La Saison du Big Bang ? 1/3 : Sheldon et les Autres

La Saison du Big Bang ? 1/3 : Sheldon et les Autres

Il y a un peu plus de neuf ans, quand Chuck Lorre et Bill Prady tentaient de vendre une série sur quatre scientifiques et leurs difficultés dans l’exercice social (il n’était pas encore question de geeks ou de nerds), peu nombreux étaient ceux qui misaient sur un tel succès et une telle longévité. Aujourd’hui, la neuvième saison s’est achevée et la vitalité de la série n’est pas en défaut.

La saison de Sheldon. Une affirmation un peu trop définitive, qui rappelle autant les glorieuses premières années, qu’un personnage trop envahissant. Et pourtant, si la neuvième saison possède un équilibre intéressant, elle s’avère particulièrement fondamentale pour l’avenir et la construction personnelle du scientifique texan.

BigBang-saison09-Amy-SheldonLa première fois.

L’événement a été annoncé, commenté, critiqué (chez nous, par Déborah Gay), le couple Amy/Sheldon a fait l’amour pour la première fois. Ce dernier sacrifiant la découverte du nouveau Star Wars pour célébrer l’anniversaire de sa dulcinée. La promesse fut belle, quoiqu’un peu inquiétante : la série jouerait-elle son dernier atout ? Nous sommes partagés, impatients et fébriles devant ce qui ressemble à un acte opportuniste (pour coller à l’actualité The Force Awakens), voire autodestructeur par sa désarticulation d’un paradigme. Finalement, les auteurs joueront la carte de la tendresse maladroite, réduite à une simple, mais belle et extatique séquence, conclue par le bureaucrate Cooper comme un avenant à un contrat (le prochain coït sera dans un an, jour pour jour).

C’est ainsi que Sheldon, l’être asexué et fermé sentimentalement exécute son grand saut, jusqu’à admettre des émotions réelles et sincères. Une volte-face facile ? Avec le recul, nous nous apercevons que c’est le résultat d’une construction à long terme, presque indiscernable (force des sitcoms que de faire évoluer dans l’inertie) et qui aboutit aujourd’hui à cette note révolutionnaire.

BigBang-saison09-Amy-Sheldon-PremiereFoisLa petite Amy de Sheldon ?

Ce n’était pas gagné d’avance, face à une personnalité aux pieds plantés dans un bloc de béton et qui a, par moment, aspiré l’attention au point de transformer la série en « Sheldon Show ». Un détournement involontaire qui échappe aux auteurs, dans un premier temps, puis s’avère un filon très facile, trop facile. Surexposition, surexploitation, l’homme s’épuisait au fil de longues saisons, rythmées par quelques saillies remarquables et par la valse Penny/Leonard dans un mauvais remake du couple « je t’aime, moi non plus… » Rachel/Ross (Friends). La première (et timide dans les répercussions) secousse s’appelle Amy Farrah Fowler. Aussi excentrique que son futur amant, mais en attente du prince charmant. Une nouvelle venue qui dynamise la mécanique Cooper et offre à la série un peu plus d’équité face au quatuor masculin.

Amy, la petite amie de Sheldon ? L’annonce attise l’attention. Entre les deux se noue une relation ambiguë : officialisation du couple via contrat (c’est dire si le scientifique prend leur relation au sérieux), mais l’acte essentiellement administratif, dépourvu d’émotion, invalide l’idée même de couple. Pour le scientifique, leur union est une expérience. Les auteurs vont exploiter cette caractéristique dans un registre comique un peu poussif et répétitif, avec un Sheldon en chercheur frigide et une Amy se languissant d’un acte affectueux. Mais c’est la nature même d’une sitcom que d’exploiter ses figures pour les ranger soigneusement à la fin de l’épisode. Jusqu’à opérer de microchangements, à la force de la redondance, où la légère fatigue du spectateur devient celle du personnage.

BigBang-saison09-GroupeSepareLe monde sauf Penny.

L’homme si maître de ses émotions montre en réalité des fêlures importantes, des blessures jamais cicatrisées qui l’ont conduit à ce qu’il est aujourd’hui. Jusqu’à présent, nous voyions Sheldon fermé au monde. Et si c’était le monde qui était fermé à Sheldon ?

L’erreur serait de croire que cette saison tente d’humaniser Sheldon, entre sa douloureuse séparation et la perte de sa virginité. Sheldon a toujours été humain. Des circonstances liées à son enfance, associées à un caractère singulier l’ont poussé à entretenir des rapports distants avec les gens, entre préservation et incompréhension des conventions sociales. Si Amy est parvenue à le décloisonner, un autre personnage entretient un rapport particulier avec lui : Penny. Ce n’est pas la révélation de la saison, mais en deux temps, nous pouvons remarquer combien Sheldon est sensible à l’empathie de la jeune femme.

BigBang-saison09-Penny-Sheldon-SdBDans le 200e épisode (9×17 : The Celebration Experimentation), Sheldon panique pour sa première fête d’anniversaire, organisée par ses amis, et court se réfugier dans la salle de bain. Pendant que Leonard et Amy se disputent le rôle pour le réconforter, c’est Penny qui prendra l’initiative d’aller le voir. La séquence, simple et en retenue, montre les deux personnages assis sur le bord de la baignoire. Un décor inhabituel dans la série, pour une discussion qui va révéler une facette de Sheldon : sa peur d’être bizarre aux yeux du monde.

Vers la fin de la saison (9×21 : The Viewing Party Combustion), alors que le groupe est séparé en deux, à la suite de futiles et inoffensives disputes successives, Amy, de façon un peu agacée, révèle à Leonard combien Penny compte pour Sheldon, au point d’être très conciliant avec la jeune femme. Les autres personnages prennent conscience de cette relation qui va au-delà de la simple amitié pour un rapport presque fraternel.

À suivre…

Dans la seconde partie, nous verrons combien cette saison est introspective pour Sheldon, à travers l’exploration de ses peurs et de la valeur d’un monde qui l’entoure.

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