
Brume de cendres : retour dans la Protée
Il y a un an sortait La Fenêtre de Diane, de Dominique Douay. Un ouvrage un brin complexe, qui nous promenait dans la Protée, un monde qui rassemble tous les univers dans le Livre. Un monde attaqué par une mystérieuse Brume de cendres. Sort aujourd’hui une suite, proche de la nouvelle, qui nous remet les pieds sur Terre.
L’histoire : Nuées noires ou brume de cendres, la Bibliothèque est en effervescence. Il faut savoir trouver ce qui pourrait lutter contre ces vagues qui détruisent notre réalité. Pour cela, de petits groupes vont être suivis à la loupe. Notamment celui de Bajo. Bajo, lui, fait parti d’un groupe, l’Heptadécagone. Il leur faut survivre. Oui, mais où, et comment ? Et quand est-ce que son pouvoir voudra bien se déclarer ?
Mon avis : Brume de cendres est tout d’abord un roman bien plus court que son prédécesseur. Publié dans la collection La petite voltaïque des Moutons électriques, il s’agit ici d’un moyen format qui nous ramène sur le monde de la Bibliothèque et de sa lutte contre les nuées noires. Comme dans l’ouvrage précédent, Dominique Douay joue à saute-moutons dans un récit éclaté. Tout le monde cherche la réponse, même le lecteur, entraîné à vivre sans parfois comprendre, témoin parfois impuissant des aventures de Bajo, dans des mondes et des univers qui se meurent.
Brume de cendres est un kaléidoscope de visions horrifiques du futur. Chaque chapitre aurait pu être un livre à part entière, chaque monde un terrain de recherche. Si les liens avec le premier ouvrage sont bien respectés, nous sommes pour autant dans une aventure à part, qui suit La Fenêtre de Diane tout en s’en éloignant radicalement. Les personnages ne sont plus les mêmes, seul reste le danger qui menace toutes les terres, toutes les réalités, et sur lequel on ne sait rien. Un défaut, dans cette fresque de l’inconnu : un grand nombre de personnages masculins, peu de femmes qui sont souvent reléguées à un rôle subalterne et sexuel.
C’est dommage, car comme son prédécesseur, Brume de cendres joue avec notre cerveau, sautant d’un monde à l’autre dans une logique éclatée. Mais là, on ajoute tout le registre des peurs pré-apocalyptiques, et la violence comme le cauchemar suintent de chaque page, avec un détachement dans le ton qui laisse encore plus de place à l’imagination. Mais roman trop court, parfois trop archétypal, on a l’impression de se promener dans une ébauche de carte d’un monde qui a l’air vraiment complet. Et passionnant.
Si vous aimez : L’instant présent. Rien ne compte plus que l’action, nous n’avons pas d’explication, seulement des moyens d’action.
Autour du livre : Il s’agit donc d’une novella, publié dans un ouvrage plus petit. La collection La petite voltaïque est d’ailleurs un nouveau format, lancé cette année par Les Moutons électriques, dans laquelle on a déjà pu découvrir le très perturbant Le Club de Michel Pagel.
Extrait : « Elle-même avait compris avant les autres. Elle hausse les épaules : « À moi de jouer, si je comprends bien. » Une simple constatation. Dans l’Heptadécagone, chacun a une utilité bien précise. Elle, sa spécialité, c’est la brume de cendres. Pas de pot. À la grande loterie des dons et talents, elle a tiré le mauvais numéro. C’est comme ça, philosophe Bajo, dans la vie il y a ceux qui bidouillent des machines improbables et ceux qui se coltinent cette saloperie de brume. Lui, il ignore encore de quel côté il sera rangé, mais il n’est pas trop pressé de le savoir. Selon Grand-Père, les dons qui se manifestent le plus tard sont les plus importants. Importants pour qui ? Pour la tribu, bien sûr, et pour l’Heptadécagone, mieux vaut un sorcier capable d’affronter les pires avatars de la Brume, qu’un bidouilleur de détecteur à la con. Ça lui fait une belle jambe, à Bajo, de savoir qu’il pourrait dans l’avenir jouer un rôle important pour le groupe. Il y a des jours où, même à quatorze ans, on aspire à une existence pépère. »
Sortie : le 18 août 2016, éditions Les Moutons électriques, 208 pages, 14 euros.