Le super-héroisme au point mort (Bilan Arrow saison 3 )

Le super-héroisme au point mort (Bilan Arrow saison 3 )

Note de l'auteur

Boursouflé de soap teenage abrutissante depuis ses débuts, de triangles amoureux parfois quadrangulaires, cramant littéralement par tous les bouts les attentes que l’on peut fonder sur un show qui se veut sombre et bad ass, j’ai pourtant tenu bon devant Arrow… jusqu’ici. 

La saison de trop

Pourquoi avoir continuer jusqu’alors?  Car pour les plus aguerris de la sériephilie super-héroïque ou pour leurs plus éminents masochistes (dont je pense faire parti, il faut bien se l’avouer), que nenni ! On veut notre dose de bonhomme en spandex qui court dans les rues de la ville, on souhaite que justice soit faite avec des combats classes et moult actes héroïques et surtout, on veut et on espère voir le héros gérer la situation comme il faudrait. Bref, on cherche de l’epicness à foison, vaille que vaille, même dans Arrow ! Hélas pour ce dernier, cette troisième saison a été celle de trop, catalysant à la fois un ensemble de tares spectaculaires et éradiquant dans la foulée les quelques qualités qu’elle possédait. Une saison qui nous rappelle ô combien la série a toujours été percluse de nombreux problèmes, qui n’en finissent désormais plus de s’amonceler.

Epic Fail

teamLe propre de l’héroïsme, c’est d’être… héroïque, justement ! La formule est facile mais elle sied pourtant parfaitement au postulat intempestif de Oliver Queen et de son alias durant cette troisième saison. L’ouverture de cette dernière introduisait pourtant une volonté vraiment enthousiasmante : celle de la sacralisation du héros par sa propre ville. Arrow est donc reconnu désormais comme tel. Mieux encore, les forces de l’ordre tolèrent son action de justicier. En prenant une direction héroïque plus assumée, la série embarque aussi  avec elle une promesse : celle d’une team fondatrice grâce à l’ajout d’Arsenal de manière régulière et la venue d’une nouvelle Black Canary. Le problème, c’est que derrière ces belles attentes, cet espoir de trouver enfin de l’héroïsme de qualité, la saison nous rappelle malheureusement que les principaux défauts de Arrow sont décidément indéboulonnables, quoiqu’on fasse.

En fait, le principal problème du personnage est assez édifiant. Il s’agit de son manque d’anticipation constant. Ce qui est somme toute aberrant pour un héros censé être un stratège, non?  Sinon, comment expliquer autant d’erreurs scénaristiques stratégiques de la part du cerveau de toute l’entreprise ? Amoncelant les choix à côté de la plaque, Arrow  ne prévoit jamais rien en fait, même quand le danger est prêt de lui. Car non content de prendre rarement les (bonnes) initiatives, l’archer vert est un attentiste de tout premier ordre, qui préfère passer son temps à ergoter et à discuter plutôt que d’agir. Sans compter que le héros se permet de sous-estimer grandement ses ennemis. Que ce soit pour se faire enfermer par un adversaire qu’il a déjà vaincu (Deathstroke), qu’il rebattra derrière mais grâce à l’aide de sa sœur (sa sœur !!!), allant délivrer son pire ennemi sous prétexte que c’est le père de cette dernière (Malcolm Merlyn) ou bien ne pas prévoir une seconde que Ra’s Al Gul finira bien par attaquer ses proches à un moment (sa soeur, toujours)… N’en jetez plus ! On finit presque par regretter sa vendetta personnelle de la saison 1 ! Et puis un héros qui abdique envers son ennemi tout en lui jouant la comédie durant des semaines afin de mieux le surprendre (Ouh la la! Le super plan! Quel stratège cet Oliver Queen !), non mais sérieusement, si ce n’est pas se moquer du monde franchement ?

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A contrario, là où il est amusant de constater qu’Arrow peut-être capable d’épique-attitude, c’est quand il est confronté à des adversaires d’une puissance bien supérieure à lui. Arriver à faire jeu égal avec Flash, battre ATOM ou paralyser Reverse Flash, pas de problème ! Mais que débarque quelques gangsters en groupe ou des membres de la ligue des assassins, et le voilà qui commence à être débordé par le nombre ou qu’il parvient à se faire enlever ! Difficile de comprendre ce que le showrunner et ses compères tentent de faire mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a un problème de logique dans les rapports de force…

Que dire du côté du reste de la team arrow, si c’est n’est que pour constater le même fiasco ? Entre une nouvelle Black Canary complètement inutile (catastrophique Kathy Cassidy, totalement nulle dans ses prestations martiales), un Arsenal à peine mieux loti en terme de présence (même quand son mentor disparaît !), et un Diggle toujours stoïque et égal à lui-même, on déprime réellement à les voir en action. Ray Palmer s’en sort évidemment plutôt mal à ce sujet, car ce ne sont encore que quelques les premiers balbutiements héroïques qui s’exprimeront véritablement dans Legends of Tomorrow.

