Avatar : un Na’vi contrasté.

Avatar : un Na’vi contrasté.

Hey again, amigos aminchos… Sans plus attendre, voilà ma review d’Avatar. Attention : quelques légers spoilers sur l’intrigue et les personnages. En tout état de cause, je sais que vous irez voir ce film et vous aurez raison car, malgré mes réserves, le voyage en vaut la peine.

AVATAR : CAMERON RETOMBE EN ENFANCE

Je vénère James Cameron. Malgré leurs imperfections, tous ses films entre Terminator et Titanic ont bouleversé mon expérience d’amoureux du septième art. Gravé dans ma mémoire d’indélébiles visions épiques. Stocké dans mes tripes d’inoubliables décharges d’adrénaline, via d’implacables bijoux de mise en scène insensibles à l’usure du temps. La première fusillade dans le night club « Le tech-noir » de Terminator. Le corps à corps mécanique final entre Ripley et la reine mère d’Aliens. Le bouche à bouche interminable et désespéré de Bud pour sauver son ex-femme Lindsay après sa noyade, dans le silence glaçant de la station Deepcore de The Abyss. La course poursuite entre le T800 en moto et le T1000 au volant d’un 33 tonnes dans Terminator 2. Pratiquement toutes les scènes d’action de True Lies, du jamais vu à l’époque. Enfin, la traumatisante inclinaison verticale du Titanic, ses figurants hurlant dans le vide, avant la plongée finale dans les ténèbres de l’Atlantique.

Pour tous ces moments précieux dans une vie de cinéphile, je place encore aujourd’hui Cameron au Panthéon de mes cinéastes préférés. Un Stanley Kubrick de l’entertainment, dont chaque film plie les normes visuelles et technologiques aux nécessités de son intrigue.

Il y a pourtant un os, que vous connaissez forcément si vous suivez le maestro depuis ses débuts : le cinéma de James Cameron est schizophrène. A côté du général d’armée capable de déclencher l’enfer sur terre, mer et dans le ciel, coexiste un grand romantique ultra fleur bleue, pas toujours très adroit, voire balourd, dans l’expression de son moi sensible. L’attendrissement ostentatoire, dans Aliens, de Ripley pour la petite Newt (des baffes, ouais !) crispe plus qu’il ne nous touche. Les moments de « complicité » entre le T-800 et John Connor dans T2 restent d’insupportables purges mielleuses. Le final au merveilleux spielbergien grossier de The Abyss prive le film d’accéder au statut de chef-d’oeuvre qu’il touchait pourtant du doigt. Et avec Titanic, la face sentimentaliste du réalisateur semblait l’emporter sur ses ardeurs guerrières.

Avatar, spectacle total à l’immersivité conforme aux attentes, confirme hélas parallèlement la victoire de la tendance « grand bleu » de Big Jim au détriment du « tech-noir ». Pas étonnant si l’on se rappelle que Cameron est un fan déclaré du nanar dauphinois de Luc Besson. A plus d’une reprise pendant les 2h41 de projection d’Avatar, j’ai pensé à notre gros Luc national, ainsi qu’à George Lucas pour les inévitables comparaisons entre le film et la saga Star Wars. Pourquoi Besson ?

Rappel du pitch.

Dans Avatar, l’ex-Marine devenu paraplégique Jake Sully ronge son frein (c’est une image, pas celui de son fauteuil). En 2154, la science pourrait tout à fait le guérir, mais il n’a pas les moyens d’une telle opération. Lorsque son frère jumeau scientifique meurt assassiné, Jake se voit alors proposer de le remplacer au sein du programme génético-spatial baptisé Avatar. Financé par un puissant consortium (surnommé « La Compagnie »… la même qu’Alien ? ), Avatar a pour but de faciliter le rapprochement entre les humains et le peuple extra-terrestre Na’vi, vivant sur Pandora, lune hostile d’une planète gazeuse située à 4,4 millions d’années lumière de la Terre.

Concrètement, le programme consiste à créer, à partir d’une combinaison d’ADN humain/Na’vi, des clones de ces aliens géants et d’y « transférer » l’esprit des humains testeurs. Le but de la Resources Development Administration (le consortium en question) est avant tout d’infiltrer les Na’vi pour mieux pouvoir exploiter les précieuses réserves d’Unoptanium de Pandora, un minerai vital pour la survie d’une Terre en pleine crise énergétique. Après un premier contact accidentel avec la chasseuse autochtone Neytiri, qui lui sauve la vie, Jake, sous sa forme Na’vi, va intégrer ce peuple de chasseurs aux origines pluri-millénaires. Et, peu à peu, prendre fait et cause pour eux contre ses semblables.

