bouffon, il devient amant, père, mari et ces nouveaux rôles lui permettent d’exister aux yeux des autres. Ses diverses tentatives de se prouver à lui-même qu’il n’est pas un monstre sont anéanties par une réalité parfois rude comme dans l’une des dernières scènes.
Le film surprend par son sujet, par son ton et brille sur le plan technique. Comme je le disais en début, Madhouse est au niveau de ce que l’on est en droit d’attendre du studio. Le dessin est fin et précis et l’animation est fluide. On reconnait au passage le chara-design si subtil de Takeshi Obata (Death Note). La bande-son entre jazz et électro renforce une ambiance et apporte une réelle intensité à certaines scènes. En fait tout semble concorder dans ce film crépusculaire, sombre et fascinant. Sans jamais faire preuve de voyeurisme ou de jugement, Morio Asaka regarde cet être se débattre et survivre quand il ne souhaite pas mourir. Ça faisait longtemps qu’on avait pas été bousculé comme ça!
La Déchéance d’un Homme de Morio Asaka (2009) – Madhouse