
Breaking Bad, quel retour! (critique du 5.09)
Cet article comporte des spoilers.
Dimanche soir, Walter White et ses super-métaphétamines étaient de retour pour entamer la dernière ligne droite de Breaking Bad. Pour rappel de l’intrigue : en fin de demi-saison dernière, Walter s’était rendu compte qu’il était temps d’arrêter sa carrière d’Heisenberg, ayant gagné plus d’argent qu’il ne pouvait en dépenser pour toute une vie. Rangé des voitures, il s’apprête justement à devenir patron d’un carwash, avec sa femme Skyler. Et ils vécurent heureux… jusqu’à ce qu’Hank aille faire la grosse commission.
Comme au début de la saison dernière, tout débute par un flashforward. Un exercice difficile, souvent une facilité. Un exercice que Breaking Bad a toujours réussi avec brio (1). Ici, nous reprenons dans l’enchaînement du flashforward du 5.01, quand Walt fête son anniversaire tout seul dans un diner avant de faire l’acquisition d’une arme. Dans cette vue du futur nous retrouvons Walt allant chez lui… ou plutôt ce qu’il en reste. La piscine, vidée, est devenue une rampe pour les skaters, l’intérieur est saccagé et sur le mur du salon on peut lire ce tag « HEISENBERG ».
Ce flashforward nous apprend que l’enfer s’est abattu sur Walter et qu’il est dorénavant seul. Son échange avec sa voisine, terrifiée à sa simple vue, vient confirmer que son identité secrète ne l’est plus. Et que Hank doit avoir quelque chose à voir là-dedans. Retour au présent, Hank est juste bouleversé en sortant des toilettes de la famille White. Un déluge d’émotions s’abat sur lui. La tête qui tourne, la vue qui se brouille, l’impression d’avoir été prit pour un con pendant plusieurs mois, celle d’être coupable de n’avoir rien vu venir, la colère, la peine. Avec ces scènes, Breaking Bad fait comprendre à quel point le jeu de Dean Norris est juste incroyable de profondeur et de justesse. Une sorte de lettre de recommandation à ses prochains employeurs : cet acteur est toujours surprenant.
L’épisode passe à une vitesse folle, et pourtant la plupart des scènes sont extrêmement longues. Cet épisode est un concentré de ce que Breaking Bad fait de meilleur. De l’humour avec la voisine dans le flashforward, qui semble pétrifiée à la vue de Walter, scène reprise plus tard dans le passé avec un échange d’une banalité convenue qui vous arrachera forcément un sourire. Au minimum. Aussi avec l’idée d’épisode de Star Trek de Badger, mais on revient dessus ici. De la mythomanie élevée au rang d’art, avec Walter qui réussi à faire gober à Jesse que Mike est toujours en vie (mais y arrive-t-il vraiment?). Et des scènes d’une tension incroyables.
Car si Hank a compris que Walter était Heisenberg, on se dit que la confrontation va mettre du temps à se décanter. Mais les auteurs de la série sont plus malins que ça. Et nous offrent une scène déjà mythique au terme de l’épisode. Marqué par la peine et la colère, Hank se tient face à Walter, qui prétexte prendre des nouvelles après qu’il soit parti de chez lui barbouillé. Le voile d’hypocrisie ne tient pas longtemps. Walter veut savoir pourquoi il a retrouvé un mouchard sur sa bagnole. Hank ferme la porte de son garage et lui colle un pain monumental.

« Et donc la petite souris vient chercher ta dent sous ton oreiller pour l’échanger avec une pièce. Mais si, je te jure… crois moi, Jesse »
En une scène, les auteurs posent la trame de la saison, qui ne mènera pas à une confrontation délayée entre Hank et Walter, puisqu’elle a déjà eu lieu. Elle transforme la quête de Hank en quelque chose de vain. Une ouverture de haut niveau, qui ne choisit pas la facilité mais la logique, une ouverture qui nous évite une cargaison de possibilités atroces pour délayer le récit (Walter qui réussit à s’en sortir à la gueule, comme d’habitude ; l’accident de Hank en début d’épisode qui aurait pu le tuer, ou le mettre dans le coma…).
Au moment de livrer leur dernier combat, les auteurs de la série semblent bien décider à ne pas se défiler. Cette ouverture était brillante. Certes, comme certains pouvaient le souligner dernièrement sur les réseaux sociaux (voir s’impatienter de la voir échouer), la saison peut décevoir. Mais elle ne le fait pas sur son premier épisode.
BREAKING BAD, Saison 5, Episode 9
Ecrit par Peter Gould
Réalisé par Bryan Cranston
Avec Bryan Cranston (Walter White), Anna Gunn (Skyler White), Aaron Paul (Jesse Pinkman), Dean Norris (Hank Schrader), Betsy Brandt (Marie Schrader), Laura Fraser (Lydia Rodarte-Quayle), RJ Mitte (Walter White Jr) et Bob Odenkirk (Saul Goodman)
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(1) : Pour trouver aussi fort dans le concept flashforward / présent, il faut remonter à la saison 1 de Damages, qui en avait fait son concept.
Très belle analyse, très juste je trouve.
Et c’est vrai que la manière dont les scénaristes parviennent à flirter avec la facilité pour nous faire croire qu’ils vont tomber dedans, on peut dire que c’est vraiment du grand art.
Breaking bad est au drame ce que Seinfeld était à la comédie : de l’écriture de très haute voltige.