Boucler la boucle (Tales from the Loop S1 / Amazon Prime)

Boucler la boucle (Tales from the Loop S1 / Amazon Prime)

Note de l'auteur

La science-fiction ne s’est jamais aussi bien porté qu’en ce moment. Si Devs ravit les fans d’Alex Garland avec de la SF techno et intrigante et que The Expanse préfère happer les amateurs d’espace, Tales from the Loop préfère miser sur le contemplatif, le mystère et l’humain au centre d’un grand tout inexplicable. Retour sur la nouvelle série disponible sur Amazon Prime Video.

Tales from the Loop ne sort pas de nulle part. C’est l’oeuvre de Simon Stålenhag, artiste suédois sacrément doué qui s’est taillé une petite réputation en réalisant des illustrations futuristes d’une mystérieuse campagne suédoise hantée par d’étranges constructions ou créatures souvent robotiques. L’un de ses artbooks, Tales from the Loop, regroupe les illustrations réalisées autour d’un univers commun, celui d’une lointaine bourgade suédoise où le gouvernement a construit un accélérateur de particules qui a engendré de curieux phénomènes sur une nouvelle technologie, appelée The Loop. Paranormal, créations robotiques, autant d’avancées que l’humain est parvenu à maîtriser alors que d’autres événements demeurent toujours aussi mystérieux. C’est autour de ce monde qu’Amazon a lancé la production de cette série, transposant évidemment tout ce petit monde en Amérique mais toujours dans un contexte rural qui lui sied parfaitement bien.

Pour retranscrire cet univers à l’écran, c’est Nathaniel Halpern qui chapeaute le projet, connu pour avoir travaillé sur les séries Outcast et Legion. Avec l’aide du créateur original, il a préféré laisser de côté l’idée de tout construire autour d’une intrigue principale, mais bien de raconter plusieurs histoires, les fameuses « Tales ». Mais Tales from the Loop n’est pas non plus une série anthologique, puisque les personnages sont les mêmes entre les épisodes. A la manière de certains épisodes de The Leftovers par exemple, la série choisit de modifier son point de vue à chaque épisode, comme un character driven. Chaque histoire prend son point de départ sur la rencontre entre un personnage et un événement inexpliqué, tous centré autour de ce fameux bâtiment où sont menés les recherches sur le Loop. Au centre de ces histoires gravite Russ, un vieux savant incarné par Jonathan Pryce qui gère tout le complexe, aidée par sa belle-fille Loretta (Rebecca Hall) et son fils George (Paul Schneider). Autour d’eux évoluent leurs fils Jakob (Daniel Zolghadri) et Cole (Duncan Joiner). Chacun des huit épisodes sera donc l’occasion de s’attacher à un des personnages de ce cercle restreint, qui peut même s’élargir jusqu’à ce gardien entraperçu ici et là.

Mais hors de question de regarder tout ça dans le désordre, puisque les histoires sont placés dans l’ordre chronologique et ont parfois des conséquences sur les intrigues des autres. Le changement de point de vue permet d’élargir les thématiques en se servant du cadre SF comme d’une toile de fond, apportant une lumière différente sur certains regards ou préjugés que l’on peut avoir. Tales from the Loop ne cherchera jamais à expliciter son univers, il révèle d’ailleurs le plus gros secret dès le premier épisode, comme s’il fallait évacuer tout ce qui pourrait interférer vers le véritable intérêt de la série: ses personnages. Le fantastique ne sert que de prétexte à chambouler la vie des protagonistes pour les confronter à leurs angoisses, leurs peurs. Chacun croit trouver dans le Loop une manière d’esquiver ce qui le ronge, mais ce n’est qu’une manière d’élargir son point de vue, de voir au-delà de ce qu’il connaît. La science-fiction devient alors un vecteur d’ouverture d’esprit, et donne lieu à des histoires émotionnelles et touchantes plutôt que de verser dans le sensationnel à tout prix.

Le risque avec des épisodes aussi indépendants, c’est d’avoir quelques moments de faiblesses, surtout quand chaque réalisateur tente d’apposer sa patte tout en respectant la charte graphique et le rythme contemplatif de la série. S’il est difficile de passer après un épisode 4 sensationnel, réalisé par Andrew Stanton (Wall-E) ou un ultime épisode qui vient clôturer la saison de forte belle manière (et réalisée par Jodie Foster), l’épisode 5, par exemple, pêche par un excès de lenteur, où la réalisation s’éternise sur des scènes quelconques pour donner cette impression contemplative. Si d’autres épisodes auraient mérité une durée raccourcie, il faut saluer le travail de la photographie qui rend parfaitement hommage au boulot original de Simon Stålenhag. Dans le choix des couleurs ou dans le respect des designs, le style est plus que présent, tout comme cet aspect nostalgique intemporel qui empêche Tales from the Loop d’être daté correctement. Une ville américaine suspendue dans le temps, au charme désuet empreint d’une certaine nostalgie où tout est fait pour qu’on s’attache uniquement aux personnages. On est loin de l’effet Stranger Things et des clins d’oeils à gogo.

Si la SF minimaliste ne vous fait pas peur et que les histoires un tant soi peu humaniste sont votre truc, Tales from the Loop saura vous ravir. Complètement anachronique par rapport à la production actuelle, la série peut même se targuer d’être un meilleur hommage de l’ambiance SF des années 80 que ceux qui se félicitent d’y arriver. Sublime dans ses couleurs en résonance avec les peintures de l’artiste originale, d’une bienveillance rare, Tales from the Loop se déguste avec plaisir si le rythme contemplatif ne vous effraie pas. On espère vivement une saison 2.

TALES FROM THE LOOP (Amazon Prime Video) Saison 1 en 8 épisodes
Série écrite par Nathaniel Halpern, Simon Stålenhag
Série réalisée par Jodie Foster, So Yong Kim, Charlie McDowell, Tim mielants, Mark Romanek, Andrew Stanton, Dearbhla Walsh & Ti West
Avec Jonathan Pryce, Rebecca Hall, Paul Schneider, Daniel Zolghadri, Duncan Joiner, Nicole Law, Dominic Rains…

 

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