L’histoire d’Avatar, nous la connaissions tous depuis cet été, ainsi que ses relents familiers des épopées Pocahontas et Danse avec les loups. Première (relative) déception : exit l’effet de surprise, c’est exactement ce que le film entier nous réserve. Pas de twist décapant, pas de retournement imprévu : Jake Sully suit un cheminement identique à ceux du Lieutenant Dunbar ou du Capitaine Smith, au terme d’une intrigue au tracé bien linéaire. A ce titre, Avatar s’inscrit dans la longue (et noble) lignée du pardon cinématographique demandé par les Etats-Unis au peuple des « native americans » depuis Little Big Man, jusqu’à Danse avec les loups en passant par Coeur de tonnerre ou Le Nouveau monde. La thématique un poil démago de la puissante armée d’oppresseurs défiée par un peuple autochtone oppressé ne manquera d’ailleurs pas de susciter ici et là d’abusives interprétations hors de propos – il fallait voir la mine consternée de James Cameron lorsque, durant la conférence de presse parisienne de l’équipe le 7 décembre dernier, un journaliste a dressé un parallèle entre l’histoire d’Avatar et la situation en Afghanistan. Portnawak.

Il faut davantage voir en Avatar le double reflet d’une métaphore de la tragédie indienne ainsi qu’un message écologique fort (et tendance) adressé au monde via cette grande évasion SF. Une idée de scénario particulièrement intelligente et originale (non je ne dis rien, promis), illustre d’ailleurs fort bien la dimension « save the planet » du film. Mais c’est aussi en cela que l’ombre du simplisme « bessonien » plane en permanence sur ce magnifique opéra son et lumière. A l’image du scénario, chacun des personnages principaux reste taillé dans le marbre de stéréotypes qui jamais ne sont dépassés. Les militaires sont une belle bande de salopards sans scrupule, insensibles au sort des Na’vi et de Pandora – à l’exception de la pilote d’hélico jouée par Michelle Rodriguez. Le toujours impeccable Giovanni Ribisi campe la même petite ordure de rond-de-cuir à la solde de la Compagnie qu’incarnait avant lui Paul Reiser dans Aliens. Sigourney Weaver, actrice fétiche des geeks et figure clé de la filmo de Cameron, suit la feuille de route classique de la scientifique au grand coeur. Jake Sully, (Sam « j’ai explosé en 2009″ Worthington) est prévisible jusqu’au bout de ses décisions finales et côté Na’vi, l’amazone Neytiri, sauvage et belle, ne nous surprend guère plus dans les archétypes de sa relation avec Jake. Heureusement que Zoe Saldana insuffle un réel relief à ce personnage de synthèse, qui éclipse d’ailleurs le reste des Na’vi. Avis aux fans de The Shield : si les traits de la matriarche Mo’at vous paraissent familier, c’est normal, c’est CCH Pounder (alias notre bonne vieille Claudette Wimms dans la défunte série de FX) qui l’incarne sous l’artifice du performance capture.

Le résultat regrettable de cette toile trop familière – et encore je passe sur les nombreux recyclages du production design d’Aliens – et de ces personnages uni-dimensionnels est qu’à aucun moment Avatar ne m’a touché. Ni rire, ni larmes, ni réelle empathie ou palpitation pour les protagonistes, humains ou Na’vi, d’autant que l’omniprésence de la musique flute de pan/ushuaiesque de James Horner vous carabine sans relâche les tympans d’un miel bien sirupeux.

Voilà pour le fond et l’émotion. Cela ne signifie pas pour autant qu’à mes yeux, James Cameron ait raté Avatar. Comme je l’ai souligné, le spectacle est dantesque, même si je n’ai pas eu l’impression non plus d’être propulsé dans une ère nouvelle. Je ne saurais dire pourquoi… peut-être n’aurais je pas dû voir les 20 minutes montrées à la presse en octobre dernier, qui défloraient une bonne partie du monde d’Avatar. Toujours est-il que les images que vous allez voir relèvent sans appel du jamais vu et vous plongent dans un « ailleurs » comme aucun film ne l’avait plus fait depuis la trilogie du Seigneur des anneaux. Cameron a d’ailleurs souvent précisé que c’est la vision de Gollum dans Les Deux Tours, en 2002, qui l’a convaincu de la faisabilité de son projet Avatar, qu’il portait en lui déjà depuis de nombreuses années.

