Comic Con Paris 2015 : 3 questions à Louis Leterrier, Antonio Morais, Lance Fensterman

Comic Con Paris 2015 : 3 questions à Louis Leterrier, Antonio Morais, Lance Fensterman

comicconJeudi dernier se tenait la conférence de presse officialisant urbi et orbi l’arrivée d’un Comic Con français flambant neuf pour le 23 octobre 2015. Un événement prenant le relai de l’éphémère “Comic Con” organisé entre 2009 et 2013 en marge du colosse Japan Expo par la société JTS. Récupéré juridiquement auprès de JTS par la filiale française du groupe américain Reed Exhibitions, le Comic Con Paris ou Paris Comic Con se déroulera donc désormais dans la capitale, avec des ambitions très nettement orientées vers le cinéma. Ca grince déjà des dents du côté des fans de comics, lesquels redoutent que le 9e art ne soit le parent pauvre du barnum à venir. Un an avant son lancement, à quoi s’attendre ?

“Où sont les comics ?” s’étonnait Xavier Fournier dans un article publié sur le site web du magazine Comic Box, quelques heures après la conférence de presse annonçant le prochain Comic Con Paris, le 23 octobre dernier. Présente dans la salle aux côtés de votre serviteur, notre rédactrice Alix Kerrest se fendait elle même d’un joli billet de faire-part de naissance du Comic Con Paris reborn, en notant la quasi absence de l’univers comics dans la bouche des intervenants sur scène.

Une autre curiosité sautait aux tympans durant les interventions successives d’Antonio Morais (directeur du Paris Comic Con mais aussi d’autres salons en tant que directeur de division chez Reed Expositions France), Louis Leterrier (parrain de l’édition 2015) et des quatre “Chevaliers” Frédéric Bénudis, Philippe Goethals, Marcus et Patrice Girod : la référence permanente au célèbre Comic Con de San Diego, pourtant organisé par une toute autre société que le groupe Reed (l’association à but non lucratif Comic Con International). Reed Exhibitions gère quant à elle le New York Comic Con, fondé en 2006 et nettement plus orienté vers les comics que les industries du cinéma et de la télévision (même si cette dernière monte clairement en puissance dans les panels). En toute logique le Comic Con Paris devrait donc être modelé sur son cousin new-yorkais, puisque le même organisateur préside leurs destinées. Mais jeudi dernier, au cinéma Pathé Beaugrenelle où se tenait la conférence, l’accent fut clairement mis sur le cinéma, avec un focus particulier sur la sortie du Star Wars Episode VII de J.J. Abrams en décembre 2015, soit deux mois après le coup d’envoi du Comic Con Paris.

A l’évidence et ce qui n’est pas choquant en soi, Reed Expositions France a d’abord misé sur les grands studios distributeurs et les diffuseurs pour s’assurer de contenus premiums liés à l’univers ciné-séries (stars, images de blockbusters en exclu…), plus à même d’attirer un large public qu’une programmation centrée sur des événements comics. Les instigateurs de ce nouveau Comic Con Paris ont plusieurs mois pour rassurer les « littéraires » et passer les accords nécessaires avec les professionnels de l’édition pour nourrir leur offre en matière de 9e art. Mais si le Paris Comic Con entend proposer une offre solide sur le terrain des comics pour mettre du baume au cœur des puristes, il risque alors une guerre ouverte avec la Paris Comic Expo, organisé depuis 2012 chaque mois de novembre à l’initiative de la boutique Pulp’s. La PCE a déjà trois éditions d’avance et compte certainement protéger jalousement ses exclus – d’où une probable extension de la lutte du Paris Comic Con sur le terrain du cinéma et des séries télé, plus que sur les comics.

Jeter la pierre à Reed Expositions France et ReedPOP pour avoir naturellement voulu frapper fort en terme de com’ via la carte Star Wars semble donc un peu prématuré. Après tout, Reed Exhibitions gère aussi les Star Wars Celebration d’Anaheim et en Europe, normal de mettre à profit leur savoir-faire et contacts sur un univers qu’ils maîtrisent déjà. Des accords formels de partenariat ont par ailleurs déjà été signés avec Canal+, Warner Bros., Viacom, France Télévisions, Gaumont Pathé, tandis que dans la salle étaient présents des représentants de Disney (propriétaire des licences Star Wars/Marvel donc…), Universal et Sony.