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Bref, on peine et on cherche à quoi se raccrocher pour avoir ce petit sentiment épique qui pointe le bout de son nez dans Arrow mais rien n’y fait. Même le combat de Ra’s Al Ghul contre Oliver, formalité nécessaire et attendue, est consternant.  Ce qui devrait ponctuer par un affrontement épique entre les deux individus est juste pathétique et insipide, pour finir de manière absolument affligeante en faisant mourir Ra’s d’une manière absolument grotesque. Arrow a atteint définitivement les tréfonds absolus du misérabilisme super-héroïque.

 

« My name is Oliver Qu… » « Oh la ferme! « 

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La tirade d’introduction de chaque épisode n’aura jamais été aussi parodique. En effet, la ligne conductrice de cette saison qui voit se concentrer sur le dilemme identitaire de l’archer vert (Oliver ne peut être que lui-même ou Arrow et non les deux ), embourbera toutes les storylines des personnages . On passe donc notre temps à le voir ergoter sur ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire à ce sujet, pour finir  comme par hasard, à faire face à un ennemi qui veut le démunir de ses deux identités justement ! « Passionnant » état de fait qui gangrénera toute la saison au travers les différentes histoires de chacun,  de la mort de Sara au retour de Merlyn et Théa , à sa confrontation avec Lance et Laurel en passant par Ra’s Al Ghul pour devenir Al Sah Him. L’intrigue perd pied définitivement entre son enjeu identitaire et ses nombreux arcs narratifs rapiécés, administrant à  l’ensemble du récit une direction faite de bric et de broc.

Et l’identité d’Arrow d’ailleurs, les scénaristes n’en ont cure. Si d’ores et déjà passées deux saisons un gosse de CP vivant à Starling City n’avait pas encore compris que Oliver Queen était Arrow, alors que dire du twist utilisé dans Public enemy, (le plus mauvais épisode de la saison) qui l’accuse une fois de plus d’être le fameux justicier ? Un étau qui se resserre pour l’ex-playboy, mais dont on se fout un peu, car on est en droit de se demander QUI encore n’est pas au courant de sa super identité secrète de toute façon. Les scénaristes n’ont décidément peur de rien, en réutilisant une fois encore la même pirouette scénaristique morte-née la saison précédente, enlevant décidément toute crédibilité à l’entreprise de l’histoire.  Dans cette descente aux enfers de la schizophrénie de pacotille, la série fait aussi une victime collatérale, en dévalorisant la personnalité de Felicity. La geekette de la team, encore auréolée d’une gloire inattendue depuis son apparition, à bel et bien perdue de sa superbe et de son humour dans cette saison, puisque devenue amoureuse éplorée puis délaissée d’Oliver Queen, subissant chaque contrecoup à mesure que celui-ci agit (ou pas, cf 1er paragraphe ). Felicity pleure, râle (souvent) et se met beaucoup (trop) en colère. Par la force des choses, elle devient franchement irritante et agaçante, un comble pour le personnage le plus populaire du show ! Espérons que le méga happy end de la saison digne d’un Wayne’s World redonnera un ton plus léger à ce personnage dans l’avenir…

 

Le Deus ex machina, un super-pouvoir comme un autre

Comme le problème de Arrow, c’est de ne pas être une flèche (huhu!), les scénaristes ont décidé de lui donner un super pouvoir non officiel : Le deus ex machina. Cette merveilleuse invention narrative, capable de résoudre n’importe quel problème quand la situation parait inextricable, prend toutes ses lettres de noblesses durant cette troisième saison. Et non content d’utiliser ce processus en quasi-permanence, les scénaristes ont la fourberie d’adjoindre un magnifique morceau d’escroquerie à l’entreprise : ils comptent en effet sur l’absence de mémoire du téléspectateur pour justifier ces résolutions, comme si nous n’avions pas de besoin de comprendre, ni de savoir comment chaque problème ou situation a pu être élucidé.

 

Alors amis lecteurs si vous aussi vous n’avez pas compris…

– Comment Malcolm Merlyn s’en est sorti vivant avec une flèche planté dans le cœur ?