Je n’ose imaginer l’invraisemblable somme de calculs informatiques et la colossale technologie mobilisée par notre Napoléon de la pelloche pour mener à bien sa machine de guerre. Je lis dans le dossier de presse que plus d’un millier de téraoctets de données informatiques a été nécessaire pour Avatar, soit environ 500 fois plus que pour Titanic et son mirifique naufrage de synthèse. Les nouvelles technologies inventées pour Avatar (la camera Fusion, la performance capture…) mériteraient à elles seules un bouquin en deux tomes.

Mais à l’écran, ne subsiste qu’une indescriptible beauté. J’ai particulièrement trippé le plan d’ouverture sur l’immense vaisseau spatial convoyant Jake sur Pandora – frustrant, on le voit peu. Mais la faune et la flore de Pandora se taillent la part du spectacle. Sol photo-réactif s’illuminant à chaque pas d’Avatar-Jake et Neytiri dans la nuit de Pandora, montagnes flottantes, arbres-monstres en symbiose avec la planète, bestiaire effrayant, majestueux ou poétique… L’immersion est d’autant plus totale qu’en orfèvre des effets visuels, Cameron rend rigoureusement impossible à distinguer la frontière entre prises de vues réelles et images de synthèse. Symbiose sans faille. Même remarque pour le photoréalisme des Na’vi, dont l’allure et l’interaction avec les humains ne sombrent pas le ridicule redouté par les sceptiques des premiers trailers.

Quand à la vision en relief, n’étant pas un spécialiste tech, je me contenterai, pour le moment, de dire que passé les premières minutes d’émerveillement/curiosité, l’oeil s’y habitue très vite et que son expérimentation passe rapidement au second plan. En revanche, ces foutues lunettes sont toujours aussi lourdes à porter sur le tarin…

Le rythme de l’histoire ne faiblit par ailleurs quasiment jamais et, dans la dernière demi heure de bataille entre humains et Na’vi, Cameron donne une pure leçon de clarté kinétique aux tâcherons de l’action post-Jason Bourne. Imprégné de l’amour déclaré du réalisateur pour les anime japonais (Battle angel Alita coming next…), ce dernier acte et son impressionnante quincaillerie guerrière dépote sans pitié même si, film familial oblige, presque aucune goutte de sang n’est versée. Petite réserve : l’abus de ralentis matrixiens, tirant un poil trop Avatar vers une cinématique de jeux vidéos.

Au final, ai-je aimé ou pas Avatar ?

La réponse est oui, forcément et d’ailleurs, je compte retourner le voir en Imax à Disneyland. Avatar est clairement un film dont on ne saisit pas forcément tout l’impact lors d’une première projection. Certains le comparent déjà à Star Wars, idée justifiée puisque, non seulement une trilogie est d’ores et déjà envisagée, mais le simplisme mythologique du blockbuster de Cameron partage de nombreux points communs avec le film séminal de Lucas (ainsi que le même studio, à savoir la Fox).

Mes yeux ont étreint sans réserve Avatar, mais mon coeur ne l’a pas embrassé et je ne puis donc crier au chef-d’oeuvre. J’ai eu l’impression d’admirer une sublime construction, mais mes glandes lacrymales et mes tripes sont restées atones. Peut-être fallait-il vivre cette expérience cinématographique (car Avatar en est une) non pas avec le cynisme de mes 38 ans, mais avec une âme d’enfant. Et si j’avais perdu la mienne ?

End of transmission…

Avatar, de James Cameron.
Avec : Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Stephen Lang.
Durée : 2h41. Sortie nationale le 16 décembre.

Petit bonus

Un flash info Scuds tout chaud sur Avatar, avec les avis de mes camarades Arnaud et Jérôme qui eux défendent chaleureusement le film ! Petit en-cas avant un débat plus développé dans le prochain Scuds#11. Heu et oui, c’est tourné chez moi !

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