D’autres questions se posent pour les pinailleurs que nous sommes, mais là je concède qu’on vous cause vraiment de cuisine interne. Dans quelles conditions s’est déroulée la “passation de pouvoir” entre JLC (qui avait déposé la marque Comic Con Paris et organisa l’évenement de 2009 à 2013 dans l’enceinte de la Japan Expo) et Reed Expositions France ? L’an dernier, JTS annonçait la suspension du Comic Con de Villepinte, officiellement faute de parvenir à lui offrir de bonnes conditions de développement au sein de la Japan. Les américains de Reed Exhibition et sa filiale ReedPOP, via Reed Expositions France,  se sont engouffré dans la brèche et négocié avec JTS la récupération de la marque “Comic Con” en France. On n’a pas d’infos très claires sur les termes du contrat passé entre les deux sociétés mais JTS reste donc visiblement toujours dans la boucle, au moins pour l’édition 2015. Combien de temps la greffe va-t-elle durer ? Thomas Sirdey, fondateur et directeur développement de JTS, prit aussi la parole lors de la conférence de presse mais, en coulisses, semblait un brin nerveux. Après la fin de la conférence, il s’est d’ailleurs montré fort pressant pour solliciter deux entretiens en aparté avec Antonio Morais et Lance Fensterman, le “Senior Global Vice President” de ReedPOP, qui repartait le lendemain à New York.

Bref, ne boudons pas notre plaisir de ce qui s’avère tout de même à la base une excellente nouvelle : le retour d’un Comic Con, qui plus est à Paris intra-muros dans la spectaculaire Grande Halle de La Vilette, dont les responsables voient les choses en grand. Souhaitons-leur de réussir à la fois une belle manifestation pour les fans et respectueuse des cultures de l’imaginaire,  ainsi qu’un événement aussi pérénne qu’efficacement organisé.

 

TROIS QUESTIONS A LOUIS LETERRIER (réalisateur, parrain de l’édition du Paris Comic Con 2015)  :
“Je fais toujours partie de la famille Marvel”

Que signifie pour vous d’être parrain de ce nouveau Comic Con Paris ?
Louis Leterrier : Quand mon ami Fred Benudis, à qui j’ai donné des petits rôles dans tous mes films, m’a demandé si je serais intéressé par ce titre, j’ai accepté tout de suite. J’aime cette culture de la rencontre et cet événement sera une fête pour des gens comme vous ou moi qui toute l’année rêvent de ce genre de cinéma et BD. Pendant trois jours, on se croise tous et on partage notre amour pour des choses anciennes et nouvelles. J’aime aller au Comic Con de San Diego pour prendre la température du présent, de l’avenir de cette culture.

Quel est votre parcours de geek revendiqué ?
L.L : Mon parcours est celui d’un fan qui adorait se costumer et souvent mes copains se foutaient de ma gueule parce que jusqu’à 15 ans, je jouais avec mes figurines Star Wars, je tournais des petits films avec ou j’écrivais une comédie musicale sur Flash Gordon à l’age de douze ans. Je baigne là-dedans depuis l’enfance et si aujourd’hui le geek est devenu branché, à l’époque j’en ai bavé ! Je suis peu à peu passé de fan à créateur et j’ai eu la chance de pouvoir approcher l’univers Marvel. Je n’ai pas décroché L’Incroyable Hulk grace aux succès des Transporteur, mais seulement parce que les responsables de Marvel Studios ont vu le fan en moi et alors qu’ils débutaient la création de Marvel Studios, ils cherchaient surtout des réalisateurs fans. On venait tout juste d’acheter l’appartement de nos rêves avec ma femme à Paris. On venait vraiment à peine de poser nos cartons, littéralement, que j’ai eu un coup de fil. Je sors le téléphone du 3e carton, à l’autre bout du fil c’était Avi Arad qui me demandait de venir à Los Angeles pour me proposer de réaliser Hulk. On a dû tout lâcher pour partir là-bas.

