
Ces disques dont on ne peut pas se débarrasser : Violent Femmes, Violent Femmes (Slash Records)
En 1983, le rock paraît mal en point. Dans son expression la plus populaire, il s’affadit et se formate sur les radios. Les synthés s’imposent pour le meilleur (New Order, Depeche Mode dans les années à venir) et surtout le pire. Aux Etats-Unis, la résistance s’organise avec l’explosion du hardcore. Dans ce contexte, le premier album des Violent Femmes apparaît presque comme une aberration. Une guitare, une basse, une batterie, un son dépouillé, une production sans effets de manche. Premier essai et coup de maître.
Le groupe se forme au début des années 1980, dans la région de Milwaukee, au nord des Etats-Unis. Le trio ne se cantonne pas à la sainte-trinité guitare, basse, batterie et joue parfois d’autres instruments, comme le violon et le xylophone. Fils de pasteur, torturé par sa foi, Gordon Gano joue de sa voix nasillarde et grinçante, tour à tour chuchotante et déclamatoire. La musique puise ses sources dans le folk et la country. Mais le Velvet Underground et le punk-rock sont passés par là. Le groupe en retient la tension, l’énergie, voire la brutalité. Un mélange détonant qui n’échappe pas à l’attention des Pretenders en tournée aux Etats-Unis, qui les prennent pour première partie. De quoi mette le pied à l’étrier aux Violent Femmes qui empruntent de l’argent au père du batteur pour produire leur premier album. Ils décrochent un contrat avec Slash, où l’on trouve aussi X. Ce voisinage ne surprend pas : sans sonner pareil, X mélange la coutry et le rockabilly au punk, on y reviendra dans cette rubrique.
Sans titre, le premier album de Violent Femmes livre une pochette intrigante : une petite fille en robe blanche, pieds nus se penche pour regarder par une fenêtre l’intérieur d’une maison décrépie. Sur le disque, dix comptines déglinguées. Morceaux enlevés et plutôt pop au final, Add it up, Kiss off, Blister in the sun frappent d’emblée les esprits. Les instruments et la voix sont parfaitement mis en valeur et se partagent le travail. Le reste ne démérite pas, de la balade Good feelings au xylophone de Gone daddy gone, que reprendra Gnarls Barkley sur St. Elsewhere.
Trente ans après, le premier album des Violent Femmes, son folk mal peigné, son punk bâtard n’a pas pris une ride. Au fil des ans, le disque a été réédié, complété avec deux singles : Ugly et Gimme the car. Ce dernier morceau en dit long sur les obsessions de Gordon Gano et les frustrations qu’il exprime à l’époque : Come on, dad, gimme the car tonight / I tell’ya what I’m gonna do / I’m gonna pick her up /I’m gonna get her drunk…
L’année suivante, en 1984, le groupe sort son deuxième disque, Hallowed Ground, tout aussi réussi, plus théâtral et accueillant le saxophoniste John Zorn.
Owen le Faucheux