
Canal+ Séries : encore bien des questions…
Hier après midi, c’est en présence des grands chefs du groupe Canal+ (le directeur général Rodolphe Belmer et le PDG Bertrand Méheut), assis au premier rang de la salle MK2 du Petit Palais, à Paris, que Maxime Saada (directeur général adjoint) et Manuel Alduy (directeur cinéma) ont présenté à la presse les grandes lignes de la future chaîne Canal+ Séries, qui ouvrira son antenne le 21 septembre pour les abonnés. Premières impressions.
Pour ceux qui s’étonneraient du fait qu’une chaîne consacrée aux séries télé soit présentée par le “Directeur Cinéma” de la maison mère, sachez que Manuel Alduy, comme son titre officiel ne l’indique pas, est aussi responsable de la ligne éditoriale de Canal+ en matière de fictions étrangères (pas de la création originale). Dans l’organigramme de Canal+, son poste chapeaute donc celui d’Aline Marrache Tesseraud, directrice des acquisitions fictions de Canal+, présente hier dans la salle mais visiblement pas à la manoeuvre.
Lutte contre le piratage (peer to peer mais surtout streaming et direct download…), défense de son pré-carré face à l’hyper présence d’OCS en terme d’exclusivités retentissantes et diffusion réactive, insuffisance des cases consacrées aux séries sur la chaîne premium… On imagine que les raisons ne manquaient pas pour que le groupe Canal+ fomente, dés janvier dernier, un groupe de travail chargé de plancher sur la création d’une nouvelle chaîne entièrement consacrée aux séries télé (ou presque, comme on le verra plus loin). Canal+, la chaîne du cinéma et du sport, amenée à créer sur le tard une nouvelle déclinaison consacrée aux séries aux côtés de Canal+ cinéma et Canal+ Sport, tout un symbole….
Maxime Saada, qui a rappelé à juste titre que Canal+ fut dés son aurore diffuseur de séries cultes avec Hill Street Blues en 1984, a ainsi martelé les quatre axes directeurs de Canal+Séries : l’exclusivité, l’immédiateté, la profondeur et la diversité.

Mads Mikkelsen, alias le Dr Hannibal Lecter dans Hannibal, à découvrir en exclusivité sur Canal+ Séries.
« L’Exclusivité »
Ouvrant son antenne le 21 septembre avec la saison 1 d’Hannibal en prime time, Canal+Séries est donc annoncée comme une chaîne proposant, six soirées par semaine, du contenu 100% séries inédites (le 7e jour, elle se reposera avec de la redif’) en prime time. Grosses cartouches annoncées en la matière : Hannibal donc, mais aussi The Americans (la série correctement kiffée par notre Nicolas Robert à nous, lisez plutôt), Utopia (la pépite venue d’Outre Manche et portée aux nues par notre David Bianic à nous, lisez plutôt) et la mouvementée Banshee, fort goûtée par notre Dominique Montay à nous itou (lisez plutôt, quoi). Toujours côté inédits en exclusivité, Canal+ Séries récupère les saisons 3 de Scandal (déjà entamée sur Canal+ premium, vous me suivez ?) et Revenge (dont la saison 2 débute ce dimanche sur Canal+ Family), ainsi que la saison 6 de Mad Men.
On n’en saura pas plus pour le moment et, à ce jour, il manque à ce joli palmarès des annonces concernant des exclusivités sur les nouveautés fermes de la rentrée US 2013. La raison ? Contrairement à ses concurrentes, Canal+ ne dispose pas d’accords-cadre (les fameux “output deals”) avec les studios concernant les séries télé et ne fait donc pas automatiquement son marché dés les screenings d’avril à Los Angeles. Le choix se fait au cas par cas, avec des négociations se poursuivant sur la rentrée : on aura donc sans doute droit à d’autres annonces de la part de Canal+Séries d’ici l’ouverture de son antenne mais à en croire l’un des membres du groupe de travail, la moisson des pilotes 2013 ne s’annonce pas très glorieuse qualitativement… Mais en tout état de cause, en matière de séries fraîches et exclusives, Canal+ (et donc sa nouvelle déclinaison séries) ne se bat pas avec les mêmes armes que ses concurrentes, OCS en tête.

Scandal, la série politico-sentimentale phénomène de Shonda Rhimes : la saison 3 en exclu et « à l’heure américaine » sur Canal+ Séries
« L’Immédiateté »
HA ! Le fameux “H+24” ! Jusqu’ici seuls les services de VOD de TF1, M6 et surtout OCS (via la chaîne OCS à la demande, sur le canal 45, incluse dans le bouquet OCS à 12 euros/mois) proposaient ce privilège. Avec Canal+Séries, les abonnés de Canal+ auraient donc eux aussi droit à une chaîne en diffusion linéaire 100% consacrée aux séries et les proposant en VOST (et en HD) un jour après leur diffusion US, youpi tralala ! Sauf que oui mais non pas du tout en fait. La diffusion “à l’heure américaine” ne va concerner pour le moment que deux séries (peut-être trois) : Scandal et Revenge, dont les saisons 3 seront donc diffusées en HD dans un délai “de deux à sept jours” après la programmation américaine. Un délai incompressible pour assurer un sous titrage de qualité explique Canal+, qui n’exclue pas, pour respecter sa deadline promise au client, de se passer de sous titres en cas de flux trop tendu (le CSA aurait validé). Un seul jour par semaine sera consacré à ce mode de diffusion “à l’heure américaine”, on ne sait pas encore lequel.
« La Profondeur »
Un terme ma foi primesautier pour évoquer le volet un poil plus éditorialisé de Canal+Séries : chaque week end, des marathons séries seront proposés, via la diffusion en intégralité et sans interruption de saisons entières de séries étrangères, mais aussi de créations originales made in Canal. L’expérience débutera avec les deux premières saisons de Homeland (dont la saison 3 inédite, elle, restera l’apanage de Canal+ premium) et des marathons consacrés à Mafiosa saison 4, Les Revenants et Working Girls ont été annoncés.

