Arctic : polaire express

Arctic : polaire express

Note de l'auteur

Arctic peut se résumer simplement : un film de survie implacable en Arctique, au beau milieu du cercle polaire, amenant Mads Mikkelsen à rivaliser d’ingéniosité pour rester en vie quand tout ce qui l’entoure veut sa peau. Évidemment, avec un acteur aussi charismatique que ce cher Mads qui plonge dans un survival glacial, ça ne pouvait que titiller la curiosité.

Point de backstory ou de flash-back ronronnants dans Arctic qui viendrait raconter comment Overgård, pilote islandais et donc campé par Mads Mikkelsen, est venu se mettre autant dans la mouise. Seul sur la banquise, son biplan rouge écrasé au milieu de cette immensité blanche dans lequel il parvient à s’abriter, le temps paraît bien long en attendant les secours mais très vite le personnage s’est lancé dans une routine pour survivre le plus longtemps possible. Pièges pour poissons improvisés, S.O.S. géant à même la glace et quelques tours de manivelle pour tenter de capter un signal : le quotidien d’Overgård est réglé au rythme des alarmes de sa montre, seule témoin d’une civilisation qui n’a pas sa place ici-bas. Jusqu’au jour où un hélicoptère parvient enfin à le rejoindre. Mais nous sommes dans un film de survie : les rafales de vent ont raison du véhicule qui se crashe, ne laissant que la copilote blessée pour tenir compagnie à notre héros. Mais la blessure s’aggravant au fil des jours, il va entreprendre de traverser les montagnes escarpées pour essayer de la sauver et de trouver des secours.

Arctic, c’est aussi le premier film de Joe Penna, réalisateur brésilien surtout connu pour sa chaîne Youtube MysteryGuitarMan, l’une des plus grosses au Brésil. Après avoir tenté sa chance sur plusieurs courts métrages, il se lance dans l’aventure du grand écran. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne cherche pas la facilité : tournage d’une vingtaine de jours en Islande par des températures extrêmes, des problèmes techniques évidents et des acteurs au bout de leur vie. Mads Mikkelsen lui-même avoue que ce fut l’un de ses tournages les plus difficiles. On veut bien le croire, quand on voit les sublimes panoramas qui se dégagent du film, avec ces bourrasques de vents glaciales qui balaient un paysage de mort blanche. Tout est fait pour renforcer le sentiment de solitude du personnage, comme ces plans larges où le héros n’est plus qu’un point sombre se détachant de la glace. Quand le soleil est au plus bas, il n’y a plus que des aplats gris-blancs émaillés de bouts de roches noires qui accompagnent le héros.

Et c’est probablement le point fort du film. Joe Penna, dans une volonté d’épure, se débarrasse de tous les artifices classiques de ce genre de cinéma, et le métrage préfère se concentrer sur les difficultés du héros au quotidien plutôt que d’apporter un souffle épique, comme pouvait le faire The Revenant. Vu qu’on ignore tout de lui, l’identification est simple et efficace. Mais cette volonté de tout minimiser est aussi sa propre limite. Certes, tout le questionnement du personnage sur sa propre survie et surtout sa solitude est lié à sa partenaire d’infortune dont le destin régit tous les enjeux. Mais à force de vouloir réduire le film a son simple statut de survival, on obtient des séquences bien trop binaires, manquant de subtilité, même si on discerne quelques jolis moments comme ce beau plan final.

Et le film ne prendra jamais de risques pour aller au-delà du simple film de survie. Oui, il est efficace pour montrer la cruauté de ce milieu hostile, où l’homme n’a pas du tout sa place. Et Overgård enchaînera les emmerdes les unes après les autres, mais transformant une approche réaliste en un enchaînement de clichés parfois trop attendus. Il parvient souvent à créer une ambiance sauvage et étouffante (on pense parfois aux séquences extérieures de The Thing), et le film ne laisse jamais le spectateur sur sa faim, malgré une première partie un peu ronronnante où l’on attend l’élément déclencheur qui posera enfin les enjeux du film.

Arctic vaut surtout pour la beauté époustouflante des décors et la présence magnétique de Mads Mikkelsen en pilote désespéré que pour la subtilité de son discours sur la solitude. Le film aurait pu trouver un écho intéressant si l’histoire avait apporté un peu plus d’épaisseur au personnage (comme l’avait fait le très chouette The Grey – Le Territoire des loups) tout en gardant une proximité avec le spectateur. On en ressort satisfait par la proposition, mais jamais complètement comblé.

Arctic
Réalisé par Joe Penna
Avec Mads Mikkelsen, Maria Thelma Smáradóttir
Sortie le 6 février 2019

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