BlacKkKlansman : KkKolossal finesse

BlacKkKlansman : KkKolossal finesse

Note de l'auteur

Dans les années 70, un flic noir infiltre le Ku Klux Klan local. En colère, Spike Lee signe un film caricatural qui s’apparente à un tract.

Après son Grand Prix à Cannes, BlacKkKlansman de Spike Lee semble avoir subjugué la critique qui parle de son « meilleur film depuis Do the Right Thing ». Pourquoi pas, on peut même envisager BlacKkKlansman, inspiré de faits réels, comme un bon film, tout est possible ? J’ai pour ma part plus que des réserves… Sur le plan formel, la partie comédie très Starsky & Hutch, ne fonctionne jamais, l’histoire d’amour entre le gentil flic black et la jeune activiste est bancale, le montage brouillon, la musique tonitruante, la mise en scène asthmatique… Rendez-moi le cinéaste de la 25emeheure !

Sur le fond, je reste encore plus dubitatif. Pote avec Louis Farrakhan, Spike Lee, qui je vous le rappelle ne voulait plus à une époque être interviewé par des journalistes blancs, trace des parallèles entre les années 60-70 et notre époque et semble nous dire – avec sa subtilité habituelle – que rien n’a changé depuis 50 ans. Pire, que le diable et les dingues du KKK sont à la Maison Blanche et que l’oppresseur blanc tyrannise toujours le pauvre homme noir. Pour preuve, BlacKkKlansman s’ouvre sur un discours raciste mené par Alec Baldwin, célèbre pour ses imitations de Donald Trump à la télé, et se termine sur des images d’actualité de 2017 avec des néonazis et des racistes défilant à Charlottesville. Sérieusement, rien n’a changé aux USA, rien n’a changé pour les noirs depuis les années 60 ? N’y aurait-il pas eu quelques menus changements, notamment avec Barack Obama à la Maison Blanche pendant 8 ans ? D’ailleurs, un réalisateur « engagé » comme Spike Lee aurait-il pu tourner au sein des grands studios il y a 50 ans ? En élément de réponse, voici des propos du comédien Samuel L. Jackson que j’interrogeais sur le racisme il y a quelques années. « Je suis né à Washington et j’ai été élevé dans le Tennessee. Vous savez, j’ai grandi à l’époque de la ségrégation, je suis un enfant de la ségrégation. Il y avait des endroits où vous pouviez aller et d’autres qui vous étaient interdits, avec des panneaux « Whites only ». Partout, c’était partout, dans les bus, à l’école, même dans la rue. Si vous regardiez quelqu’un de travers dans la rue, vous pouviez disparaître, vous faire descendre. C’était la vie en Amérique telle que je l’ai connue. » Alors certes, Trump est une caricature de président, certains flics ont toujours la gâchette facile, les problèmes perdurent, mais on est loin de l’apartheid des années 60, des jeunes écoliers noirs de Little Rock gravissant les marches de leur collège sous les huées haineuses des manifestants blancs, des lynchages, de l’assassinant de leaders noirs comme Martin Luther King

Comme très souvent, Spike les gros sabots est en colère, mais se montre pour le moins manichéen. Dans BlacKkKlansman, tous les noirs sont des super-héros qui semblent sortis d’un film de blaxploitation. Et les blancs sont quasiment tous des rednecks débiles, racistes et dégénérés (sauf le collègue juif du héros, incarné par Adam Driver, qui va infiltrer le KKK). Bref, on est dans du cinéma de propagande qui culmine avec la séquence du meeting de l’un des fondateurs des Black Panthers, Stokely Carmichael. Le flic Ron Stallworth, brillamment campé par John David Washington, semble avoir une épiphanie en écoutant le leader charismatique, et Spike Lee filme la séquence comme une expérience mystique, avec flashs de lumière et musique biblique. L’évangile selon Saint Spike ! C’est assez gênant, naïf, et si on s’intéresse un peu à l’histoire, plutôt édifiant. De fait, Stokely Carmichael, qui avait intelligemment théorisé le « racisme institutionnel » des USA, a quand même déclaré en 1970 qu’Adolf Hitler était un… génie. « I have never admired a white man, but the greatest of them, to my mind, was Hitler » (cité dans le New York Times). Autant pour le saint homme de Spike Lee qui éveille les consciences dans BlacKkKlansman. Et pour la crédibilité et la probité ce film en forme de tract militant caricatural.

 

BlacKkKlansman
Réalisé par Spike Lee
Avec John David Washington et Adam Driver.
En salles le 22 août 2018.

Partager