
En attendant… la saison 2 de Borgen
Sept mois après la diffusion d’une première saison qui a suscité un bel engouement critique et public, la série d’Adam Price revient chaque jeudi soir sur Arte. Un rendez-vous à ne pas manquer lorsque l’on aime les séries politiques… et les séries tout court.
Longtemps, on a cru que le genre de la série politique était maudit. La faute à The West Wing et à Aaron Sorkin (mais aussi John Wells) qui avaient placé la barre très haut en la matière. Longtemps aussi, les tentatives pour reprendre le flambeau n’étaient pas vraiment à la hauteur.
Commander in Chief ? Un projet construit autour de Geena Davis mais en panne de fond. Boss ? Une série sans doute trop sombre, trop arc-boutée sur le versant « magouilles » de la question, pour embrasser toute la richesse du sujet. Les hommes de l’ombre ? Une fiction française pas dépourvue d’idées mais qui ne boxe pas tout à fait dans la même catégorie (à cause d’une histoire de complot… mais pas seulement).
Et puis, elles sont arrivées. Borgen et Birgitte Nyborg Christensen. Une série et une femme qui ont remis la politique au premier plan sur le petit écran. Imaginée par Adam Price pour la chaîne danoise DR1, Borgen raconte comment une centriste (interprétée par l’excellente Sidse Babett Knudsen) se retrouve à la tête du gouvernement du Danemark à la suite d’un concours de circonstances.
Loin d’être cependant un premier ministre par accident, celle qui est aussi mère de deux enfants va progressivement s’élever au rang de personnage d’Etat. Elle va aussi et surtout voir sa vie privée s’effondrer, en découvrant le fossé qui sépare la présence (qui l’on est) et la représentation (ce que l’on incarne). Un peu à la manière de Jed Bartlet dans The West Wing, qui apprend son rôle de président des Etats-Unis pendant près de trois saisons.
The West Wing. On y revient. Adam Price, le créateur et scénariste de Borgen, n’a jamais caché qu’il appréciait beaucoup la série d’Aaron Sorkin. Rien d’étonnant dès lors à ce que l’on retrouve dans les deux projets une fine étude du diptyque présence/représentation, de l’opposition entre l’idéal et le pragmatisme. Si Sorkin possède un sens du récit et du dialogue assez uniques pour embarquer le téléspectateur dans son élan, Price, lui, ancre son propos dans un univers sensiblement plus terre-à-terre. Et très prenant.
Un personnage incarne avec force cette idée: Kasper Juul, le spin doctor du premier ministre. Authentique animal politique, on pourrait dire de lui que c’est un étonnant croisement entre Sam Seaborn (pour l’amour des mots et des discours) et Josh Lyman (pour sa capacité à sentir les coups). Tout cela avec une dimension plus sombre, plus grave et directement liée à son histoire.
Pragmatique par excellence, Juul est, dans l’entourage de Birgitte Nyborg, celui qui comprend le mieux les rouages de la politique politicienne… et ceux de la communication. Une réalité qui est magnifié dans ses rapports avec la journaliste Katerine Fonsmark.
Borgen est en fait une histoire de couples. Présence / représentation d’un côté, information / communication de l’autre. Des couples que l’on pourrait rebaptiser Philip et Birgitte (le Premier ministre et son mari) et Katerine et Kasper de l’autre. Deux hommes, deux femmes et des mondes qui se rapprochent, se rejoignent et s’éloignent perpétuellement. La grande force de la série est de jouer très adroitement sur cette dynamique.
C’est donc avec appétit que l’on attend cette saison 2, diffusée à l’automne 2011 au Danemark. S’appropriant d’entrée de jeu la question du retrait des troupes danoises en Afghanistan, Borgen rappelle sans attendre que c’est un projet brillant, très écrit et jamais simpliste. Une fiction qui explore méticuleusement les thématiques évoquées plus haut pour les magnifier avec puissance au détour de quelques grands moments.
A la fin de la saison 1, la scène d’interview télévisée de Birgitte Nyborg – où elle est filmée de profil car elle s’est blessée peu de temps auparavant – en est un des plus brillants exemples. Voir cette femme déchirée entre son image et sa douleur personnelle, la voir faire front coûte que coûte, est sans doute un des plus grands instants que l’on aura vu cette année à la télé française.
Par un curieux effet de ricochet, cette scène renvoie à la dernière de Posse Comitatus, le final de la saison 3 de The West Wing : lorsque Thomas Schlamme filme l’ombre de Bartlet. Un plan dans lequel le réalisateur suggère que l’homme d’Etat est lui-même une sorte d’ombre. Protectrice, surplombant le monde alentour pour s’étirer au loin, celle-ci est indissociable de l’homme sans pour autant qu’on la confonde avec lui.
Devant les caméras, Birgitte Nyborg, devenue littéralement une femme à deux visages pour assumer ses responsabilités nationales, se retrouve dans une situation analogue.
Dans les deux cas, on retrouve la même vérité, la même force narrative.
Dans les deux cas, c’est de la grande télévision. Et c’est pour cela que vous ne pouvez pas rater Borgen ce soir.
BORGEN
Saison 2, Arte (10 épisodes)
Avec Sidse Babett Knudsen (Birgitte Nyborg Christensen), Johan Philip Asbaeck (Kasper Juul), Birgitte Hort Sorensen (Katerine Fonsmark), Michael Birrkjaer (Philip Christensen)
Tous les jeudis à 20h45 à partir du 22 novembre.
Fait suer, Arte se lance dans la diffusion 3 épisodes par soir alors qu’ils durent une heure… J’ai d’ailleurs peur que la dernière fournée soit de 4 épisodes oO Borgen se déguste, zlut !!