Avez-vous envie et pensez-vous avoir une chance de réaliser un autre film Marvel à l’avenir ?
L.L : Hulk a changé ma vie, il m’a permis vraiment d’accéder à un autre stade professionnel, j’ai pu voler de mes propres ailes. J’ai mis beaucoup de moi dans ce film, et meme si il n’a pas remporté le même succès qu’Iron Man, c’est vraiment dans celui-là que le Marvel Cinematic Universe débute réellement : la scène post-générique avec Tony Stark, les armes siglées Stark Industries et cette scène coupée du suicide raté de Banner, sauvé par Hulk qui brise un glacier révélant brièvement Captain America et son boucler pris dans la glace. J’ai vraiment voulu faire un film de fan. Je fais toujours partie de la famille Marvel et d’ailleurs, dans la VF de Captain America 2, c’est moi qui fait les voix de tous les Français – sauf Batroc. Il y a toujours une option sur moi comme réalisateur et j’étais sur les rangs pour Guardians of the Galaxy. J’espère qu’une opportunité se représentera.

 

TROIS QUESTIONS A ANTONIO MORAIS ET LANCE FENSTERMAN (directeur du Paris Comic Con et Senior Global Vice President de ReedPOP)
« Ce sont les fans qui décideront »

Certains vous reprochent déjà d’avoir négligé les comics dans votre présentation, beaucoup plus axée sur des références à la Comic Con de San Diego et au cinéma. Que leur répondez-vous ?
Antonio Morais : Notre raisonnement est que pour nos débuts et pour attirer le plus grand nombre de fans, le médium le plus puissant est le cinéma. Il fallait donc commencer la communication par là. Ça ne veut pas dire qu’on veut imiter San Diego et focaliser uniquement sur les films mais on a pris les choses dans cet ordre là. Je constate qu’on a visiblement pas assez axé notre communication en direction des éditeurs, mais on est vraiment très en amont de l’événement et les rencontres se font plus facilement avec les distributeurs cinéma et télé. Les éditeurs, c’est un autre monde, d’autres droits. Des gens d’Urban Comics étaient dans la salle. On est conscients que la chaîne créative part des comics pour aller vers le cinéma, pas l’inverse et on s’adaptera à ce que le public nous réclame. Comme l’a dit Lance : “Fans first”

Lance Fensterman : C’est vrai qu’on a beaucoup parlé de San Diego ce matin et en effet nous n’en sommes pas les organisateurs. Mais ils sont les parrains de ce format, ils l’ont vraiment inventé, c’est un événement magnifique et omniprésent. C’est une matrice référentielle connue des gens. Mais en ce qui concerne l’ADN du futur Paris Comic Con, la communauté nous guidera. On va communiquer très régulièrement avec les fans dans les mois qui viennent pour prendre le pouls de leurs attentes. Je pense qu’au final, on sera davantage centrés sur les comics et l’édition, avec un complément en films et séries télé. Mais ce sont les fans qui décideront.

Comment s’est passée la transition avec JTS qui gérait le précédent Villepinte ?
A.M : Au bout de cinq ans, les organisateurs de la Japan Expo voyaient bien qu’ils n’arrivaient pas à trouver une formule pérenne avec leur Comic Con. Lorsque Reed Exhibitions a souhaité lancer une déclinaison à Paris du Comic Con de New York, Lance m’a demandé qu’on fasse d’abord avec ce qui existait déjà et Thomas Sirdey était d’accord sur l’idée que le concept devait être fait autrement. Pas adossé à la Japan Expo, qui était tellement énorme. Et il fallait l’amener sur Paris, une demande régulière des talents… On est tous d’accord pour dire il nous manque encore des compétences, du réseau et on aura besoin de tout le monde, y compris de Thomas. Il fallait que la marque nous revienne et la transition entre l’ancien et le nouveau Comic Con se fait de société à société de manière construite. Il s’agira bien d’un événement Reed, mais nous avons besoin de la caution JTS. On va bosser avec eux sur plusieurs années, ca ne sera pas un one shot.

La New York Comic Con est-elle une manifestation rentable depuis sa création en 2006 ?
L.F : Nous sommes une société commerciale et en effet le NYCC est devenu profitable dés sa 4e édition. Nous partons du principe qu’il est impératif de bien traiter les fans d’abord, c’est ainsi qu’on peut faire de bonnes affaires. J’espère que ce sera la même chose avec Paris, mais tout va dépendre comment le courant passera entre la communauté et nous. On est prêts à investir pour plusieurs années et nous avons retenu beaucoup de choses de l’expérience du NYCC en tout cas !

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