
Banshee, la bonne surprise (Bilan de la saison 1)
Un homme qui sort de prison se rend dans la petite ville de Banshee pour retrouver sa bien aimé, Ana. Constatant qu’elle s’est bâtie une nouvelle vie (mari, fille, fils), il décide, suit à un enchaînement de situations abracadabrantes, de prendre l’identité du futur Shérif de la ville, Lucas Hood. A présent intronisé, Hood va se heurter à l’incompréhension de ses collègues face à ses méthodes musclées, et au parrain local, Kai Proctor.
Sur le papier, Banshee a beaucoup de points en commun avec un bon gros nanard. C’est ultra-violent. Chaque épisode possède une scène de sexe, et elles sont souvent assez gratuites. Les méchants sont très méchants. Et le prémisse ne tient pas vraiment la route. Et malgré tout, Banshee est l’une des plus enthousiasmante nouveautés du début d’année 2013.
Vendue à tort comme étant une création d’Alan Ball (la série n’est que produite par sa compagnie, Your face goes here), Banshee est l’oeuvre de deux romanciers, Jonathan Tropper et David Schickler. Sans en avoir le titre officiel, le showrunner officieux de la série est pour une fois un réalisateur (mais qui connaît très bien la télévision pour y avoir œuvré la majorité de sa carrière) : Greg Yaïtanes.
Si Banshee est dans le giron d’HBO, elle est pourtant diffusée sur une autre chaîne du groupe, Cinemax. Une chaîne qui, habituellement, diffuse du soft-porn en fin de soirée. Du coup, Banshee (et ça doit être dans le contrat), offre une scène de sexe assez graphique à chaque heure de fiction (un peu comme Game of Thrones, en fait).
La série pose un débat assez net, celui de la crédibilité contre la cohérence. La progression des intrigues est très cohérente. Tout avance de façon naturelle, les évènements choquants venant par-ci, par-là, bousculer l’attendu. Par contre, évidemment, Banshee n’est en aucun cas crédible. La façon dont le protagoniste principal récupère l’étoile de shérif est absolument ridicule. Celle dont les autres officiers s’étonne de l’attitude de Hood n’est pas crédible non plus (très amusant de les voir dire « il a le droit de faire ça? » vu que non, il n’a pas le droit d’avoiner tout le monde).
Après, si on cherche la petite bête, la façon dont Raylan Givens fait son travail de Marshall dans Justified n’est pas super crédible non plus. C’est juste plus subtil, certes. Mais pas crédible.

« Et quand vient le soir, pour qu’un ciel flamboie, le rouge et le noir, ne s’épousent-ils pas ? Hein ? T’es pas d’accord ? »
En terme de plaisir pur, la série se pose là. Les scènes de combats sont assez épiques. L’un d’entre eux, opposant Lucas Hood à un kickboxer qui vient de violenter une femme, est jouissive au possible. Alors oui, on peut se poser de nombreuses questions sur l’existence du combat, mais quel pied ! Banshee, c’est de la série B, c’est du Pulp. On adhère ou pas, mais en terme de plaisir pur, immédiat, la série est modèle du genre.
La série baigne aussi dans un univers de BD assez appuyé. Chaque personnage a une particularité physique qui le fait sortir du lot, une silhouette, un détail qui tranche. Lucas Hood est de taille moyenne, mal rasé, le cheveux court, et donne toujours l’impression d’être entre deux sessions de fight club. Il porte son uniforme de shérif différemment des autres, toujours pour trancher. L’un des seuls amis de Hood est un homme transgenre d’origine asiatique (qui a quand même beaucoup de points communs avec le Lafayette de True Blood, surtout dans la façon de parler). L’autre est un ancien boxeur avec de l’embonpoint. Le maire de Banshee est un très jeune homme (il a à peine trente ans).
Les « méchants » ne sont pas en reste. Kai Proctor, certainement le plus intéressant, est un homme empli de rage qui offre au monde un extérieur serein et calculateur. Il est tiré à quatre épingle, mais il est quelque part comme Hood, un homme qui baigne dans la violence, s’en nourrit. L’homme de main de Proctor porte un noeud papillon (comme le Doctor et comme Brother Musone) et semble avoir ingéré un manche à balai. Rabbit, mafieux qui veut retrouver Lucas et Ana, a les cheveux blancs immaculés. Une logique très BD, qui joue sur les archétypes visuels pour identifier au plus vite les protagonistes.
D’un point de vue thématique, la série se plante rarement. Kai Proctor est un ancien amish, viré de la communauté pour avoir répondu à la violence par la violence. Lorsqu’il explique les raisons pour lesquelles il s’est fait virer, il justifie ses actes en jouant sur la corde de l’instinct. Rabbit, de la même façon en racontant une histoire de son passé, se met au niveau d’un animal en parlant d’un jour où il a réagit par instinct. Ana, à de nombreuses reprises, fera ressortir la combattante qu’elle est, par des gestes d’auto-défense qui surprendront son mari actuel.
