Les incroyables visages de Boardwalk Empire

Les incroyables visages de Boardwalk Empire

boardwalk-empireLa saison 5 de la série (la dernière !) créée par Terence Winter (à qui l’on doit de nombreux épisodes des Soprano) débarque le 7 septembre sur HBO. L’occasion ou jamais de revenir sur une série surprenante, qui met du temps à séduire… mais qui est aussi un vrai bijou.

Tout ça, c’est de votre faute. Oui, vous les lecteurs du Daily Mars. C’est vous qui avez choisi, lors de l’opération « Une série pour un rédacteur », de m’imposer le visionnage de la saison 1 de la série avec Steve Buscemi et produite par Martin Scorsese. C’est à cause de vous que j’ai regardé les 12 premiers épisodes d’une fresque historique complexe. Froide. Longue à démarrer. Mais pas dénuée de qualités, avec quelques beaux personnages à suivre.

J’avais terminé ma critique en disant que je poursuivrais peut-être. Ce que j’ai fait cet été. Et plus le temps a passé, plus les épisodes ont filé, et plus je me suis pris au jeu.

À tel point que j’attends vraiment la saison 5, maintenant. Avec excitation.

Oh, je sais ce que vous allez me dire : « tu es le spécialiste des séries plus ou moins ratées : tu es tombé sous le charme de ce drama poseur pour insomniaques ». Oui mais non. Pas du tout.

Evidemment, j’aurais aimé placer des jeux de mots foireux façon, « La saison 2, c’est Boardwalk en pire ». Mais je ne peux pas. Parce que, très sincèrement, la série créée par Terence Winter est vraiment très prenante… pour peu qu’on s’accroche un petit moment.

Jusqu’à quand ? La réponse à cette question est très subjective. Il y a un vrai clivage chez ceux qui regardent le drama des années 20 de HBO. D’un côté, ceux qui ont adoré les deux premières saisons de la série, et qui n’ont pas complètement pardonné à Winter le final de la saison 2. De l’autre, ceux qui préfèrent très clairement les saisons 3 et 4.

« Où te situes-tu ? » me demanderez-vous ? Assez clairement, dans la seconde catégorie.

Boardwalk Empire, c’est une très belle série. Avec une production design épatante, une réalisation très soignée. Mais pendant 18 épisodes, Boardwalk Empire, c’est une série qui mobilise une multitude de personnages dans de nombreux théâtres d’opération sans qu’on se sente toujours impliqué.

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Pour rentrer dans la « galaxie Nucky Thompson », il faut du temps. De l’endurance, même. Mais à partir du moment où les forces en présence, lentement installées, se décident enfin à entrer en confrontation, on sort de la logique mécanique du récit -. On touche la chair de ses personnages. On sent leur âme et leurs dilemmes.

Personnellement, ça s’est passé dans les salons cossus du Commodore. Lorsque Jimmy Darmody prend une décision qui sera décisive pour son destin. L’ancien combattant prend alors un chemin bien particulier, tout en étant constamment tiraillé par ses actes et ses émotions.

Boardwalk Empire devient alors ce qu’elle doit être. Une série qui décrit la complexité de personnages qui sont complètement le produit de leur univers. Elle dit comment ils essaient d’échapper à cette réalité et comment ils s’y retrouvent perpétuellement confrontés.

C’est vrai pour Nucky Thompson, qui doit accepter de ne plus être « la moitié d’un gangster » comme le dit Jimmy. Le bonhomme doit également se débattre avec la notion de famille, de paternité (un sujet qui habite Winter depuis le début, comme l’explique l’intéressé lors de sa venue à Séries Mania 3) et c’est assez réussi.

Mais c’est aussi et surtout vrai pour tout un groupe de personnages avec lesquels Terence Winter, Howard Korder et les autres scénaristes vont loin. Très, très loin.

Cela commence avec Eli Thompson et Nelson Van Alden. Le premier est le frère pas très malin de Nucky qui vit mal d’être dans son ombre. Le second est un agent de la Prohibition à la rectitude glaçante. Dans un premier temps.

Car l’un comme l’autre vont considérablement évoluer en quatre saisons. Eli va progressivement tordre l’image que l’on avait de lui pour devenir un personnage fort. À la fois en quête de rédemption et toujours dans l’ombre de son frère. Van Alden, lui, va dégoupiller et embrasser un destin tragi-comique qui donne un côté complètement dingue à la fresque de Winter.  

La grande force de Boardwalk Empire ? La série prend un malin plaisir à contredire l’attente que l’on a de ses personnages. Comme Gillian Darmody.

Vénéneuse, désaxée pendant de nombreux épisodes, elle va prendre une envergure étonnante en saison 4. À tel point que l’on se surprend à la comprendre, à avoir de la compassion pour elle. Presque à souffrir à ses côtés. Une expérience étonnante quand on songe à ce qu’elle suscitait préalablement chez le téléspectateur.

On pourrait dire que la filiation avec l’univers des Soprano est logique. Sauf que la série n’est pas que celle du plus prolifique scénariste des aventures de Tony, Carmela et tous les autres. C’est aussi une vraie production scorsesienne. Dans la façon dont elle exprime la violence, une donnée chevillée à la personnalité. Dans la façon dont elle donne aussi du corps à l’idée évoquée plus haut de « personnages produits d’un univers ». L’évolution de Richard Harrow, un des visages sériels les plus émouvants de ces dernières années, en atteste. Et si vous en doutez, on en reparlera quand vous aurez vu la fin de la saison 4.  

Et voici la saison 5. Un ultime round de 8 épisodes dont l’action se déroule sept ans après la fin de la précédente. Une fin de course dans laquelle « personne ne s’en ira paisiblement », selon la campagne promo. Pourrait-il en être autrement?

Ceux qui suivent la série sont en tout cas prêts. Pour voir si Nucky va faire définitivement le vide autour de lui. Pour assister à l’affrontement final entre Narcisse et Chalky aussi.

Le chemin de Gillian, celui de Margaret, d’Eli, Willy et tous les autres sera sans doute pavé d’embûches. Et comme c’est devenu une habitude dans Boardwalk Empire, la fin de saison pourrait être encore dantesque.
Personnellement, je m’apprête à dire au-revoir à une série qui m’a ennuyé au départ avant de me faire vibrer comme rarement. Et tout ça, c’est grâce à vous.

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