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CES DISQUES DONT ON NE PEUT PAS SE DEBARRASSER : GRANDADDY, THE SOPHTWARE SLUMP

CES DISQUES DONT ON NE PEUT PAS SE DEBARRASSER : GRANDADDY, THE SOPHTWARE SLUMP

Autant mes singles favoris, et qui le restent, ont toujours été des coups de foudre immédiats, autant en matière d’albums, cela a souvent été l’inverse. Des disques à la séduction insidieuse, auquel on revient sans cesse, comme une dent malade sur laquelle on ne peut s’empêcher de passer la langue.  Ce fut encore le cas avec The Sophtware Slump sorti en 2000 par Grandaddy. J’aimerais dire que j’ai été ébloui d’emblée par cette pop sans âge, ces morceaux mélancoliques et étirés, mais j’étais plutôt dubitatif au départ. Je ne me souviens même plus de mes réticences. Un disque trop pop peut-être, trop flottant. Pourtant je n’ai pas réussi à le mettre de côté et au fil des écoutes, j’ai été conquis par cet album et ce groupe californien de Modesto au nom pas très aguicheur, il faut bien le dire. Depuis, The Sophtware Slump me suit, comme un disque refuge, qui se prête bien aux écoutes nocturnes.

Grandaddy groupe 2Grandaddy fait déjà figure d’OVNI au regard de sa musique. Le livret du disque donne peu d’indices sur le groupe : aucune photo des membres du groupe, juste les paroles des chansons et des photos de claviers d’ordinateur cassés, à moitié recouverts de terre. La pochette ? Simplement le nom de l’album agencé avec des touches de clavier sur une photo de prairie verdoyante avec en fond des montagnes. L’image a presque quelque chose d’irréel. Voilà qui convient bien à ces chansons qui parlent de la nature et la technologie, de mondes perdus. Pour voir à quoi ressemble le groupe, il fallait alors se tourner vers la presse musicale ou des sites Internet. Les musiciens arboraient de belles barbes fournis de bûcheron, la tête coiffée pour certains d’une casquette, vêtue de t-shirts informes. On les imaginait bien à boire des bières avachis devant la télé ou en faisant griller des steaks sur un barbecue sous le soleil de Californie. On les aurait moins soupçonnés d’être de tels orfèvres de la pop.

The Sophtware Slump déjoue toutes les attentes. Grandaddy place en début d’album la chanson la plus longue du disque (et sans doute aussi la plus bouleversante) : He’s simple, he’s dumb, he’s the pilot (quasiment 9 minutes). Le morceau débute par une ritournelle sur un piano qui paraît antédiluvien. En arrière-plan, des pépiements d’oiseaux. Et surgit cette voix, celle de Jason Lytle, douce et plaintive, jamais geignarde (Thom Yorke pourrait prendre exemple), qui évoque un peu celle de Neil Young, et ce n’est pas un mince compliment. Puis le morceau prend son envol, porté par le chant frêle de Jason Lytle, la guitare et les claviers. Jamais linéaire, strié par des bidouillages électroniques, le titre est d’une rare pureté et semble charrier avec lui toute la mélancolie du monde, sans verser ni dans l’apitoiement ni dans l’inconsistance. Le tour de force de Grandaddy, c’est d’atteindre une certaine universalité dans leur musique avec les moyens du bord du rock indépendant US. Plus classique, ne serait-ce que dans son format, plus lumineux, le morceau suivant Hewlett’s Daughter garde le charme. Si d’autres titres montrent un Grandaddy plus énergique et porté sur les guitares électriques, la mélancolie et la délicatesse de He’s simple, he’s dumb, he’s the pilot n’est jamais loin. Elles reviennent sur Jed’s Other Poem ou Jed the Humanoid.Grandaddy cover

Sur l’ensemble du disque, les samples et les bidouillages restent suffisamment discrets pour ne pas passer pour des effets de manche, mais apportent ces accidents et cette étrangeté qui font toute la particularité de The Sophtware Slump. Quel que soit l’habillage, impossible de perdre de vue les atouts de Grandaddy : des mélodies magnifiques (le rapprochement avec Brian Wilson fait ci et là, tout écrasant qu’il soit, ne parait pas injustifié) et cette fêlure qui transparaît dans les notes et le chant de Jason Lytle. On perçoit bien des influences et des accointances, comme Mercury Rev ou Sparklehorse. Mais au final Grandaddy ne ressemble qu’à lui-même. Et The Sophtware Slump est un petit miracle qui rappelle les hauteurs auxquelles peuvent se hisser de simples chansons pop.

 

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