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CES DISQUES DONT ON NE PEUT PAS SE DEBARRASSER : RACHEL’S, THE SEA AND THE BELLS

CES DISQUES DONT ON NE PEUT PAS SE DEBARRASSER : RACHEL’S, THE SEA AND THE BELLS

Rachel's coooooverOn peut trouver de multiples intérêts à Rachel’s. Grâce à ce groupe instrumental, constitué en 1991, vous faites entrer la musique classique dans votre discothèque sans nuire à votre image de rockeur. Vous êtes en hypokhâgne et vous voulez séduire cette jeune fille aux cheveux longs et à l’air mélancolique qui promène toujours un livre de poésie romantique du XIXe siècle dans son sac ? Faites lui écouter Rachel’s, qui cite Frida Kahlo, Egon Schiele ou emprunte le titre d’un de ses albums à Pablo Neruda. On peut aussi apprécier simplement la beauté de ces compositions proches du classique, qui sont loin de faire tapisserie et de tirer l’auditeur vers un ennui poli. Sorti en 1996, l’album The Sea and the Bellsdont le titre fait écho à un recueil de poèmes de Pablo Neruda, saisit le groupe de Louisville à son meilleur.

Louisville ? Le nom de cette ville américaine évoque tout un pan du rock américain : Slint, Will Oldham ou Rodan. C’est justement le chanteur et guitariste de Rodan, Jason Noble, qui sera à l’origine de Rachel’s, rejoint par le violoniste Christian Frederickson et la pianiste Rachel Grimes. Étrangement, le nom du projet imaginé à l’origine par le seul Jason Noble ne vient pas de Rachel Grimes qui se glisse dans l’équation par la suite.

Sur The Sea and the Bells, le noyau dur de Rachel’s invite des cordes et des cuivres à les accompagner. Le disque sort sur Quaterstick Records, une sous-division du cultissime label Touch and Go (Jesus Lizard !). Il commence par quelques courbettes et les mondanités d’usage : une jolie et plutôt inoffensive mélodie portée par le piano et les cordes. Et d’un coup, la première cassure, en plein milieu du morceau, premier grain de sable dans des rouages bien huilés. Les instruments se taisent et cèdent la place à des grincements qui évoquent ceux des bateaux dans les ports. Les cordes et le piano reviennent ensuite, regonflés et cette fois plus inquiétants. Rhine & courtesan donne ainsi le ton, celui d’un voyage en eaux troubles. Rachel’s fait sourdre tristesse et climats menaçants sur les treize titres qui composent The Sea and the Bells. Les passages les plus orchestrés ne sombrent jamais dans le pompiérisme et le groupe ménage des plages plus minimalistes, donnant du relief à l’ensemble.

Rachel'sSur le papier, il y aurait de quoi faire prendre ses jambes à son cou, pour se ruer sur un vieux Ramones de derrière les fagots. Car il va bien falloir lâcher ici le vilain mot, celui de l’album-concept. Pour résumer : une pochette cartonnée bleue (comme un océan sombre), la référence à Pablo Neruda, les divers bruitages qui évoquent la mer (comme les cris de mouette sur Cypress branches)… Pourtant, The Sea and the Bells ne paraît jamais prétentieux ou artificiel. Un disque atmosphérique, oui, inconsistant, non. Surtout, un disque beau et triste qui n’hésite pas non plus à brusquer l’auditeur. Sur Sirens, le danger finit enfin par prendre forme. Des violons stridents à la Bernard Hermann, époque Psychose, vous transpercent les oreilles. Le son étouffé des cloches sur Letters home, le morceau suivant, fait retomber la tension.

Jusqu’au bout, Rachel’s conservera son alchimie si particulière. S’il ne rivalise peut-être pas avec le magistral The Sea and the Bells, Systems/Layers, sorti en 2003, reste un grand cru. Shannon Wright vient même donner de la voix le temps d’un morceau (Last things last). C’est le dernier album du groupe, qui donne encore de ses nouvelles en 2005 avec un EP. La mort de Jason Noble en 2012 a sonné malheureusement la fin de ce groupe à géométrie variable, tout comme celle de Shipping News, l’autre formation du guitariste de Louisville, officiant dans un registre plus rock et tout aussi recommandé.

 

 

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