– Pourquoi Diggle n’est jamais fichu de cacher son identité ? (Purée, qu’il mette au moins une cagoule, c’est le bodyguard d’un multimillionnaire hyper connu !)

– Comment Oliver Queen arrive à résister au lavage de cerveau de Ra’s instauré depuis plusieurs semaines ?

– Pourquoi Théa une fois plongée dans le puits de Lazare n’est pas devenu le fameux « démon » tant redouté ?

– Comment Oliver Queen a eu la permission de Ra’s de faire un détour à central City pour aider son pote Barry Allen ?

– Pourquoi Oliver Queen n’est jamais pisté ni suivi par la police quand on l’accuse d’être Arrow ? ( Ecoute téléphonique, pistage du portable, surveillance, interrogatoire de son entourage, etc…)

Et surtout et enfin, comment Arrow a pu  se sortir vivant du premier combat contre Ra’s Al Ghul après avoir été :

– transpercé par une épée, jeté du haut d’une falaise de plusieurs centaines de mètres puis être resté quasi nu plusieurs heures dans la neige ?

 

… C’est tout à fait normal puisque le bon vieux Deus ex machina de Arrow est en mode quasi automatique !

 

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Et comme la série ne cherche jamais à crédibiliser l’ensemble de son show, pourquoi se creuser la tête ? « Ne réfléchissez pas, ne cherchez pas plus loin, même si ça vous paraît aberrant. Ça n’est pas important. Regardez la séquence suivante plutôt et passez à autre chose !«  Voilà ce que nous dit la série de manière régulière et voilà donc le credo que ce que cette saison, plus que toute les autres, exploite sans arrêt et à tout bout de champ pour se sortir de toutes les impasses dans laquelle elle s’embourbe. Et si durant les deux premières années on pouvait encore supporter le procédé grâce quelques qualités de la storyline somme toute divertissante, il devient ici tellement récurrent que l’on se sent presque insultés tant on est pris en permanence pour des imbéciles par les auteurs du show.

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A quel méchant se vouer?

Là est toute la question. Et l’un des plus gros problèmes de la saison en fin de compte. Si dans l’ombre on nous laisse croire que le retour  de Malcom Merlyn dans la saga semble être une direction opportune, il s’avère que le show lui-même n’en sait trop rien. L’ajout de Ra’s Al Ghul, avec le temps d’un épisode, une très mauvaise utilisation d’un Slade Wilson aux abois, confirme bien que les antagonistes sont beaucoup trop légion pour donner une cohérence globale à l’ensemble. Si on rajoute à cela le commissaire Lance, redevenu encore une fois l’adversaire de Arrow, l’intrigue principale ne sait plus vraiment où donner de la tête. L’épisode final permettra d’apporter un semblant de concordance avec Malcolm Merlyn devenant le nouveau chef de la ligue des assassins mais le scénario s’est beaucoup trop perdu en chemin pour y arriver de manière convenable. Mais les histoires du passé sont parfois les boulets narratifs les plus significatifs de la série…

 

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Le flashback dans Arrow ou le narcissisme inutile

Si le processus  du flashback permet toujours une mise en avant majeure d’éléments scénaristiques importants, il devient aussi obligatoirement une gageure quand il est utilisé de manière déraisonnable. En cela, Arrow excelle à outrance dans l’exercice. Si le procédé dans la saison 1 servait agréablement la naissance des talents physiques d’Oliver, et développait des parallèles justifiés dans la saison 2 avec Slade Wilson, il devient tout bonnement catastrophiques dans cette troisième saison avec les scènes se déroulant cette fois à Hong Kong.

En effet, les flashbacks s’évertuent à expliciter comment Oliver est devenu, entre autre, un surdoué de la torture. Pour ce faire, la chef de l’ARGUS le kidnappe et l’oblige à s’entraîner de force avec un dénommé Maséo Yamashiro. S’il ne veut pas, ce dernier sera tué avec toute sa famille. Résumons donc : Une organisation fédérale (!) choisit d’employer un millionnaire porté disparu et hyper célèbre, avec aucune expérience pour l’obliger à exécuter des missions suicides en plein Hong Kong (endroit pas du tout fréquenté !). Cette décision est basée sur l’argumentation peroxydée de crétinerie qu’Oliver a un « talent  particulier», justifiant alors son embauche forcée au sein d’ARGUS ! Donc, au delà même de se dire que que le postulat de départ du flashback pour toute la saison est… complètement con, il faut bien l’admettre, c’est bel et bien toute sa structure  globale qui s’enfoncera alors dans un lénifiant absolument étourdissant de vacuité. Le tout est associé à une histoire de méchant virus que Oliver empêchera de se propager dans HK (ben oui, avant même d’être Arrow, il était déjà trop fort le pépère !) et qui sera l’objet narratif soudain de la trame principale, tel une flèche manquant totalement sa cible (le super plan de Ra’s Al Ghul pour détruire son pire ennemi : le génocide d’une ville par arme chimique !). Et lorsque le flashback tente définitivement de s’éloigner de son fil rouge, cette longue agonie dans les souvenirs d’Oliver Queen atteint alors son paroxysme une nouvelle fois durant l’épisode intitulé Public enemy. Poursuivi par des tueurs professionnels dans les rues de Hong-Kong, Oliver se retrouve de manière complètement hasardeuse face à… la  sœur de son ex-amour, Shado ! Et qui, comme de bien entendu, va lui sauver la mise. Cet exemple, illustré  à nouveau avec un Deus ex machina gratuit et imbécile, confirme une fois de plus que les  flashbacks qui concernent Oliver cette saison ont des allures de gimmicks stupides, n’apportant finalement qu’une matière narrative tellement diluée qu’elle nous arrive démunie de toute cohérence.

