
Ces disques dont on ne peut pas se débarrasser : Shellac, At action park (Touch and go)
En 1994, Steve Albini n’a plus rien à prouver. Avec Big Black, au début des année 1980, il a déjà profondément marqué le rock indépendant américain. Bruitiste et martial, Big Black, qui se présente comme un groupe de punk-rock, confronte les Etats-Unis à leur face sombres : racisme, viols, violence… L’intransigeant chanteur et guitariste enfonce encore le clou après la séparation de Big Black, avec son nouveau groupe Rapeman (un nom tiré d’un manga expliquera-t-il) qui n’enregistre qu’un seul album, en 1988 Two nuns and a pack mule sur l’incontournable label Touch and go.
La suite ? Le nom de Steve Albini continue à figurer sur des disques, mais ceux des autres. Il se taille une réputation comme producteur, privilégiant une captation live et brut. Il tient d’ailleurs à la mention « enregistré par » et non « produit par ». S’il enregistre souvent des groupes peu connus, son travail est aussi associé à des artistes comme PJ Harvey (Rid of me), Pixies (Surfer Rosa) et bien sûr Nirvana (In utero, dont certains morceaux seront repris par d’autres producteurs à la demande de la maison de disques).
Pour autant, Steve Albini n’en a pas fini avec la scène et sa propre musique. Il lance un nouveau projet en 1992, Shellac en s’associant avec Bob Weston (base) et Todd Trainer (batterie).
Avec Shellac, Steve Albini montre qu’il est est loin d’être dépassé. Trois 45 tours, des sorties qui resteront uniquement sur format vinyle, préparent les esprits à ce qui va venir, l’album At action park : The rude gesture : a pictorial history, Uranus et The bird is the most popular finger. Sur ce dernier 45 tours, le groupe coince même une photo noir et blanc sur la pochette, qui présente la chambre du batteur, où se déroule l’enregistrement. Un manifeste en soi pour le format vinyle et un joli présent pour ceux qui restent attachés au disque en tant qu’objet.
L’album sort dans la foulée en 1994, dans une pochette cartonnée, toujours le même soin apporté à l’objet. Albini se fait une fois de plus remarquer et signe un disque magistral dans une carrière qui ne manquait déjà pas d’éclat. On y retrouve le morceau The admiral, présent sur la face A de The bird is the most popular finger. At action park affine la formule Shellac : un son métallique extrêmement tendu et précis, une guitare tranchante, une batterie appuyé qui guide les morceaux. Steve Albini qui paraît dans le même temps parler et hurler. Une rage froide traverse tout le disque qui saisit l’auditeur à la gorge et ne le lâche plus tout au long des dix titres. Contrairement aux albums suivants de Shellac, aucun morceau ne dépasse 5’15 et la violence affleure encore au fil des titres qui se jouent du classique couplet-refrain. A la fois punk et noise, At action park se ménage une plage instrumentale (Pull the cup) et un morceau plus calme (The idea of north) évoque les ambiances post-rock de Slint, dont Steve Albini a enregistré le premier album, Tweez.