Lillyhammer : Steven Van Zandt, rescapé des Soprano, de nouveau dans un rôle de mafieux dans cette co-production Norvège/US.
« La diversité »
Sans trop vraiment en dire plus lors de leur intervention (assez chiche hors blabla promo, il faut bien le dire), Maxime Saada et Manuel Alduy se sont bornés à rappeler qu’au delà des séries américaines, Canal+ Séries allait logiquement puiser son stock dans d’autres contrées avec, au premier plan, la Grande Bretagne et la Scandinavie. La dramedy mafieuse américano-norvégienne Lillyhammer (Netflix/NRK1), le thriller dano-suédois Bron/The Bridge (STV1/DR1, format modèle de la future création originale de Canal+, Tunnel) et donc la très barrée Utopia seront également proposées.
Enfin, au delà de ces quatre piliers revendiqués, une place de choix sera aussi accordée aux comédies, avec la saison 6 de The Big Bang Theory, la saison 3 de Shameless, la saison 10 de Mon oncle Charlie et certainement d’autres productions à venir.
Quelques remarques :
– De par sa nature de chaîne multiplexe, Canal+ Séries ne consacrera pas 100% de son temps d’antenne aux séries télé : par obligation légale, la grille devra en fait se composer de 30% de programmes propres et 70% de programmes communs avec la chaîne premium. Oubliez donc le fantasme d’une chaîne full séries : certaines cases en journée seront forcément meublées avec des rediffusions d’émissions de flux de Canal +, voire… de films. En revanche, tous les prime time de Canal+ Séries seront bel et bien composés de séries télé.
– Au vu des premières informations communiquées lors de la conférence d’hier, on est en droit de se demander comment les pilotes aux commandes de ce nouvel avion sauront gérer harmonieusement son décollage sans perturber la vitesse de croisière de Canal+ premium sur le terrain des séries. Et inversement, jusqu’où la chaîne premium acceptera de lâcher ses propres pépites exclusives pour assurer la croissance de son mini-moi séries. Avec Homeland, dont la saison 3 restera bel et bien sur Canal+, on voit bien que Canal+ Séries ne pourra pas non plus se goinfrer tout le buffet… La chaîne mère, qui devait initialement diffuser Hannibal (titre correspondant tout à fait à sa cible grand public événementielle), a cependant consenti à la céder à Canal+ Séries. Comment les arbitrages seront-ils fait à l’avenir ? Sur quels critères sera décidé si telle nouvelle grosse série doit être dévoilée en exclusivité sur Canal+ premium ou Canal+ Séries ? Aucune ligne directrice semble n’avoir été décidée sur ce plan et la décision se fera visiblement au cas par cas…
– Canal+ Séries aura aussi des plages en clair : le matin, à midi et en access prime time. Avec quoi seront-ils remplis ? No comment de la chaîne…
– A priori, Canal+ Séries se concentrera sur les séries récentes et en cours de production, pas les oldies de catalogue. A moins d’une programmation thématique spéciale en rapport avec la diffusion d’une nouveauté, oubliez les intégrales de vieilles séries de vos tendres années donc.
– C’est toujours bon de le rappeler : comme tout autre diffuseur, Canal+ Séries devra proposer un quota de 60% d’oeuvres européennes, dont 40% d’oeuvres françaises, principalement la rediffusion de ses créations originales. On suppose que les créations originales resteront une exclusivité ferme de Canal+ premium.
Bref, beaucoup de questions encore en suspens pour un projet qui semble loin d’être finalisé sur un plan éditorial (comprenez : il y aura sans doute des ajustements d’ici le jour J), mais qui déboulera sur nos écrans quoi qu’il advienne le 21 septembre. Les abonnés de Canal+ auront donc droit (en plus de la chaîne premium et de Canal+ cinéma, Canal+ Sport, Canal+ Décalé et Canal+ family), à une sixème chaîne incluse dans leur abonnement. A découvrir et juger sur pièce à la rentrée !
J’ai du mal à saisir la stratégie de Canal+. Pour moi, Canal+ Séries a « le cul entre deux chaises ». D’un côté ils veulent concurrencer Orange sur l’offre série et le H+24 mais de l’autre ils ne veulent pas affaiblir l’offre de Canal+ Premium.
Le grand public est attiré par les séries les plus populaires. Et là on lui dit qu’il va toujours devoir attendre entre 6 mois et un an pour voir, par exemple, la nouvelle saison de Homeland. Par sûr que ça fasse diminuer le piratage…
Perplexe je suis.
Reste à voir les détails ok, mais c’est quand même sacrément encourageant ce lancement de cette châine qui va clairement dans le bon sens.