Et Lucas Hood n’est bâti que sur son instinct de survie. Hood est un personnage qui réfléchit peu, et qui réagit beaucoup. La faute à une éducation dans un monde de malfrats, déjà, mais aussi faute à plusieurs années en prison à n’avoir fait que survivre, seul, face à des détenus à la solde de Rabbit qui avaient pour consigne de le faire souffrir à chaque instant de sa peine de prison.
Là où Banshee se démarque certainement du lot commun de la série B, c’est dans son niveau d’interprétation. Tout le monde semble investit à 100% dans le projet, et donne son meilleur. La moindre faute de goût à ce niveau viendrait complètement décrédibiliser l’ensemble. Heureusement, tout le monde est au niveau, voir se révèle réellement. Ivana Milicevic, très souvent castée pour jouer la jolie fille, est ici impressionnante, belle, sensuelle et en même temps imposante et charismatique. Une image de la femme fatale, certes, mais moderne.
Banshee est très référencée, même si elle trouve son ton sans trop de difficulté. On pense au cinéma de John Dahl, à Red Rock West, particulièrement. On y trouve du History of Violence, avec la thématique, bien sûr, mais aussi avec le personnage d’Ana, qui retrouve ses réflexes après le retour dans sa vie de « Lucas ». Toujours avec le personnage d’Ana, on pense beaucoup, lors d’un épisode, à True Romance, et la scène où Patricia Arquette se fait avoiner par James Gandolfini avant de le buter. D’ailleurs, Banshee possède plus d’un point commun avec Tarantino.
Tarantino est un réalisateur qui n’a pas peur de se faire plaisir sur un tournage, même si c’est gros, énorme, grotesque. Ici, Banshee possède cette même liberté. La série n’a pas peur de se faire plaisir (Ana sapée comme Lara Croft, pas de souci; Lucas qui coupe le [SPOILER] du clone de l’architecte de Prometheus en zonzon, allons-y). Une œuvre hédoniste, qui s’éloigne de l’intellectualisation à tout-va pour offrir un pur spectacle. Auquel, encore une fois, on peut adhérer ou pas.
Banshee n’essaie pas d’être autre chose que ce qu’elle est : un divertissement pour adultes, référencé et balisé. Elle est d’une remarquable efficacité, possède un style assumé et maîtrisé. Elle est divertissante, sans être débilitante. La saison 2 est déjà signée, et rien ne dit qu’elle offrira le même spectacle. Les auteurs ont délivré un ouvrage funambule, qui aurait pu tout aussi bien tomber dans le grotesque le plus total (c’est d’ailleurs arrivé dans la saison). Rien ne dit qu’ils réussiront l’exploit une seconde fois.
On verra ça l’an prochain. Pour l’instant, on savoure.
BANSHEE, Saison 1 (Cinemax)
Créée par Jonathan Tropper et David Schickler
Showrunnée non-officiellement par Greg Yaïtanes
Avec : Antony Starr (Lucas Hood), Ivana Milicevic (Anastasia), Matt Servitto (Brock Lotus), Trieste Kelly Dunn (Siobhan Kelly), Frankie Faison (Sugar Bates), Hoon Lee (Job), Rus Blackwell (Gordon Hopewell), Ulrich Thomsen (Kai Proctor)
Entièrement d’accord !
J’ai vraiment adoré cette série qui m’a procuré un plaisir fou lors de son visionnage !
Je pensais que la série ne marcherait pas et n’aurait pas de saison 2, mais finalement l’inverse se produit, pour mon grand plaisir !
J’aimerais également citer la scène de poursuite (début de l’épisode 7 je crois) qui est l’une des meilleures que j’ai pu voir. Vraiment excellente !
Si tu parles du (faux) plan séquence, je suis complètement d’accord.
Je me la suis repassé trois fois… Y’a souvent beaucoup de recherche et de travail dans la mise en scene…
Je parle de la scène ou le policier noir poursuit des voleurs.
Il y a aussi la scène à l’arrière de la voiture en poursuite avec les policiers qui est sympa. Celle dont tu parles je pense.
Bon je viens juste de finir la première saison. Pour moi c’est quand même du gros gros nanar sur le papier et…. sur l’écran. J’ai eu bien envie de foutre quelques baffes au deux créateurs de la série et à l’acteur principal (mais d’un autre côté il a pas l’air très commode).
Donc pour une fois pas du tout d’accord du tout avec Dominique
Ma critique ici :
https://lesfictions.blogspot.fr/2013/04/tv-us-banshee-le-bon-gros-nanar-dactin.html
(je sais j’étais pas d’accord aussi sur The Fear mais merci de ne pas en conclure que je fais du mauvais esprit, c’est pas du tout mon genre)
Rholala, quel désamour, mais que se passe-t-il ? Vivement qu’on retombe d’accord sur un bon polar british !
Tss, tss, t’exagère, il y a plein de trucs US que j’aime bien. Mais bon là pas « Banshee » pour le coup. Ce n’est pas complètement nul non plus, mais quand même très irritant.
Ceci dit, je veux bien reconnaitre que je peux être parfois légèrement subjectif quand il s’agit de productions anglaises ;p