
On a vu… la saison 3 de Braquo
Caplan is back ! Le 10 février, le sombre flic de Canal + et sa bande reprennent la route. Leur mission : mettre hors d’état de nuire des truands venus d’Europe de l’Est en pleine guerre de succession. La recette reste la même : de la tension, des rebondissements en pagaille et de l’action dans tous les sens.
Avant de vous laisser entrer dans ces huit nouveaux épisodes écrits cette fois encore par Abdel Raouf Dafri (La Commune, Un prophète), voici un petit tour d’horizon de ce qui vous attend cette saison.
1. Le récit est mieux cadré
Lauréat d’un International Emmy Award de la meilleure série dramatique en 2012 (une première pour une production française), la saison 2 de Braquo a suscité des réactions contradictoires en France. Machine à rebondissements parfois plus qu’improbables, la deuxième année jouait à fond la carte du thriller totalement décomplexé, pour ne pas dire bien bourrin façon 24. Tout cela avant de dénouer les fils de l’intrigue de façon assez commode en fin de parcours… avec un gros cliffhanger à la clef.
Si la saison 3 ne renie pas l’identité thriller de Braquo, si tout n’échappe pas à la critique (on y revient plus bas), il faut reconnaître que l’histoire gagne cette fois en unité. Cette fois, deux intrigues (La guerre des Vor d’un côté, les aventures champêtres et néanmoins vengeresses de Vogel, de l’autre) cadrent l’histoire d’un bout à l’autre. Le récit gagne en linéarité et c’est un vrai plus : c’est grâce à ça que certaines fins d’épisodes sont vraiment très réussies, comme le numéro 4.
2. Vogel restera toujours Vogel
Avec Caplan, c’est la figure de Braquo ; peut-être même plus que son héros. Impitoyable sadique, l’ex-flic de l’IGS continue de s’enfoncer dans les ténèbres en s’alliant à la jeune Oriane Berizdé (Lizzie Brocheré, vue dans The Hour et American Horror Story) pour éliminer Caplan. Inlassablement poursuivi par Roxane Delgado après l’attentat de la fin de saison 2, le diable aux cheveux gris de la série reste ce mec qui sent le souffre : il attire les regards autant qu’il suscite la répulsion.
Cette saison encore, Geoffroy Thiebaut donne tout à ce personnage complètement barré, définitivement instable… S’il n’est pas au centre de l’action, il garde une place de choix dans la narration. Devenu une sorte de fantasme de bad guy complètement overzetop (lui coller de la famille dans les pattes ne le normalise pas franchement), le personnage est le petit truc vraiment singulier de la série de Canal +. Pourvu que ça dure.
3. Un univers original
Cette saison, Braquo plonge dans le monde des Vor V Zakonie, des truands venus d’Europe de l’Est dont le business prospère en France depuis le milieu des années 2000. C’est la première fois qu’une série française s’intéresse à ce sujet (New York 911, avec le personnage de Chevchenko, l’avait fait aux USA). Dafri s’est pour le coup adjoint les services du reporter Jérôme Pierrat, spécialiste du crime organisé, pour comprendre le fonctionnement de cet univers.
On pourrait regretter que tout cela n’est qu’un prétexte au service du thriller… Mais Braquo, c’est une série d’action(s) dramatique(s), pas The Wire. On évitera donc de reprocher à un pingouin de ne pas savoir piloter un hélicoptère : ce n’est pas ce qu’on lui demande. Plus sagement, on prendra ce qu’on a : quelques scènes intéressantes sur un monde qui mériterait d’être un jour visité en profondeur.
4. Prologue : LE pari de la saison
À l’image de Copilot, l’épisode prequel de The Shield, Braquo et Dafri s’offrent cette saison un petit voyage dans le temps. Objectif, de l’aveu même du scénariste : « Égratigner un peu l’icône » qu’est Eddy Caplan, pour fouiller dans sa chair et donner plus de corps au personnage.
L’exercice est délicat, surtout quand on se rappelle qu’Olivier Marchal, le créateur du projet, a toujours insisté sur le caractère iconique de son héros. Pour lui, le passé de Caplan devait rester une énigme. Abdel Raouf Dafri choisit de franchir la ligne… et ça fonctionne assez bien. Il est délicat de revisiter un tel personnage, de tripatouiller ses motivations. Mais l’histoire parvient à le faire sans franchement entrer en collision -en contradiction- avec les épisodes des deux premières saisons. Mine de rien, ce n’était pas évident.
5. Quelques arrangements regrettables
Prendre Braquo pour ce qu’elle est, une série où l’affrontement est toujours frontal et sans répit, cela n’empêche pas de regretter çà et là quelques petites choses. Si l’introduction du personnage d’Oriane entre complètement dans cette logique de face à face permanent, son évolution reste symptomatique de ce que l’on peut parfois regretter dans la série. En clair : entre la cohérence psychologique d’un acte et un nouveau rebondissement pratique, Braquo choisit plusieurs fois la réponse B.

Oriane, la femme la plus dangereuse de cette saison 3 (Lizzie Brochéré). Photo Capa Drama / Canal + / Tibo & Anouchka
C’est notamment évident… dans Prologue, l’épisode 6. Oriane fait alors un choix qui est expliqué par le flashback autour duquel est construit l’épisode. Mais ce choix n’est pas franchement logique avec ce qu’elle vit dans l’instant. Surtout après tout ce qu’elle a fait sans sourciller pendant les cinq épisodes précédents (et elle va très loin, la bougresse…).
Super rythmée, la série envoie du lourd au niveau rebondissements pour mieux abaisser la vigilance du téléspectateur : parfaitement en phase avec les spécificités du projet tel qu’il l’appréhende depuis deux saisons, Abdel Raouf Dafri montre alors toute sa malice (sa filouterie ?) narrative. Mais parfois, on se dit que ça fait un peu beaucoup, pour ne pas dire trop. Notamment avec certains personnages (l’ouverture de l’épisode 2, aussi forte soit-elle, n’est pas vraisemblable* à une époque où la vidéosurveillance est partout).
Comme le scénariste n’est franchement pas manchot, qu’il a par le passé montré qu’il pouvait être plus subtil et tout aussi efficace (La Commune, je persiste et signe), on ne peut s’empêcher de lui demander le beurre, l’argent du beurre, la crémière et le numéro de sa soeur. Même pour une série aussi sévèrement burnée que Braquo.