Ayerdhal : l’art est politique

Ayerdhal : l’art est politique

Cette semaine est celle de la mise en lumière d’un auteur. Celle d’Ayerdhal, qui nous a offert Elyia, Ylvain, Jean-No, Jane Bond et bien d’autres. Ayerdhal est aussi un auteur qui a toujours, à travers 25 ans d’écriture, tissé certains fils rouges à travers ses livres. Comme l’idée par exemple, que l’on peut lutter contre son destin, que la sexualité et le genre, sérieux, c’est plus que secondaire… Mais le tout fait partie d’une réflexion plus grande sur la politique, et sur la place de l’artiste, l’auteur, dans le monde.

 

Politique et Art : le rôle de l’auteur

Dans ses romans, Ayerdhal est toujours très engagé, politiquement parlant. À travers un combat contre le destin, il s’agit aussi souvent et doublement d’un combat contre une idéologie politique et étatique. Le destin, la vie des individus pour Ayerdhal, est fortement ancré dans une société. Se battre pour sa liberté ne peut se faire qu’en se battant pour la liberté de tous. 1507-1Ainsi, dès son premier roman, La Bohème et l’Ivraie, Ylvain défend la Bohème, un mode de vie communautaire, basé sur le rire et l’art. Mais même dans un roman comme Bastards, qui est pourtant un policier, on peut trouver des phrases, petites piques contre notre monde capitaliste.

– Qui est le Serpent ?
– L’ennemi héréditaire. Essentiellement monétaire, depuis quelques temps, répond Kayleen sans aucune trace d’ironie dans la voix.

Dans certains de ses livres, tels que L’Homme aux semelles de foudre, sa vision devient plus insistante et parfois bien moins légère. Il s’attaque dans cet ouvrage aux problématiques de l’énergie dans un monde globalisé, via un thriller écologique. (La critique ici). Mais en général, c’est quand même beaucoup plus subtil. Revenons à Cybione, mais cette fois, direction PolytanElyia se retrouve face à un trio bien moins dangereux qu’elle ne le pensait. Ou dangereux, mais pas pour ce à quoi elle s’attendait.

« – Maintenant, tu comprends pourquoi d’horribles démocraties ont exterminé de bons anarchistes télépathes, dit-il. Pour préserver leurs politicards des privilèges qu’elles seules sont capables de leur offrir. – Le pouvoir des élus, ajoute Kansig, pas celui du peuple. Elyia sursaute : la phrase de Kansig est très proche d’une conviction profondément ancrée en elle. »

audiable134-2010Alors que faire ? Les personnes pacifiques se retrouvent souvent prises sous des tirs croisés. La violence alors ? Oui, mais seulement en réponse à la violence. Et encore. L’une des manières de se libérer est par l’art. Les artistes peuvent faire passer un message, ouvrir les yeux sur des situations trop atroces. Cette leçon est donc donnée dès son premier ouvrage. Ylvain réveille les consciences à travers ses créations d’art total. C’est d’ailleurs pour cela qu’il sera pourchassé, empêché d’exercer. Car en réveillant les consciences, il met à mal le système politique dans lequel il exerce. L’artiste plante de la « mauvaise » graine. D’autre part, l’un des personnages principal de Rainbow Warriors est un styliste, Jean-No, dont les inventions vont permettre moins de morts de leur côté. Il devient aussi enseignant, car les combats ne sont rien si on n’offre pas quelque chose en échange. De même, dans Bastards, le personnage, Alexandre Byrd, est un auteur new yorkais qui retrouvera l’inspiration en la puisant dans le réel. L’art permet à autrui d’éprouver les sentiments et la perspective de ceux à qui, sinon, il n’a pas accès.

C’est donc à travers tous ses livres qu’on voit cette volonté de liberté et de réelle égalité, tel un fil rouge, toujours ancré, et qui ne vacille jamais. Ayerdhal, comme il l’explique dans l’interview, est né dans la banlieue rouge de Lyon. Plus précisément, aux Minguettes, des barres HLM qui ont accueilli une population majoritairement issue de l’immigration africaine. Ce quartier est célèbre pour avoir donné naissance en 1983 à la Marche pour l’égalité et contre le racisme, première manifestation nationale antiraciste en France, surnommée Marche des Beurs. Et comme il le dit : « Il n’y avait pas de problème de racisme ou de sexisme ou de quoi que ce soit. J’ai grandi dans une famille qui était plutôt sympathique et je voyais bien qu’autour, ça ne se passait pas tout à fait aussi bien. Donc les décalages se sont créés. »

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Crédit Déborah Gay / Le Daily Mars

Alors, un auteur ne peut être qu’engagé. Frontalement, selon les thèmes de ses ouvrages, ou plus subtilement. Ce n’est pas de la manipulation. Ce n’est pas de la démagogie. C’est juste une manière de donner à voir toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en touchant l’imaginaire. Et que l’on ne puisse pas se dire, quoi qu’il se passe, que l’on n’avait pas été prévenu. La science-fiction (mais au-delà, toutes sortes de romans) est un style qui permet cela. Les romans d’anticipation ont beau être issus de l’imagination de leurs auteurs, peut-on pour autant dire que ce sur quoi ils s’appuient est faux ?

Cette semaine Ayerdhal aurait aussi pu s’appuyer sur ses combats pour l’écologie et sans doute mille et un autres thèmes (dont la présence de chats dans presque tous ses livres, ce qui me fait sans doute dire que ce sont eux qui contrôleront le monde, bien entendu. Ou encore la présence du Y dans presque tous les noms de ses héros : Alexandre BYrd, ElYia, Geoff TYler, Ylvain, RYline…). À vous de me le dire. À vous de lire. Ou de l’écrire.

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