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Ces disques dont on ne peut pas se débarrasser : Jesus Lizard, Goat

Ces disques dont on ne peut pas se débarrasser : Jesus Lizard, Goat

jlEn 1991, Jesus Lizard frappe fort dans le registre noise rock. Très fort. Le groupe sort Goat, son deuxième album, enregistré sous la houlette de l’intransigeant Steve Albini.

On n’a pas affaire à des perdreaux de l’année. Le chanteur, David Yow et le bassiste David Wm Sims ont déjà fait leurs armes ensemble, au sein du groupe texan Scratch Acid. Le poste de guitariste échoit à Duane Denison, musicien de formation classique (diplômé du conservatoire, pas le CV le plus punk qu’on ait connu), qui s’est rodé dans des formations de jazz. Jesus Lizard, qui commence à  jouer avec une boîte à rythmes, trouve sa configuration définitive avec l’arrivée d’un batteur, Mac McNeilly.

Ensemble, les quatre acolytes enregistrent un premier album, Head (déjà un nom en quatre lettres), puis Goat. Et sur ce disque, comme les deux suivants (Liar et Down, toujours ces noms en quatre lettres), l’alchimie de Jesus Lizard fonctionne à plein. D’un côté, une section rythmique implacable et le jeu singulier et précis de Duane Denison à la guitare. De l’autre, le chant (?) de David Yow, la bave aux lèvres, qui tour à tour marmonne, feule, éructe ses textes tordus, comme en proie à des visions horribles. Ce partage des eaux entre musiciens et chanteurs se retrouve sur scène. Le guitariste et le bassiste jouent impassibles, hiératiques, alors que David Yow se tord, se dessape, se jette dans la foule. Vu à Paris, au festival La Villette Sonique, cette scène où il déchire le T-shirt d’un spectateur monté sur scène, avant de le rebalancer sans ménagement dans la foule. Bref, loin de toute pose, le groupe insuffle au rock une folie et une sauvagerie qui paraissent l’avoir déserté depuis longtemps.

Cette fureur, cette brutalité, Steve Albini a bien su les saisir en enregistrant Goat qui évite baisses de régime et monotonie. Sur l’ensemble de la discographie de Jesus Lizard, les morceaux de bravoure ne manquent pas. Citons sur Goat, Monkey Trick, casé au milieu du disque (ou en début de face B pour le vinyle). Les instruments semblent vouloir racler jusqu’à l’os le morceau qui se met en place, une mélodie triste affleure, David Yow marmonne et s’interrompt lui-même d’un hurlement. Le morceau reprend, le chant de David Yow se fait successivement plaintif, menaçant, empreint de dégoût. La guitare explose enfin, comme pour libérer la tension accumulée… Après une série de titres accidentés dans la veine de Monkey trick, le calme revient sur la fin du disque, avec Rodeo in Juliet qui clôt l’album. Une atmosphère pesante et sombre s’en dégage, renforcée par les paroles : “Here the sky and the ground, here the sky and the dirt / Share the same grey, grey / No fun in the sun, no fun in the sun…”

Owen le Faucheux

 

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