
Children of Morta : si si la famille
Le genre du rogue-like a connu une déferlante ces dernières années mais il traverse récemment un petit coup de mou, les développeurs tentant tant bien que mal de dénicher de nouvelles idées pour appâter le joueur. C’est là que débarque Children of Morta. Mélangeant le gameplay d’un Diablo avec une narration non-linéaire, le titre de Dead Mage débarque dans le game avec une proposition singulière. Mais est-il suffisamment solide pour rivaliser avec les cadors du genre ?
Children of Morta met en scène les Bergson. Ces derniers vivent dans une grande maison accueillant toute la famille, de Mary la mère enceinte jusqu’à Margaret la grand-mère, la première à prévenir ses enfants qu’un danger menace la montagne de Morta. Ils vont devoir prendre les armes pour lutter contre le Mal qui menace le monde. Et c’est là que le jeu se distingue déjà : il n’est pas question de laisser le joueur diriger un seul membre de la lignée, mais plutôt six. Au départ deux seulement sont disponibles : John, le patriarche et Linda, la fille aînée. On y apprend que les deux plus petits ne sont pas en âge de combattre et que le fils aîné a mystérieusement disparu. C’est en avançant dans le jeu que l’on débloquera au fur et à mesure les autres personnages, chacun ayant ses caractéristiques et ses propres capacités. L’histoire ira piocher quelques saynètes à chaque retour de donjon pour faire progresser le scénario, conté par une voix grave comme le ferait un mystérieux voyageur qui narre une histoire autour d’un feu de camp. Un procédé classique mais qui fonctionne à merveille pour les amateurs de belles histoires.
Le jeu de Dead Mage se présente dans une vue de dessus classique aux pixels forts charmants et proche d’un Diablo, avec un gameplay assez similaire, à base d’attaques simples et de pouvoirs se rechargeant après un cooldown. Chacun peut esquiver d’une roulade, certains plus facilement que d’autres, mais chaque membre de la famille Bergson possède son propre style de combat que l’on pourrait apparenter à des classes de combattants. John, le patriarche de la famille, attaque avec son épée tout en se protégeant derrière son bouclier, mais Linda préfère l’arc et les flèches, avec la capacité d’augmenter les dégâts de ses flèches si elle ne bouge pas pendant ses tirs. Kevin, le plus jeune fils des Bergson, combat avec des dagues en augmentant sa vitesse de frappe au fur et à mesure qu’il attaque. Évidemment, tous ne sont pas facile à prendre en main, surtout au début lorsque le personnage ne dispose que de l’attaque de base, ce qui peut rendre les combats monotones. Une lassitude qui disparaît au fur et à mesure que l’on débloque les capacités de votre gardien, mais en raison du principe même du rogue-like, la répétitivité peut vite arriver si l’on enchaîne les défaites.
Pour pallier le pan fragile du rogue like – l’aspect répétitif des runs – Children of Morta amène une facette RPG via un arbre de compétences spécifique à chaque personnage. A chaque niveau son point de compétence, ce qui débloquera quelques techniques secrètes, comme une Rage que l’on déclenche une fois la jauge remplie, ou bien des attaques spéciales comme une onde de choc pour déstabiliser l’adversaire ou un jeté de dagues à 360 degrés. Là où ça devient intéressant, c’est que lorsque le joueur débloque un palier, il déverrouille également un attribut qui affecte toute la famille. Une plus-value qui force à jongler entre les personnages, ce qu’il faudra faire de toute façon puisqu’une Corruption affectera les membres de la famille trop souvent utilisés. Il faudra alors attendre un ou deux runs avant de pouvoir les récupérer en pleine forme. Mais ce ne sont pas les seules améliorations disponibles, puisque l’argent qui ira chez l’oncle Ben améliorera votre santé, vos dégâts ou points d’esquive. Grand-mère Margaret sera également là lorsque vous trouverez des mystérieuses ruines qui débloquent d’autres pouvoirs, comme récupérer encore plus d’expérience pendant les combats par exemple.
Si cette progression restera active durant toute la partie et pas seulement durant les donjons, comme peuvent le faire certains jeux rogue like, l’aspect procédural intervient également durant vos aventures. En passant à travers des portails cachés sous la maison, les héros pourront accéder à trois grands donjons, divisés en sections. Chaque section est découpée en deux ou trois étages, agrémentés d’un boss à occire pour compléter le niveau et passer au suivant sans tout refaire. Comme tout bon rogue-like qui se respecte, il faudra trouver la sortie de vous-même, mais aucun facteur de temps ne vous obligera à tracer la route. Il sera même conseillé d’explorer un minimum pour dénicher les pièces spéciales qui vous permettront d’acquérir une ou deux runes effectives seulement le temps de votre run, ainsi que des attaques spéciales à utiliser lorsque le nombre d’ennemis devient compliqué à gérer. Certaines salles seront aussi l’occasion de faire avancer des arcs narratifs, comme trouver de quoi soigner ce louveteau récupéré un peu plus tôt, ou aider un enfant abandonné après un pillage à retrouver sa mère perdue dans le donjon. Des vrais moments narratifs qui sont là pour empêcher toute répétition dans le run du joueur, même si passé un temps, on trouvera finalement les mêmes types de salles, offrant parfois des mini-jeux de mémoires voire carrément un simili-Pong.
Mais la difficulté parfois exaspérante de certains donjons vaudront quelques noms d’oiseaux assez gratinés. Chaque découverte d’un nouveau niveau est l’occasion de rencontrer des ennemis inédits, qui peuvent être difficiles à appréhender pour les personnages spécialistes du corps à corps. On revient vite à son petit préféré, et des personnages comme Linda capable de contenir une foule de monstres à distance reviendront souvent dans les mains du joueur un peu frustré par les multiples défaites. Difficile par exemple de s’en sortir avec Lucy, qui est incapable de bouger en attaquant à distance, ce qui sera radical lorsque vingt monstres foncent sur elle. Et c’est encore plus rude quand on se rend compte que le mode coopératif ne fait même pas d’ajustements de la difficulté ou du nombre d’ennemis, rendant l’aventure à deux nettement plus facile. On en vient à se poser des questions sur l’équilibrage des runs qui ont l’air de gonfler la difficulté des premiers essais sur un nouveau niveau avant de lâcher bien plus de potions de santé lorsque le joueur entame sa cinquième tentative. Une donnée importante dans le rogue-like, à laquelle Children of Morta n’échappe pas. Il faudra trop souvent jouer avec la chance de tomber sur le bon objet pour parvenir à vaincre le boss, puisque certains artefacts ne servent à rien dans certaines situations.
Si Children of Morta se démarque par sa maîtrise de la narration linéaire au sein d’un gameplay procédural (et ce n’était pas gagné), il pêche par des petits soucis d’équilibrage qui rallonge artificiellement la durée de vie en forçant le joueur à farmer certains niveaux pour gonfler les statistiques et espérer tomber sur l’artefact qui vous permettra de passer ce boss si récalcitrant. Un problème qui disparaît en coopération, à cause d’une difficulté qui ne s’ajuste pas, ce qui frustrera peut-être les aventuriers solitaires. Mis à part ça, Children of Morta se révèle solide sur ses appuis et propose une aventure dans un monde de fantasy vraiment réussi et charmant.
Children of Morta
Développeur: Dead Mage
Éditeur: 11 bit Studios
Plate-formes: PS4 / XBOX ONE / PC / NINTENDO SWITCH / MAC
Prix: 21,99 euros