
Bilan : Profilage (saison 5) – Terre brûlée
Hier soir étaient diffusés les deux derniers épisodes de la cinquième saison de Profilage. L’heure de dresser un bilan de cette dernière s’impose, d’autant plus après l’annonce d’Odile Vuillemin de quitter la série au terme de la sixième.
Une saison de contraste. Le premier épisode débutait par une séquence qui ne semblait pas avoir de prise sur la réalité. De la luminosité poussée à l’extrême à une sensation elliptique, tout pointait vers le champ lexical du rêve. Onirisme d’une scène de bonheur parfait, c’était une façon de prendre le contre-pied d’une fin de saison précédente avec une Chloé au bord du gouffre, prête au sacrifice. La fin du dernier épisode pose également le problème de la perception. Chloé en proie à des hallucinations ne distingue plus le vrai du faux. Les deux séquences semblent se répondre, communiquent une progression qui va de l’unité d’une famille à la destruction d’une autre.
La famille. Le grand thème de la saison. Nous étions revenus sur les deux premiers épisodes, exposant combien le motif familial était au coeur du récit. Les enquêtes devenaient des symboles dans la construction de Chloé et l’établissement de sa relation avec sa fille adoptive. À différents niveaux, la saison ne cessera d’opposer la criminologue à ses nouvelles responsabilités. Mais comme une lecture symbolique. Comme si cette récente configuration devait être soumise à de multiples expériences pour confronter la femme dans son choix, ses possibilités et comprendre, finalement, le voyage qu’elle s’apprête à entreprendre. La figure de la mère occupe toute la saison, une vision protéiforme. Des mères exposées à une carence, une pathologie. Soumises dans Un Pour Tous (5×01), en deuil dans Sur la Liste (5×04), manipulatrice dans Les Prédateurs (5×07), dysfonctionnelle dans Entre Deux (5×08) ou vengeresse dans Au nom de mon Fils (5×09). On ajoutera la propre pathologie de Chloé : schizophrène.
De cette association des motifs du contraste et de la famille, la saison observe un basculement progressif de la lumière à l’obscurité, de l’union à la désunion dans un mouvement qui ressemble à une entreprise de démolition. Profilage est une série de groupe. Si Chloé est la figure principale, s’est constituée autour d’elle, une équipe dont chaque membre possède une vie propre. Cette vie, par le traitement très feuilletonnant qu’opère la saison, va se morceler par petites touches jusqu’à isoler chaque partie. Chloé et sa maladie, Rocher et Rose, Hypolithe et sa paternité, Fred et le couple Hypo/Jess. Au rythme de l’épisode, le sentiment est quasi imperceptible. On devine seulement a posteriori comment tout conduisait, convergeait vers un final opératique.
Profilage s’inscrit comme un objet pop. Pas au sens d’une récupération populaire mais parce qu’elle s’inscrit dans un passé vivant. La série multiplie les références (le mockumentary de The Office, le meurtre en huis clos de Agatha Christie, le road trip de Thelma & Louise, le libertinage de Eyes Wide Shut, Seven…). Une oeuvre semble avoir eu une plus grande emprise : Luther. Choix pas innocent car les deux séries sont capables de tutoyer les mêmes sommets de noirceur et l’exploitation d’une psyché un peu malade. Julie Gayet jouant la vie de ses victimes aux dés rappellera les jumeaux tueurs de Luther (2×03 & 2×04) et Au Nom de mon Fils perpétuera la vision d’une justice punitive à l’ère d’internet (3×03 & 3×04). Mais sous le poids de toutes ces influences revendiquées, la série ne plie jamais, conserve son identité intacte et parvient à surprendre le spectateur par ses ruptures de tons, ses intrigues labyrinthiques et une belle inspiration pour des crimes souvent complexes. Enfin cette saison ose oublier cette recherche absolue d’authenticité pour s’offrir de vrais beaux moments dramaturgiques ou récréatifs. Deux exemples frappants et opposés : la descente de voiture avant l’entrée dans le casino de Face Caméra (5×03). Du glamour un peu artificiel mais qui prouve que Profilage est sortie du complexe français de refuser ce type de plans par peur du ridicule ; la séquence de l’émeute en prison. Soulignons que la série s’offre une belle réalisation dans l’ensemble, avec une mention toute particulière pour les deux derniers épisodes.
Avec cette nouvelle saison, Profilage n’aura jamais été autant audacieuse, référentielle, symbolique et cohérente. Le travail autour du personnage de Chloé Saint-Laurent est fascinant par sa lente déchéance, de la lumière à l’obscurité. Si la jeune femme a toujours connu des moments très dramatiques, jamais elle n’avait sombré de façon aussi implacable. Il semblerait que les auteurs aient craint que la série souffre de sénescence. Paysage mortifère, ambiance désespérée, le duo Fanny Robert et Sophie Lebarbier n’ont rien épargné aux spectateurs et viennent de s’imposer un challenge de taille. Mais jusqu’où iront-elles ?
Quelle erreur d’annoncer son départ !
On se doute du funeste destin du personnage, mais l’annoncer si tôt ne fait que gâcher la surprise et l’émotion que cet événement aurait pu susciter.
Comment être surpris ou touché lorsque Chloé mourra, sera internée, ou ira élever des chèvres en Ardèche ??
Aucun scénario ne sera à la hauteur de ce que l’on pourrait imaginer.
Je comprends que l’actrice ait besoin d’envoyer un message sur sa prochaine disponibilité à des prods en demande, mais quand même..
Dés lors, faudra-t-il désormais plutôt aller interviewer le comptable ou le DRH des prods pour en savoir plus sur le futur des personnages de nos séries ?
Je n’ai vraiment découvert cette série que récemment (par habitude je suis plutôt dédaigneuse face aux séries françaises, surtout labellisées TF1) et j’ai été charmée par son personnage principale. Je me suis peu à peu attachée aux personnages dans leur ensemble tellement leur psychologie est fouillée et leurs actions sont logiques. Je me suis laissée entrainer au fil des saisons dans des histoires où cette même logique était respectée. Bon, c’est avec amertume que j’ai encaissé la mort du 1er commandant. Puis trop assidue pour savoir « c’est qui quand même c’est gens qui jouent (bien !)dans cette série », je me suis auto-spoilée le départ (et la mort) de 2 personnages de 1er plan. J’étais prête à tourner une page et j’ai vu le final.
Et là non. Juste non. En une seule scène de fin, les personnages principaux comme les figurants,tous flics, ont juste perdu tout semblant de cohérence dans leur comportement. Alors non. Non, la vingtaine de flics en renfort (les fameux figurants) ne restent pas plantés comme des courges sans fouiller les environs ! Non, l’informaticien-dieu-de-la-déduction-logique ne part pas dans la pampa à la recherche d’une personne blessée sans avoir rameuté un ou deux secouristes. Et non, le commandant ne porte pas sa coéquipière/amie en pleine crise de schizophrénie comme un paquet sur l’épaule ! Sacrifier la logique pour une suite de scènes pathos ratées lors d’un final de saison ? Qu’est ce qui leur a pris ?!
Et au fait, s’acharner sur un personnage c’est bien, ça met du drama tout ça, mais là, avec Fred c’est du sadisme pur. Si saison 6 il y a, j’espère qu’on apprendra qu’elle est dans le coma quelque part et qu’elle aura un happy ending en saison 42, parce que flûte !