Revue de presse : Steven Bochco et le mythe du grand retour

Revue de presse : Steven Bochco et le mythe du grand retour

Steven Bochco sur le tournage de « Over There », en 2005.

Mercredi dernier, Deadline annonçait que TNT donnait son feu vert pour le tournage du pilote de Murder in the first, nouveau drama du créateur de Hill Street Blues, La Loi de Los Angeles et NYPD Blue. Comme d’habitude, on se prend à rêver d’une nouvelle grande création. Est-ce qu’on sera déçu… comme d’habitude depuis dix ans ?

Le pitch de Murder in the First est assez alléchant : la première saison de la série s’intéressera à deux affaires criminelles. Du crime à l’enquête, et de l’arrestation au procès. En gros, la série reprendra l’articulation d’un épisode de Law & Order développé dans la temporalité de Murder One… mais avec encore plus de points de vue. Au fil des épisodes, on suivrait (si TNT est séduite par le pilote) deux flics de San Francisco, un PDG de la Silicon Valley qui fait office de suspect numéro 1, son avocat et l’équipe du bureau du procureur.

Si ce concept n’est pas d’une originalité folle (avec la multiplicité des angles, il rappelle un peu The Killing), il a  le mérite de reprendre une formule connue des téléspectateurs tout en apportant un petit truc de neuf. Et puis il y a la « patte Bochco ». Mais ça, c’est un avantage… et un inconvénient.

NYPD Blue, le dernier carton du grand Steven. Photo ABC

Un avantage parce que pendant vingt ans, le célèbre producteur a participé à la création de la télévision moderne avec les trois énormes séries citées plus haut. Un inconvénient parce que, depuis une dizaine d’années, il n’a plus sorti de créations marquantes.

On pourrait dire que les succès du grand Steven sont le fruit de travail collaboratif avec des scénaristes de très grand talent (David Milch, David E. Kelley, William M. Finkelstein et Charles H. Eglee, principalement). Et que depuis plusieurs années, Bochco ne trouve plus de créatifs suffisamment inventifs pour « jouer » avec lui. Ce qui est vrai dans plusieurs cas.

A titre d’exemple, Alison Cross (cocréatrice de Philly) ou David Feig (crédité au générique de Raising The Bar) n’ont pas fait des étincelles depuis leur collaboration avec le créateur de Brooklyn South. Parallèlement, Nicholas Wooton et Matt Olmstead, qui ont fait leurs armes d’auteur sur NYPD Blue, n’ont pas été capables de transcender le pitch pas folichon de Blind Justice (un détective aveugle de retour dans son commissariat).

En fait, le seul qui a essayé d’apporter un univers avec lui, tentant de porter un vrai projet avec la caution du producteur, c’est Chris Gerolmo. En 2005, le scénariste de Mississipi Burning d’Alan Parker avait créé et produit avec Bochco Over There, série sur des troupes américaines stationnées en Irak. Si cette production avait le tort d’évacuer toute dimension critique sur l’intervention au Moyen Orient, elle n’était pas dépourvue de qualités (donner son meilleur rôle à Erik Palladino, ce n’est pas rien). Mais cela n’a cependant pas suffit pour durer.

Après « Raising The Bar », TNT va-t-elle commander la nouvelle production du créateur de LA Law ? Photo TNT

Le problème est peut-être ailleurs. Depuis plusieurs années, globalement, toutes les séries de Bochco reprennent des recettes très, très éprouvées et sans génie. Structure modulaire des histoires, vie professionnelle et vie privée qui se percutent, personnages ni tout blanc ni tout noir mais pas trop… on sait que l’on regarde une production du bonhomme, mais rien ne change vraiment. Sans forcément marcher sur les terres d’un David Simon (The Wire) ou d’un Vince Gilligan (Breaking Bad), on se dit qu’il y a tout de même la place pour qu’il se renouvelle et surprenne en bien.

Le créateur de la géniale Cop Rock  a-t-il pris le parti de ne plus rien tester de foncièrement original ? Certes, la concurrence est rude sur ce front… mais on a parfois le sentiment que le producteur fait rentrer toutes les idées dans le même moule. Comme si, dans sa tête, rien n’avait vraiment évolué depuis qu’il a participé à la première révolution de la narration télé. Et surtout, comme si personne n’avait continué à inventer.

Pour Murder in the First, Steven Bochco s’est associé à un inconnu : Eric Lodal. A n’en pas douter, le rôle de ce garçon sera crucial. Soit il apporte quelque chose de nouveau au père de Hill et Renko (et va au bout de sa démarche), soit le projet sera rapidement oublié. Encore.

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