Batman/Huntress: Cry for Blood de Greg Rucka et Rick Burchett

Batman/Huntress: Cry for Blood de Greg Rucka et Rick Burchett

Note de l'auteur

Batman est à peine visible dans ce récit de 2000, davantage une histoire de mafia et de vendetta que de super-héros. Pas désagréable, pas indispensable non plus.

L’histoire : Fille d’un chef de gang mafieux, Helena Bertinelli a vu ses parents et son frère abattus par une famille rivale. À la suite de ce drame, elle est devenue Huntress, justicière de Gotham. Mais quand des fantômes de son passé resurgissent, cette jeune femme tourmentée doit faire équipe avec le mystérieux détective appelé la Question.

Mon avis : Batman/Huntress: Cry for Blood inaugure la collection DC Confidential chez Urban Comics, qui doit recenser les « perles cachées de la grande histoire » de DC. Les prochains volumes reviendront ainsi sur des épisodes restés dans les marges des grandes sagas, autour de personnages ou groupes de personnages tels que Green Lantern, Green Arrow, The Golden Age et The Legion of Super-Heroes.

Derrière une couverture au style rétro rappelant Kevin O’Neill (la tenue anguleuse quasiment sacerdotale de Huntress répondant au cuir et latex post-nazillon de Marshal Law), le scénariste Greg Rucka et le dessinateur Rick Burchett mêlent récit des origines et assouvissement d’une vengeance, avec un Batman en retrait derrière Huntress et son compagnon/guide, la Question. Et, en sus, une bonne louche de Godfather pour épicer la sauce.

Tout tourne autour de la mafia sicilienne dans ce Cry for Blood (traduit en français par Dette de Sang). La Cosa Nostra. Et d’emblée, Helena nous explique le vrai sens de l’omerta : il s’agit moins de maintenir la loi du silence que d’« obtenir justice, réparer son honneur, être vengé » en s’en chargeant soi-même. « Quand le sang appelle le sang, on répond à l’appel. Et on y répond seul. » Ainsi, « un Sicilien qui s’adresserait à l’État pour obtenir réparation serait considéré non seulement comme un idiot, mais comme un “infâme”… ce qui se traduit par “traître”. » Tout un esprit.

Guère étonnant, dès lors, que cette lame à double tranchant soit retournée contre la mafia elle-même, après que la petite Helena eut bien grandi, et avec elle son désir de se venger de ceux qui ont fait assassiner sa famille. Car quelqu’un a fait supprimer tous les Bertinelli, mafieux ou non. Il ne reste qu’Helena. Une survie qui la hante plus encore que la mort de ses parents et de son frère. Pourquoi elle ?

Le détective sans visage appelé la Question commence par la suivre, la protéger. Sous la pluie et ce lampadaire, avec son pardessus et son chapeau, le regard levé vers une fenêtre éclairée, on croirait voir l’exorciste du film homonyme, mais aussi le Rorschach de Watchmen… et certaines pages de Will Eisner. Un côté résolument rétro pour une BD de 2000, sans compter le design même du Chevalier Noir.

Moins récit de super-héroïne qu’enquête dans les souvenirs d’Helena et parmi les familles qui règnent sur la pègre de Gotham, Cry for Blood plonge ses racines dans l’étouffant marigot aux secrets qu’est une famille, notamment quand la Sicile s’en mêle. « Batman n’y comprend rien », explique Huntress. « Je ne suis pas folle. C’est une histoire de famille. »

Comment Bruce Wayne, qui a vu ses deux parents abattus sous ses yeux, ne pourrait-il pas la comprendre ? Peut-être parce que, avance Oracle, Helena a perdu absolument toute sa famille. Elle a perdu « quiconque portait le nom de Bertinelli. Toute une branche de sa famille a été annihilée. Une trentaine d’hommes, de femmes et d’enfants. Je dis bien quiconque portait son nom, jusqu’aux cousins germains. »

Pour survivre dans ce marais du crime, Huntress doit « apprendre à vivre », conseille la Question. Car jusqu’à présent, tout ce qu’elle sait faire, c’est « éviter la mort ». Or, « ça, c’est la base. Tout le monde a cet instinct. » La mort encadre cette histoire tout comme la vie d’Helena/Huntress. Avec cette jolie construction en miroir des première et dernière pages : une vue en contre-plongée, depuis le fond de l’eau vers la surface, à ma gauche d’un cadavre, à ma droite du crucifix jeté par la jeune femme une fois sa vengeance assouvie.

Huntress a connu une autre incarnation avant que ce costume, taillé littéralement dans une défroque de prêtre, soit endossé par Helena Bertinelli : nulle autre qu’Helena Wayne, fille de Batman et de Catwoman sur une autre Terre, et qui meurt lorsque DC décide de fusionner les Terres parallèles (Crisis on Infinite Earths). Quant à la jeune Sicilienne, elle entretiendra toujours des relations troubles et complexes avec le Chevalier Noir, qui ne peut se départir d’un doute raisonnable quand à Huntress, en raisons de méthodes d’action pour le moins violentes et d’un passé tourmenté…

Au scénario, Greg Rucka déploie un arc narratif simple, sans (super-)effets, mais qui se perd parfois dans des voies secondaires. Helena chez Richard dans la cabane au fond des bois… Le passé raconté un peu artificiellement… Côté visuel, Rick Burchett joue lui aussi sur la simplicité, avec quelques échos de Jack Kirby çà et là. Ce n’est clairement pas le meilleur des bas-fonds de Gotham, mais une petite tranche d’histoire de l’univers DC pas désagréable non plus. Elle se complète ici du récit court aux couleurs criardes Le Train de minuit qui voit Gordon faire équipe avec Huntress pour dézinguer du criminel dans une rame de métro, et de Mauvaises nouvelles, centré quant à lui sur la Question.

Batman/Huntress: Cry for Blood
Écrit par
Greg Rucka
Dessiné par Rick Burchett
Édité par Urban Comics

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