Ayerdhal : Le destin, un combat

Ayerdhal : Le destin, un combat

Cette semaine est celle de la mise en lumière d’un auteur. Celle d’Ayerdhal, qui nous a offert Elyia, Ylvain, Jean-No, Jane Bond et bien d’autres. Ayerdhal est aussi un auteur qui a toujours, à travers 25 ans d’écriture, tissé certains fils rouges à travers ses livres. Comme l’idée par exemple, que l’on peut lutter contre son destin.

 

Le destin, un combat

 

diablev048Dans la majorité des romans d’Ayerdhal, les personnages ont un destin à accomplir. Ce destin peut être lié à la génétique ou aux pressions extérieures. Il est ainsi décidé, soit à cause de notre famille, de manipulations génétiques, ou du choix posé par d’autres sur ce que l’on doit faire de notre vie. Ainsi, l’exemple le plus flagrant est celui de son roman Mytale, écrit en 1991. Dans cet ouvrage, un monde, Mytale donc, est divisé en de multiples castes, chacune définie par des mutations propres, physiques et psychiques. Chaque être à sa spécialité et cette spécialité est inscrite sur un corps. Ainsi, voilà la description d’un beese, vue par Audham, agent extérieur échouée sur Mytale qui s’est déguisée pour survivre :

« Sous leur chambrée se tenait l’échoppe d’un beese qui travaillait des cuirs mal tannés pour en faire des vêtements, de la chaussure au tablier, ou des parures vestimentaires dont raffolaient les warshes (ceinturons, bracelets, protège-articulations), ce qui procuraient probablement des avantages, mais Audh était bien en peine de dire lesquels.
Tadsin était un beese particulièrement fascinant parce qu’il ne ressemblait qu’à lui-même. Il avait un tout petit crâne et un visage immense dans lequel on ne voyait que la bouche, impossible à fermer complètement, car elle abritait deux rangées d’au moins vingt dents aux formes les plus excentriques, qui lui servaient de poinçons, de ciseaux, de gouges et de couteaux. S’il possédait des doigts à chaque main – et bien cinq, ce qui était fort rare pour un beese -, il n’en avait pas deux de la même forme ou de la même taille et tous tenaient d’une spécialité de maroquinerie. »

Audham est elle-même désignée comme agent de la révolution, contre son gré, et entourée de membres hétéroclites de toutes les castes. Elle va se battre, pour sa liberté et celle de Mytale, contre un pouvoir qui a monté les membres de chaque unité les uns contre les autres. Et surtout, elle affrontera chacun de ceux, même ses alliés, qui osent tenter de la manipuler.

Oui, ici Mytale, petite peste ! ne repartit pas Audham. Et vous voulez tous que je cotise, mais je n’ai pas les moyens de verser à toutes les caisses.

De même dans Bastards (2014), Kayleen combat les a priori de sa famille pour être avec l’homme qu’elle a choisi, ou dans L’Histrion (1993), Aimlin(e) n’est pas juste homme ou femme, et refuse d’être le jeu de pouvoir de Genesis, une intelligence artificielle, qui l’a pourtant désigné comme pion principal dans la politique interspatiale.

51DHJPGA4DL._SX293_BO1,204,203,200_Mais la plus représentative des personnes qui luttent contre leur destin est sans aucun doute Elyia, personnage principal du cycle de Cybione, dont le premier tome est paru en 1992 et le cinquième en cours d’écriture. Elyia est une cybione, un CYbernetic BIologic clONE, le seul être dont chaque mort la renvoie dans un corps, situé dans les cuves d’Ender. Cette dernière est une entreprise d’assurance, qui a chaque fois qu’elle en a besoin, réveille et envoie Elyia enquêter pour eux sur les affaires sensibles.
Mais pour éviter qu’Elyia ne disparaisse, Ender envoie à sa suite un Spad, un assassin qui doit la tuer une fois sa mission accomplie. Une fois morte, sa mémoire peut être effacée, ses souvenirs supprimés. Elyia, elle, se débat pour s’enfuir et enfin vivre libre. Pour ajouter une couche, l’homme à la tête d’Ender n’est autre que l’ex-mari d’Elyia, Saryll, fortement présumé d’avoir tué le tout premier corps de sa femme.
Nous suivons notre héroïne à travers quatre romans pour l’instant : Cybione ; Polytan ; Keelsom, Jahnaïc et enfin L’Œil du spad. Si chacun de ces romans voit son retour dans la cuve phœnix, c’est aussi pour rencontrer d’autres mondes, d’autres personnes, et s’approcher, petit à petit de sa propre liberté… Tout en mettant à mal les œuvres d’Ender.

En effet, chacun, en combattant, peut devenir maître de son destin. Si certains y perdront la vie, leur sacrifice ne sera jamais en vain. En acceptant de combattre la société ou les hommes (et les ordinateurs) qui nous ont imposé un chemin, on n’avance pas seul. On fait aussi avancer la société (et cela sera le thème de jeudi). Le destin n’est pas écrit, quel que soit la personne ou le milieu social d’où l’on vient.

De plus, Elyia est une femme, qui veut être libre, et qui apprécie de faire don de son corps : Deen Chad, Banior (entre autres) le savent bien. Tout comme Ylvain, qui a parfois trois femmes… La sexualité, le genre même, sont des thèmes aussi récurrents dans l’œuvre d’Ayerdhal… Et ce sera d’ailleurs au programme de notre chapitre de demain.

 

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