
On a fait le tri, Black Metal Edition – 1er semestre 2015
Drowning the Light – From the Abyss
Treizième album du groupe australien, From the Abyss marque une évolution dans la riche discographie du groupe. Sans renier ses fondamentaux. Aux puristes qui pensent que le Black Metal ne doit pas sortir de quelques caves ou grottes, ils seront servis. Drowning the Light s’est toujours caractérisé par une production rudimentaire. Leur dernier album ne dérogera pas à la règle. Guitares étouffées, batterie un peu lointaine, chant gorgé d’écho, on y retrouve tous les marqueurs communs du groupe capables de nous replonger dans l’archaïsme pionnier des Bathory ou plus tard Darkthrone. From the Abyss, c’est la promesse d’un Black Metal épique et moyenâgeux. Après le folklore vampirique, l’ambiance annonce quelques thèmes guerriers, synonymes de batailles sanglantes et de repos bienveillants. La musique, capable de jouer les deux niveaux, alterne rapidité et mi-tempo, sur lesquels reposent quelques notes de clavier primaire. Émerge ainsi le ressac de Summoning. On y trouve cette puissance évocatrice, capable avec peu, de jaillir devant les yeux de l’auditeur et nous faire vivre une véritable aventure.
Il y a quelque chose de machine à remonter le temps dans From the Abyss. Le temps d’un genre musical comme celui d’un catapultage dans une autre époque. La musique de Drowning the Light s’enrichie, sans jamais perdre cette fragilité d’exécution, qui, chez d’autres, pourraient s’apparenter à de l’amateurisme. Les Australiens, à la démonstration de force, préfère une sorte de vulnérabilité et ne sacrifient jamais l’atmosphère pour la technique.
Clandestine Blaze – New Golgotha Rising
S’il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, certaines peuvent vous donner un bon aperçu de l’œuvre ainsi illustrée. C’est le cas de ce New Golgotha Rising, où l’on imagine la photocopie un peu crade d’une vieille gravure. Le genre d’albums vendus sous le manteau dans les bas fonds de l’underground. Trésor poisseux bien gardé, dangereux pour les non initiés. Clandestine Blaze conjugue traits minimalistes d’un Raw Black Metal et ambiance à glacer le sang des plus courageux. La musique de Mikko Aspa, homme orchestre derrière l’entité, fait vibrer vos os, vous serre le cœur de sa main glacée, vous parcours l’échine jusqu’au désagréable frisson comme si vous étiez possédé. Joli programme qui évoque ce que le Black Metal peut avoir de plus effrayant avec sa combinaison de guitares visqueuses, d’une batterie-pillon et ce chant si caractéristique qui fait les grandes heures de Deathspell Omega. Un chant qui vient des entrailles mais reste coincé au fond de la gorge. Cri étranglé, oscillant dans le grave, éructant de violence dégoulinante.
Le Black Metal ne franchit pas une nouvelle étape avec New Golgotha Rising mais confirme son statut de musique dont la violence univoque sert une aura malsaine. L’album remue la terre des cimetières et retravaille cette soudaine pourriture. Une musique d’outre-tombe, dégueulasse mais qui vous agrippe sans jamais vous lâcher. Il y a de l’incantatoire dans Clandestine Blaze. Pas une version grand-guignolesque de personnes portant robe de bure à capuche devant une assemblée consentante ; une approche pragmatique, faite d’évocation, où Aspa cherche à recréer l’abysse afin que l’abysse nous regarde.
En 2003, quand Drudkh sort Forgotten Legend, l’Ukraine trouve une soudaine place sur la carte du Black Metal. Jalousement gardé par une poignée d’irréductibles, le jeune groupe se découvre rapidement une petite notoriété qui les place en outsider d’une scène en manque de renouveau. Aujourd’hui, Drudkh fait parti des murs. Ils sont des néo-vétérans qui ont bousculé un peu les lignes en flirtant vers une dimension plus progressive (Handful of Stars) pas tout à fait convaincante. A Furrow Cut Short nous ramène vers des formes plus classiques où les compositions aiment se perdre dans une répétition vertigineuse, étirent un fil jusqu’à la rupture afin d’emporter l’auditeur et le réveiller à coup de breaks mélodiques en apesanteur.
Drudkh ne s’exprime jamais mieux que dans la longueur, dans les riffs qui s’étalent, encore et encore. Si le groupe était une peinture, elle serait monochrome. Tout juste verrons-nous des contrastes comme autant d’effluves. Et c’est là que se joue tout le génie du groupe. Dans cette façon de mêler, sous des motifs similaires, des variations, des changements de rythme au sein d’une structure redondante. A Furrow Cut Short est ainsi gorgé de moments épiques, d’envolés lyriques, de violence maîtrisée, de pauses mélodiques. Jusqu’à une digestion difficile, une fois ingurgité l’heure de musique. Le groupe nous avait habitué à des formats un peu plus court (5 titres), avec deux de plus au compteur, on a peut-être trouvé les limites.
Djevel est un « super groupe ». Comprendre qu’il est formé d’illustres membres d’autres groupes. Et comme au football les meilleures joueurs ne font pas la meilleure équipe, l’appellation possède une connotation péjorative. Il y a quelques années, quand Shagrath (Dimmu Borgir) s’associait à King (ex-Gorgoroth), cela donnait un The Underground Regime de sinistre mémoire. A l’opposé, Ghost B.C., dont la nature secrète des membres le prédispose à la marque, jouit d’une réputation à la hauteur de sa qualité (dans un registre post-Black Sabbath). Djevel appartient à la catégorie des bons super groupes.
Leur musique ne ment pas. Du Black Metal, école norvégienne, dans l’ADN, Saa Raa og Kald ne tente pas de réinventer la roue. Du travail de professionnels mais gonflé à bloc. De la production à la science des riffs, on reconnaît des influences comme Taake, avec cette capacité d’aligner des décharges d’énergie pure quelques minutes durant. De l’épique conjugué à toutes ses formes (les fins de Vaar Forbannede Jord ou De Som Hadde Onde Oeyne). Dirge Rep martèle ses fûts comme un damné, façon grosse brute technique, et portés (ou suivis) par des tremolos dantesques. A ceux qui se demanderaient où est la beauté dans ces avalanches de blast beat : dans la violence. Et particulièrement dans le contraste de passages groovy/mi tempo et ceux furieux. Ce rouleau compresseur qui vous passe dessus, vous lessive, vous porte, vous ballade comme un sac plastique dans le vent (©American Beauty ou ©Katy Perry). Saa Raa og Kald est du classique old school Black Metal. Ni plus, ni moins mais qui le fait si bien que l’on se sent obligé d’y retourner. Black Metal ist Krieg.