Au sommet d’une carrière (Quarry – HBO/OCS)

Au sommet d’une carrière (Quarry – HBO/OCS)

Note de l'auteur

Cinemax réitère sur le créneau de la série de genre à infusion lente et nébuleuse. Après Outcast – déjà adaptée d’un comic book – voici Quarry, transposition de l’œuvre homonyme écrite par Max Allan Collins. Il est peu probable qu’elle surnage dans le tourbillon de cette rentrée, mais sa formidable exécution – cela devient une habitude avec Cinemax – mérite amplement votre curiosité.

La guerre du Vietnam se termine avec la chute de Saïgon (désormais Hô-Chi-Minh-Ville) en 1975. Mais les troupes US se sont retirées dès 73. Le récit déployé dans Quarry débute un an plus tôt. De retour après un deuxième engagement sur le front de la péninsule asiatique, Mac Conway et son ami Arthur rentrent enfin chez eux, à Memphis. Mais l’accueil qui leur est réservé à leur retour est plus que houleux. Leurs noms ont été livrés dans la presse comme étant associés au scandale de Quang Thắng*.
En plus du traumatisme laissé par la guerre, les deux hommes se trouvent alors confrontés à une défiance hostile qui va s’avérer plus pernicieuse, notamment pour retrouver un emploi. C’est alors qu’un étrange personnage prend contact avec les deux vétérans et se propose de leur procurer un travail très rémunérateur, mais pas très catholique…

Max Allan Collins est un auteur prolifique. Il s’est essayé à tout un tas de genres et de supports, du roman noir à la fiction historique en passant par l’écriture pour les comics (Batman) et l’adaptation ou la prolongation en romans de franchises comme Dark Angel, Bones et même CSI !
Mais avant tout cela, il fait ses armes dans un atelier d’écriture de l’université de l’Iowa. Sa thèse consiste à écrire trois polars situés en milieu urbain du Midwest. Nous sommes au début des années 70 et l’univers du noir n’a pas encore connu ses lettres de noblesses. Pourtant, l’une de ces trois tentatives va convaincre un éditeur (Collins) et l’auteur publie une première série de romans autour de Quarry, à la fin des années 70, avant de passer à autre chose.
Quarry aurait pu en rester là, mais un éditeur (Hard Case Crime), spécialiste du genre, décide de ressusciter le personnage dans les années 2000. Les anciens volumes sont réédités et Collins (l’auteur) relance la série en poursuivant à nouveau les aventures du vétéran (un 13ème roman est même prévu cette année).

C’est à ce moment-là que Michael D. Fuller découvre la série, via des recommandations sur Amazon. Avec son compère Graham Gordy, le duo cherche une série à développer après s’être fait la main dans la writer’s room de Rectify sous la houlette de Ray McKinnon.
Ils décident donc d’adapter Quarry en créant leur propre point de départ. Dans l’œuvre de Collins, le récit commence alors que Conway est déjà bien embrigadé par le “Broker”, alors qu’ici, Fuller et Gordy choisissent de faire débuter son parcours dès son retour du Vietnam.

Si le travail des deux scénaristes est palpable ne serait-ce que dans la retranscription d’une époque, Quarry n’en demeure pas moins alourdie par deux thématiques très/trop balisées. Mac est avant tout un vétéran marqué par les atrocités du conflit et bien que ses crises soient bien amenées à l’écran, la personnalité du militaire sujet au stress post-traumatique ne surprendra sûrement pas le téléspectateur.
D’autre part, son parcours, qui l’amène à faire un choix de carrière hautement illégal, le conduit également sur le chemin – désormais très emprunté – de l’antihéros. Le processus auquel on assiste alors et qui consiste à mettre en évidence le rejet de ces activités par sa propre bonne conscience est, là encore, un combat qui n’étonnera pas le public contemporain.

Damon Herriman (Buddy)

Damon Herriman (Buddy)

Mais Quarry parvient progressivement à surmonter ses lieux communs, d’abord grâce à des performances d’acteur convaincantes. Logan Marshall-Green (Mac) en compagnie de Jodi Balfour (sa femme Joni) nous livrent l’un des plus beau couples passionnés (et à fleur de peau) de l’année.
Le “Broker” n’est autre que l’écossais Peter Mullan dans son style passif-agressif caractéristique déjà aperçu du côté de Top of the Lake. Enfin, Quarry égrène quelques seconds rôles flamboyants comme l’excellent Damon Herriman (Justified) ou la facétieuse Ann Dowd (The Leftovers).

Tout ce beau monde se trouve sublimé par une mise en scène qui fait la différence au bout du compte. Elle est l’œuvre de Greg Yaitanes, lequel parvient ici à établir une prolongation logique sur le segment de genre après Banshee (déjà sur Cinemax).
Nullement perturbé par le rythme bien plus indolent de Quarry, il parvient à exercer tout son art de la séquence d’action le temps d’une poursuite en voiture ou d’un intense corps à corps. Mais au-delà de ces escarmouches, Yaitanes – qui s’inflige ici la mise en scène de l’intégralité de la saison – se révèle tout aussi adroit lorsqu’il faut y ajouter la forme. Le premier épisode lui permettant notamment de sculpter un plan-séquence (lorsque Mac retrouve sa femme) de toute beauté.

Enfin, et pour ajouter une pierre à l’édifice d’une année marquée par l’effort musical (nous l’évoquions en introduction de notre critique d’Atlanta), Quarry est constellée de performances d’artistes actuels costumés pour s’insérer dans l’époque et reprenant le temps d’une scène des morceaux blues, folk et soul-funk des années 70. À titre d’exemples, Rolling Stone montre les Cardinal Sons reprenant David Bowie et Alynda Lee Segarra qui interprète un titre entêtant.

Quarry s’inscrit parmi une liste toujours plus longue d’œuvres historiques de genre (dans un registre moins léger, elle partage notamment de nombreux points communs avec une Hap & Leonard). Mais malgré cela, elle démontre d’indéniables qualités qu’on ne retrouvera sûrement pas à un tel niveau au sein des autres nouvelles venues de cette rentrée.

*: Quang Thắng fait référence dans Quarry à un incident de type “dommage collatéral” qui aurait eu lieu durant la guerre. Il me semble que l’événement est fictif (à vérifier ?) mais il fait très certainement écho à un massacre perpétré par des soldats américains, et parfaitement vérifié celui-là, survenu dans le hameau de Mỹ Lai.

QUARRY Saison 1 (Cinemax) en huit épisodes.
Diffusion dès le 10 septembre sur OCS Choc en US+24.
Série créée par : Michael D. Fuller & Graham Gordy.
D’après les romans de : Max Allan Collins.
Scénaristes : Michael D. Fuller, Graham Gordy, Jennifer Schuur et Max Allan Collins.
Saison réalisée par : Greg Yaitanes.
Photographie de : Pepe Avila del Pino.
Avec : Logan Marshall-Green, Jodi Balfour, Peter Mullan, Nikki Amuka-Bird, Damon Herriman, Jamie Hector, Edoardo Ballerini, Skipp Sudduth, Kurt Yaeger, Happy Anderson & Josh Randall.
Bande son originale de : Kris Dirksen.

Visuels : Quarry © NightSky Productions & Anonymous Content – 2016 Home Box Office, Inc. All rights reserved. HBO ® and all related programs are the property of Home Box Office, Inc.

Partager