
CES DISQUES DONT ON NE PEUT PAS SE DEBARRASSER : X, WILD GIFT
S’il y a bien une qualité qu’on ne peut pas retirer à X, c’est son sens de la concision. Déjà, son nom. Une seule lettre, qui a inspiré à ce groupe de Los-Angeles, cité dans le Moins que Zéro de Brett Easton Ellis, sa plus belle pochette : une croix en forme de X qui brûle sur un fond noir. Le nom de l’album est sobrement indiqué en haut de la pochette : Los-Angeles. L’image de la croix en feu colle bien aux chansons incandescentes de X. Dans ce premier album, sorti en 1980, le son du groupe est déjà en place. Formé autour de John Doe (chanteur et bassiste) et sa compagne Exene Cervenka (chanteuse et poétesse), il pioche dans la country et le rockabilly en y mettant une énergie et une intensité venues en droite ligne du punk. Punk, il l’est aussi par une certaine crudité.
Wild gift, le deuxième album, est dans la lignée du premier, peut-être même un cran au-dessus par sa qualité constante. Sorti en 1981 sur le label Slash, il est produit comme le premier par Ray Manzarek, qui a été conquis par un des concerts de X au Whisky A Go-Go. L’ex-organiste des Doors a eu l’intelligence de ne pas trop en faire et de garder sur les enregistrements studio un côté brut de décoffrage, proche du live. Ray Manzarek produira à nouveau les troisième et quatrième albums de X, sortis cette fois sous l’étiquette Elektra, le label qui a signé les Doors.
La concision dont a fait preuve le groupe pour choisir son nom vaut aussi pour ses compositions. Sur Wild Gift, X ne cherche pas à enjoliver sa musique. Non, pas le genre à s’embarrasser de fioritures, à faire traîner un morceau plus de temps que nécessaire. X joue pied au plancher et reprend à peine son souffle tout au long des 13 titres qui composent l’album. Il ralentit tout juste pour Adult Books qu’on serait tenté de qualifier de balade ou de comptine si la composition n’était encore un peu trop énervée et tendue pour cela.
Les atouts de Wild Gift ? D’abord la combinaison des voix de John Doe et d’Exene Cervenka qui se bousculent et se tournent autour, interpellant vivement l’auditeur, comme pris à témoin de leur drôle de manège. Le jeu de guitare très affûté de Billy Zoom, qui a joué au côté de Gene Vincent, fait aussi des merveilles. Le musicien s’autorise des embardées rockabilly du meilleur effet, sans verser dans l’épate. Impossible de s’ennuyer grâce aux variations de son jeu dans un même morceau. Surtout, X ne tombe jamais dans la nostalgie ou les clichés, malgré ses références à la musique des années 50 et à la country. Sa musique est bien trop intense pour cela. White girl évoque même le post-punk anglais qui a cours dans les mêmes années. Bref, X n’est pas sourd envers son époque.
« Nous sommes désespérés » clame le groupe sur le deuxième morceau de Wild Gift, sorti déjà en single quelques années auparavant, We’re Desperate. Désespérés peut-être, avec vigueur et classe, certainement.
X, Wild Gift