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Mais à contrario, Arrow est aussi capable en de rares exceptions de les réussir, ces flashbacks, qui ont d’ailleurs tous le même point commun : ils ne concernent pas Oliver ! En effet, c’est à travers Merlyn, Felicity ou encore l’excellent épisode sur Deadshot, que savamment utilisé, les flashbacks dans Arrow peuvent être surprenants et très intéressants. Ils sont la preuve vivante que leurs qualités ne dépend pas d’un systématisme narcissique envers son héros mais bel et bien d’une volonté narrative intelligente.

 

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Rien à sauver alors?  
 
Si peu. L’ajout salvateur de Ray Palmer grâce au génial Brandon Routh donne à la saison quelques moments de grâce, avec punchlines funs et la présence d’un Tony  Stark made in DC ! Donc, bonne pioche, d’autant plus qu’il deviendra le futur super-héros ATOM. Par contre, sa sortie est déjà annoncée dans le prochain spin-off, Legends of Tomorrow, Arrow perd donc une fois de plus une qualité supplémentaire à son show.

De manière plus surprenante, le twist concernant la mort de Roy Harper est plutôt bien vue et confère au personnage l’unique moment de la série où le sidekick efface pour de bon le maître. Il est presque dommage que le personnage sorte de l’ombre de son mentor à l’instant où il doit quitter la série pour de bon, et au cours du seul épisode dans lequel il devient épique en signant un combat carcéral de toute beauté.

Dernier élément qualitatif, la concordance globale de l’univers partagé instauré avec Flash. On compte entre quatre et cinq allers-retours entre les deux shows, où les héros comme leurs comparses, voit leurs mondes respectifs s’élargir un peu plus à chaque fois, les interactions de l’une dans l’autre se  propageant comme un grand tout, ce qui assez enthousiasmant. Bien sûr, le procédé à ses limites, mais sans être parfait, l’ensemble reste enrichissant pour les deux séries (le meilleur épisode de la saison de Arrow reste son crossover avec Flash justement), même si on constate qu’il est difficile de voir l’une sans voir l’autre pour saisir tous les éléments et les subtilités scénaristiques qui y sont entremêlés. Et qui sait ? Oliver préparant son départ à Coast City, ville où vit Hal Jordan alias Green Lantern, nous permettra peut être de l’introduire pour un futur show le concernant…

 

Broken Arrow

Avec un panorama pareil, que reste-t il alors des aventures de l’archer vert ? Série mère de plusieurs rejetons, elle est devenue le précurseur télévisuel cher à DC/Warner qui lui  a permis de créer un univers partagé au sein de sa chaine. Avec Flash et bientôt Legends of tomorrow, elle n’en finit pas de créer des fers de lance supers-héroïques qui garantissent à la CW un avenir florissant. En attendant, c’est la propre série de son héros qui en pâtit la première au vu des nombreuses tares dont elle n’arrive pas à se dépêtrer, l’officialisant presque comme un Batman du pauvre. Pour le coup, vais-je continuer à regarder Arrow ? Oui, malheureusement, de manière distraite, et sans plus vraiment d’attente et parfois avec des semaines de retard mais je continuerai. Ne serait-ce que pour en dire du mal quand elle pourrait être tellement bien, ne serait ce que pour être témoin des apports qu’elle prodigue au sein de l’univers partagé de DC à la télé, seule qualité intrinsèque qu’on ne peut lui enlever. Mais, après cette saison complètement catastrophique, le constat est ici sans appel :« Oliver Queen, you have failed this  serie ! »

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